Match Vladimir Kramnik vs Deep Fritz

Publié le - Mis à jour le

En bref

Le nouveau champion du monde, Vladimir Kramnik, affronte le logiciel Deep Fritz dans un match en six parties, du 25 novembre au 05 décembre 2006, au prestigieux Palais Fédéral des Arts et expositions de Bonn, en Allemagne. Kramnik recevra la somme d'un million de dollars s'il gagne le match. Score final : 4.0 à 2.0 pour la machine après 6 parties.

Quand on lui demanda d'estimer ses chances de remporter la rencontre, Kramnik répondit avec prudence: "Fritz calcule des millions de coups par seconde. Il est extraordinairement difficile de jouer contre un tel monstre de calcul. Depuis le début on avance sur un chemin très étroit, tout en sachant que la moindre erreur signifiera perdre pied. C'est une expérience scientifique et la lutte sera très dure pour obtenir une opportunité".

« Si je perds par une grande marge, le débat sera clôt. » Cette phrase de Vladimir Kramnik, champion du monde, explique à elle seule pourquoi ce duel en six parties pourrait être le dernier, couvert médiatiquement en tous cas, entre un joueur d'échecs de silicium et un autre de chair et de sang.

Après la 6e partie, Kramnik à déclaré que le choix de la défense sicilienne « était un peu risqué. J'ai peut-être pris plus de risques que je ne l'aurais dû ».

Le Russe va empocher 500 000 dollars (375 000 euros), au lieu du million qu'il aurait pu recevoir s'il l'avait emporté. Il s'est dit « un peu déçu » et a espéré pouvoir prendre sa revanche d'ici un an ou deux. « Avec du temps pour me préparer, j'ai encore une chance ».

Cet évènenent est devenu possible grâce aux efforts de Joseph Resch et son UEP (Universal Event Promotion GmbH), avant que le consortium RAG devienne le sponsor principal du match. Site officiel, avec parties en direct : www.rag.de/microsite_chess_com Toutes les parties débutent à 15 h 00.

Partie 6

C'est la dernière partie du match. Kramnik menant les pièces noires, une victoire sera très difficile à obtenir. Cependant, si le choix d'une défense Sicilienne peut sembler risqué, c'est aussi une possibilité pour les Noirs de jouer pour le gain. Surtout que l'attaque Sozin 6.Fc4 a perdu une bonne dose de venin avec le temps. La position agressive des pièces lourdes blanches : Th3 et Dg3, face au roque noir au sortir de l'ouverture, pouvait cependant en effrayer plus d'un.

24...Tb6 semble être le moment critique de la partie, puisque Deep-Fritz répliqua aussitôt par la poussée 25.e5! pour prendre l'avantage.

Avec 13 minutes pour 10 coups, dans une position compliquée, Vladimir Kramnik était aux abois. Un pion noir en a4 succomba et suite à l'échange des Dames (proposé par Vladimir), la finale s'annonçait difficile à tenir.

Le champion du monde fit ce qu'il pu, mais dut abandonner au 47e coup. Le genre humain se consolera peut-être en pensant que Kramnik n'a réellement perdu qu'une partie, la dernière. Score final : 4.0 à 2.0 pour Deep-Fritz.

Partie 5

Kramnik délaissa sa Catalane pour le gambit dame et Deep-Fritz choisit de s'y opposer par une défense Nimzo-Indienne. Après une quinzaine de coups, joués assez rapidement, le champion du monde émergea de l'ouverture avec un léger avantage. Vladimir Kramnik changea de la partie Geller,E-Spassky,B, Riga 1965, (Candidats), nulle en 32 coups, pour jouer : 17.h4, au lieu de 17.Fxf6, sans doute pour tenter de valoriser sa paire de Fous.

Ceci-dit, après la suite forcée inaugurée par 19...b5 la position noire n'avait plus rien à envier à celle des Blancs, bien au contraire : Tours noires plus actives et fort Cavalier centralisé. Seul un pion noir sur la colonne « c » pouvait sembler faible.

