En bref
Des soupçons, mais aucune preuve
Après Vladimir Kramnik, c'est au tour d'Alexander Grischuk de s'aventurer sur le terrain délicat et explosif de la triche, à propos de Gukesh et d'Erigaisi. Son constat part d'une observation : le niveau de jeu des deux Indiens lui semble nettement inférieur en blitz et rapide, par rapport à celui en parties classiques. Cette observation a émergé après avoir disputé des parties rapides face aux joueurs indiens. (source : chaîne Youtube d'Ilja Levitov)
Il convient de noter qu'une différence significative de niveau entre les parties classiques et rapides n'est pas inhabituelle. Fabiano Caruana, par exemple, a longtemps été réputé pour sa redoutable maîtrise des parties lentes, mais il rencontrait plus de difficultés lorsque le rythme s'accélérait.
Dans cette vidéo, il propose quatre explications aux résultats de Gukesh et Erigaisi : la triche, l'utilisation de drogues illégales, la prise de médicaments, ou un miracle. Alexander Grischuk ne croyant pas que des produits puissent réellement améliorer les performances échiquéennes de façon significative, il ne reste donc que la triche ou le miracle selon lui.
Tout comme Carlsen n'avait pas ouvertement accusé Niemann de triche, Grischuk laisse lui aussi planer le doute, laissant à son auditoire le soin de tirer ses propres conclusions. Prudence pour éviter de calomnier, ou véritable hésitation ? Peu importe, car le résultat est le même à l'heure des réseaux sociaux. Ces déclarations d'Alexander Grischuk ne reposent sur aucune preuve matérielle, et soulèvent donc une question fondamentale : le jeu d'échecs peut-il sortir de la défiance généralisée ? Car ce non-dit est typique de l'ère du soupçon dans laquelle est entré le monde des échecs.
Un doute qui ronge aussi les échecs amateurs
Une enquête menée par la Fédération Française des Échecs auprès de 347 joueurs révèle que près de 31% d'entre eux pense déjà avoir été victime ou témoin de triche pendant une compétition. La même proportion ne peut l'affirmer avec certitude, mais le suspecte. Il ne reste donc guère que 36% des amateurs questionnés qui pensent ne jamais avoir fait face à la triche ! Ce poison du doute plane désormais sur les performances à tous les niveaux. Face à cette menace, l'enquête révèle que plus de 50% des joueurs estiment que les organisateurs sont peu voire pas du tout concernés par la triche. (source FFE)
Une prise de conscience rapide et ferme semble nécessaire pour restaurer un climat de confiance dans le monde des échecs. Rappelons que des téléphones étaient présents dans la salle de jeu lors de la dernière Olympiade pour prendre des photos, ou qu'aucun délai de retransmission n'avait été prévu à l'origine au Dubai Chess Challenge. À l'heure où les ordinateurs sont de plus en plus puissants et miniaturisés, il devient impératif de durcir les règles, malgré les contraintes que cela occasionne. Cette inflexibilité est nécessaire pour éviter que les soupçons de joueurs comme Kramnik ou Grischuk ne deviennent des rumeurs qui alimentent le doute. Car derrière ces mots prononcés sur Youtube, l'honneur de Gukesh et d'Erigaisi est en jeu, et ne doit pas être entaché sans preuve.
Quelles solutions ?
Rappelons les mesures proposées par l'ancienne championne du monde Susan Polgar pour lever ce voile de suspicion.
"Ma solution simple et claire pour dissuader la triche aux échecs :
1) Retarder la diffusion de 30 minutes
2) Aucun appareil électronique autorisé (actuellement en place)
3) Spectateurs les 15 à 30 premières minutes seulement
4) 1re infraction de tricherie = interdiction de 2 à 5 ans
5) 2e délit de tricherie = interdiction à vie"
Bien entendu, ces mesures concernent les parties devant un échiquier. Le jeu en ligne, qui a longtemps été présenté comme l'avenir des échecs, semble beaucoup plus vulnérable face au risque de triche, et n'a pas encore trouvé la bonne solution pour la combattre.
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