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L’Indien Gukesh établit un nouveau record de précocité, toutefois contesté, en obtenant le titre mondial à 18 ans. Il avait déjà à son actif celui du plus jeune vainqueur d’un Tournoi des Candidats après sa victoire à Toronto en avril 2024.
Gukesh détrône celui de Garry Kasparov qui avait remporté le titre en 1985, à 22 ans, face à Karpov. En 1993, Kasparov et l’Anglais Nigel Short décident de jouer en dehors de la juridiction de la FIDE en créant la « Professional Chess Association » et organisent leur propre championnat du monde dit « classique ». Un schisme qui perdurera jusqu’en 2006 avec une situation où l’image des échecs et du titre perd une grande partie de sa visibilité.
C’est dans ce contexte qu’un autre joueur, l’Ukrainien Ruslan Ponomariov est sacré champion du monde FIDE en 2002, à 18 ans 3 mois et 13 jours. Un sujet de controverse avec un titre quelque peu dévalorisé car le détenteur des échecs « classiques », le Russe Vladimir Kramnik, vainqueur de Kasparov en 2000, était considéré comme le « vrai » champion du monde. Il refusa d’intégrer le circuit qualificatif imposé par la FIDE. La différence, un match en 16 parties longues où Kasparov avait été méconnaissable, alors que les finalistes du cycle FIDE, Ponomariov et Ivanchuk, étaient issus d’un système d’élimination directe où la finale se jouait en huit parties avec une nette accélération des cadences.
Depuis la réunification, il y a débat sur la formule du titre classique qui en cas d’égalité inclut des départages en cadence rapide, ce qui altère son prestige. Le Norvégien Magnus Carlsen, champion du monde en 2013 face à Vishy Anand, premier champion venu d’Inde, est toujours l’actuel numéro un du classement mondial. Pourtant, à deux reprises, il avait remporté le titre « classique » dans les rapides contre le Russe Sergueï Karjakin en 2016 et l’Américain Fabiano Caruana en 2018. Des interrogations sur la viabilité et la formule des « échecs classiques » font débat, alors que Carlsen a abandonné la couronne en 2023, sans jouer, pour préférer les cadences rapides et d’autres formules comme le Chess960. Ce fut au tour du Chinois Ding Liren de saisir cette opportunité pour intégrer les Candidats et s’approprier le titre face au Russe Ian Nepomniachtchi en 2023.
Le match qui s’est achevé à Singapour le 12 décembre ne couronne pas forcément le meilleur joueur du monde, ni le plus jeune champion. Dommaraju Gukesh remporte le titre à 18 ans 6 mois et 13 jours et occupait la 5e au classement mondial.
Pourtant une certitude, Gukesh est actuellement le mieux préparé sur le plan échiquéen pour un tel défi et, surtout, comme il l’a révélé lui-même, sur le plan mental.
Gukesh réalise un grand match qui démontre que les parties longues ont encore un avenir si l’on sort rapidement des voies balisées par la théorie. Ceci réduit à néant les grandes préparations validées par les ordinateurs pour amener une lutte plus humaine, donc avec plus d’erreurs, en terre inconnue.
Ce fut aussi une guerre psychologique où tout s’est joué dans la dernière et 14e partie. Une « gaffe » devait décider de l’issue du match dans une position qui semblait s’acheminer vers le partage du point.
Cette gaffe « incompréhensible » est la conséquence de la pression exercée tout au long du duel, ainsi que de la volonté d’en découdre, du jeune Indien. Alors qu’il ne disposait d’aucun avantage tangible dans la dernière partie, Gukesh s’obstina à éviter les variantes de nulles et finalement son adversaire, auquel il faut ajouter la pression du temps, commit l’irréparable.
Derrière le triomphe de Gukesh, en arrière-plan, il y a toute une équipe : Grzegorz Gajewski, Radosław Wojtaszek, Pentala Harikrishna, Vincent Keymer, Jan-Krzysztof Duda, Jan Klimkowski et le préparateur mental Paddy Upton. Ce qui est étonnant, les meilleurs Indiens n’ont pas participé. Peut-être la conséquence d’une saine rivalité qui les oppose, en rêvant de s’emparer du titre ?
Un grand coup de chapeau à l’équipe d’Europe Echecs, emmenée par Gata Kamsky, avec la participation de Timothé Razafindratsima, Victor Stephan, Paul Saglier, André Tulliez et du capitaine Marc Quenehen qui remporte le championnat d’Europe des entreprises qui s’est joué à Asnières.
Et enfin, nous nous réjouissons de la rubrique tant appréciée de Gata Kamsky.

Meilleurs vœux pour la nouvelle année et bonne lecture à tous !

Georges Bertola