C'est le moment que choisit Kramnik pour placer le très bon 24.Td5! et trouver enfin le jeu stratégique tant désiré pour affronter une machine. En revanche cela prit du temps, et au 28e coup les pendules affichaient 31 minutes pour Kramnik contre 1 h 00 pour Deep-Fritz.

Malgré le temps qui filait, Kramnik joua un coup que l'on n'accepte normalement de jouer qu'un couteau sous la gorge : 31.Rf1! se plaçant ainsi, volontairement, sous un échec à la découverte ! Le champion du monde avait cependant bien calculé, l'échec ne menait à rien, sinon à une répétition des coups et au partage du point. Dernière partie mardi 5 décembre à 15 h 00.

Partie 4

On l'attendait depuis le début, il est arrivé : 1.e4! Tout le monde sait bien que les machines apprécient les jeux ouverts. Kramnik choisit de son côté la défense qui laisse le moins de place aux déséquilibres : la Défense Petrov. Bien préparé - mais qui en doute encore - Kramnik sortira des sentiers battus par 8...Df6!? un coup seulement joué deux fois (selon mes bases de données), par un non-classé et un 2095 Elo.

Alors que Hiarcs 10 et Fritz 10 évaluaient la position comme égale après 13...Dxg4, le Russe préféra jouer 13...Df4, ce qui d'abord conduisit Kramnik à perdre le droit de roquer, puis l'amena petit à petit vers une position inférieure. Après 24...Cg7 l'avantage était déjà plus marqué, surtout qu'une Tour noire enfermée en h8 se contentait de faire de la figuration.

Néanmoins, ne trouvant pas d'objectifs clairs, Deep-Fritz semblait ne pas savoir quoi faire de cet avantage et laissa Kramnik revenir dans la partie.

La finale : Fou pour la machine, contre Cavalier, qui survint après le premier contrôle du temps, n'était pourtant pas facile à jouer pour le champion du monde. Et c'est pratiquement à chaque coup qu'il devait réaliser un tour de force pour éviter de dépasser le point de non-retour.

Cependant, la défense de l'humain ne se fit pas en pure perte, puisqu'une fois la forteresse de Kramnik mise en place, à partir du 50e coup, la machine se contenta de « ballader » son Fou d'une case à l'autre... Superbe défense de Kramnik !

Partie 3

On ne change pas une ouverture qui ne perd pas, ce sera donc une nouvelle fois un début Catalan. Kramnik changera très rapidement avec 7.Dc2, au lieu du 7.Dd3 de la première partie. Kramnik a bien tenté d'attirer les pions adverses afin de les affaiblir, mais la machine n'a pas marché dans la combine. La suite de la partie a vu l'exploitation d'une majorité de pions sur l'aile-dame où le champion du monde luttait, difficilement, contre l'avancée d'un pion passé noir sur la colonne « a ». Deep-Fritz ne prit-il pas la combinaison de Kramnik au sérieux ? Ou bien, ne pouvait-il rien faire de mieux ? Toujours est-il qu'après 37...a3?, le sacrifice de qualité 38.Txf8+ permit au Russe de se débarrasser du dangereux pion et d'obtenir ainsi une position de nullité facile à tenir.

Partie 2

Débutée par un gambit dame accepté, la rencontre prit ensuite une allure de semi-slave. Là encore, le choix d'ouverture de Vladimir Kramnik lui offrit une confortable égalité et le Russe pouvait envisager sereinement la suite de cette première partie avec les pièces noires. 16.Tac1, joué par la machine, dans le but de menacer sans attendre le pion « c6 », se révèle en réalité être imprécis, le pion « a » se retrouvant affaibli. Si jusqu'ici Vladimir avait joué rapidement, il prit du temps pour continuer, en particulier sur : 18...c5 et surtout 19...Dc6 mais la position de Kramnik était de plus en plus sympathique ! Cependant, alors que le pion « a » était condamné, la machine retourna ses forces vers l'aile-roi quelque peu désertée par le joueur russe. Une phase tactique survint alors, dans laquelle Kramnik se laissa prendre, sur échec (!), son pion en f7. Ce jugement s'avéra être le bon, puisque qu'après 29...Da7, le champion du monde possédait une position supérieure. 31...a4 arriva sans doute un peu trop tôt et le molosse cybernétique en profita pour égaliser la partie. Ce fut alors que l'incroyable se produisit : dans la position du diagramme ci-dessous, le champion du monde joua 34...De3??

pour se faire mater par l'évident, 35.Dh7#

Lors de la conférence de presse d'après-partie, Kramnik et les journalistes internationaux étaient assommés par cette conclusion. « Je suis également choqué par ce qui s'est produit. Je ne peux pas l'expliquer. Ma position était excellente, je me sentais bien et n'étais même pas fatigué, » a déclaré un Kramnik visiblement troublé.

Partie 1

Il suffit de se souvenir du match qui avait opposé, entre le 21 et le 27 juin 2005, l'Anglais Michael Adams, numéro 1 britannique et numéro 7 mondial à l'époque, à l'ordinateur Hydra, ainsi que du terrible résultat : 5,5 à 0,5 en faveur d'Hydra, pour être convaincu qu'il est nécessaire de se préparer très sérieusement pour affronter une machine.

Le professionnalisme de Vladimir Kramnik n'étant plus à prouver, le Russe sait exactement quel type de positions il doit obtenir (et aussi éviter), s'il veut avoir une chance, soit de prendre l'avantage, soit de ne pas se faire balayer.

C'est donc sans surprise que Kramnik, avec les pièces blanches, choisit une ouverture Catalane, un début dont il connaît parfaitement tous les rouages.

Le moment critique de la partie semble se situer au 30e coup, puisqu'au lieu de 30.a4, le GMI Yasser Seirawan donne la variante : 30.e3! Fc5 31.Rf3! et affirme que Kramnik est gagnant. Au coup suivant, toujours selon Yasser Seirawan, au lieu de 31.h3, c'est 31.Rf3! qui donne encore des chances de gain aux Blancs. La nulle viendra ponctuer la partie au 47e coup. Vladimir Kramnik réalise ainsi une bonne entrée en matière (sauf si les variantes de Seirawan sont bonnes), dans une partie dans laquelle il n'a jamais été mis en danger. Il faudra quand-même attendre de le voir manier les pièces noires pour en savoir un peu plus.

Contrôle du Temps

40 coups en deux heures, puis 16 coups par heure. Si la partie n'est pas terminée après six heures, elle pourra être ajournée à la demande Vladimir Kramnik. Kramnik pourra même ajourner après le 56e coup, sans attendre les six heures de jeu et continuer la partie lors du jour de repos suivant la partie, à la cadence de 16 coups par heure.

Le Vainqueur

Le vainqueur sera celui qui marquera plus de 3 points et obtiendra ainsi le titre de vainqueur du « World Chess Challenge Trophy ». Si le sort du match est décidé avant les 6 parties, Kramnik continuera soit de jouer les parties restantes, soit offrira ses services d'une autre manière.

Livres d'Ouvertures

L'ordinateur consultera ses livres d'ouvertures pendant la partie. Par contre, ces livres ne pourront pas être modifiés pendant le match, sauf 10 demi-coups additionnels dans les variantes d'ouvertures jouées pendant le match, et ces coups pourront être modifiées de sorte que les différentes variantes déjà présentes dans les livres d'ouvertures soient préférées par le programme. Toutes les modifications seront communiquées à l'arbitre. A la fin de chaque partie, l'arbitre rejouera l'ouverture sur l'ordinateur afin de vérifier que le programme communiqué à Kramnik et à l'arbitre est identique à celui qui joue le match. En cas de différence, l'équipe de Deep Fritz devra s'expliquer. Si l'arbitre juge que le règlement a été violé, le point de la partie sera donné à Kramnik.

Tout au long de l'ouverture, pendant que Deep Fritz est « in book », Kramnik pourra voir sur son écran, le livre d'ouverture utilisé par la machine. Avec toutes les statistiques (nombre de parties, performance Elo, score, etc.). Aussitôt que Deep Fritz commence à calculer des variantes, l'opérateur de la machine en informera l'arbitre. L'arbitre le confirmera et l'écran de contrôle de Kramnik sera alors éteint.

Tables des Finales

L'utilisation des “Tablebase” est permise, seulement pour les positions de cinq pièces ou moins, Roi compris. Quand Deep Fritz identifiera une position dans ses tablebases, il devra en informer l'arbitre, qui stoppera les pendules. Vladimir Kramnik sera alors informé que la position a été localisée dans les tablebases.

Si la position est évaluée comme gagnante pour l'équipe de Deep Fritz, l'opérateur en informera Kramnik, en présence de l'arbitre, et la partie continuera, à moins que Kramnik ne préfère abandonner.

Si la position est évaluée comme gagnante pour Kramnik, l'opérateur en informera Kramnik, en présence de l'arbitre, et la partie continuera, à moins que l'équipe de Deep Fritz ne préfère abandonner.

Si la position est évaluée comme nulle, l'opérateur en informera Kramnik, en présence de l'arbitre. Cela constituera une proposition de nulle. La partie continuera, à moins que Kramnik ne préfère accepter la nulle.

Proposition de nulle

Kramnik pourra proposer nulle à n'importe quel moment, peu importe qui a le trait. L'opérateur est autorisé à accepter ou refuser la nulle à la place de Deep Fritz.

L'opérateur peut proposer nulle au nom de Deep Fritz, mais uniquement après qu'une offre de nulle précédente proposée par Kramnik ait été refusée. Si Kramnik estime que la position est clairement nulle, il peut informer l'arbitre et l'opérateur qu'il fait une réclamation « de nulle technique ». L'arbitre stoppera les pendules. Kramnik devra alors expliquer son raisonnement et l'opérateur devra accepter la nulle, à moins que Deep Fritz puisse démontrer que dans les 10 coups précédents il a progressé. L'arbitre déterminera la validité de la réclamation et décidera si la partie est déclarée nulle. Sinon la partie continuera.

Durant les délibérations pour une nulle technique les pendules seront stoppées. Si la réclamation de nulle est rejetée, une pénalité de 5 minutes, ou 10% du temps de Kramnik sera imposée. En cas d'une seconde réclamation de nulle technique refusée dans la même partie, il sera retiré 25% du temps restant à la pendule de Kramnik.

Après-partie

Après chaque partie, l'équipe de Deep Fritz devra imprimer toutes les analyses de la machine et les communiquer à l'arbitre et à l'équipe de Kramnik. Ce document devra inclure les évaluations, la profondeur de recherche, les coups envisagés et les temps de réflexion.

Moteur d'analyses de Deep Fritz

Depuis le 1er octobre 2006, Vladimir Kramnik et l'arbitre ont reçu la version finale de Deep Fritz prévu pour le match. Dans tous les cas, Chessbase garantie qu'aucun changement après le 1er octobre 2006 n'influencera le style de jeu, tactique ou stratégique et que le code du moteur de Deep Fritz restera pratiquement inchangé après cette date, sauf en cas de bugs ou de crash importants.

Depuis le 1er octobre Vladimir Kramnik possède la version finale de Deep Fritz sur une machine d'entraînement, similaire à celle qui sera utilisée pendant le match. A n'importe quel moment du match Kramnik pourra obtenir une copie exacte du Deep Fritz utilisé dans le match, sous la supervision de l'arbitre.