En bref
Après avoir perdu lors du référé d'heure à heure, deux des trois joueurs (Cyril Marzolo n'a pas poursuivi la procédure) ont fait appel de la décision.
Résumé de la procédure
22/12/2010 : la FFE saisit la Commission de l'Action Disciplinaire et de l'Ethique (CADE), pour triche présumée lors des Olympiades de Khanty-Mansïisk.
10/03/2011 : la FFE intente une action en référé pour obtenir le contenu des SMS envoyés par Cyril Marzolo. Elle est déboutée.
19/03/2011 : audience de la Commission de discipline de la FFE. Elle condamne Sébastien Feller à 3 ans de suspension et 2 ans de Travaux d'Intérêt Géneral, Cyril Marzolo à 5 ans de suspension, et Arnaud Hauchard à un blâme et à une interdiction d’exercer toute fonction de capitaine et de sélectionneur au titre de la fédération ou d’un club affilié à la fédération, à titre définitif.
Le Bureau Fédéral de la F.F.E. et les joueurs font appel de cette décision.
19/05/2011 : la Commission d'Appel de la F.F.E. alourdit les sanctions de 1ère instance. Les 3 joueurs sont condamnés à 5 ans de suspension pour Cyril Marzolo et Sébastien Feller, et à 3 ans pour Arnaud Hauchard.
25/05/2011 : le C.N.O.S.F., saisi avant même la décision d'appel, maintient les sanctions.
27/05/2011 : les 3 joueurs assignent le F.F.E. en référé d'heure à heure, afin que la sanction soit suspendue avant le Top 12. Le tribunal rejette leur demande.
La décision du 30/06/2011
Europe Echecs a pu consulter la décision, disponible ci-contre au format pdf. Voici ce qu'il en ressort.
Sébastien Feller et Arnaud Hauchard font valoir que la décision [de la commission d'appel de la FFE] les exposait à des dommages considérables pour leur carrière (et par conséquent à un préjudice), et qu'elle était entachée d'irrégularités susceptibles d'entraîner son annulation. Ils demandent donc au tribunal que les sanctions soient suspendues en attendant un jugement sur le fond.
La FFE invoque l'absence de justification par les appelants d'un dommage imminent, et maintient que la décision est régulière sur la forme comme sur le fond.
Madame la juge Andrich a fait droit aux demandes des deux joueurs, qui peuvent ainsi de nouveau participer aux compétitions.
Elle considère, comme ça avait été le cas en 1ère instance, que leur suspension, notamment lors du Top 12, constituait effectivement un dommage imminent.
Mais contrairement au premier jugement en référé, elle considère que la décision est susceptible d'être entachée d'irrégularités, et ses attendus semblent sévères pour la F.F.E.
C'est assez technique, voire rébarbatif, mais les motifs de la décision peuvent être intéressants pour la suite de la procédure. La question est de savoir si le Bureau Fédéral était compétent pour saisir la commission d'appel.
Cette partie reprend de larges extraits de la décision qu'Europe Echecs a pu consulter.
Il ressort de l'article 7-1 du Règlement Disciplinaire de la F.F.E. que l'appel d'une décision ne peut être interjeté que par «l'autorité fédérale auteur de la saisine», en l'espèce la C.A.D.E. (et non le bureau fédéral).
Selon la F.F.E., le bureau fédéral constitue une autorité fédérale, comme défini au paragraphe 4 de l'article 4-3 du règlement et pouvait donc faire appel.
La juge balaie cet argument :
- La décision de la commission d'appel indique que c'est la C.A.D.E. qui a renvoyé les joueurs.
- L'article 4 du règlement disciplinaire stipule dans son article 4 que la C.A.D.E. est «L’organe de la fédération compétent pour engager les poursuites disciplinaire.», qui a pour fonction (article 4-1) «d'interjeter appel de toute décision rendue en première instance.»
- De plus, les articles 4-3 et 4-5-1 précisent : «toute plainte est à déposer auprès de la C.A.D.E.», qui engage ensuite les poursuites auprès de l'organe compétent (commission de discipline ou commission d'appel).
- Enfin la F.F.E. a elle même reconnu dans les conclusions (les arguments que chaque avocat dépose par écrit au juge) que «la CADE peut, seule, saisir la Commission fédérale de discipline.»
Conséquences
La conséquence immédiate est que Sébastien Feller et Arnaud Hauchard récupèrent leur licence et peuvent jouer immédiatement, et pourront normalement disputer les Championnats de France se déroulant à Caen au mois d'août 2011. Cyril Marzolo, qui n'avait pas fait appel, reste lui suspendu.
La suite au prochain épisode...
A moins que les joueurs et le nouveau Président de la F.F.E., Henri Carvallo, qui nous a déclaré «ne pas avoir d'implication émotionnelle», décident de ne pas laisser l'aléa judiciaire trancher, et règlent le différent en famille, puisque «Gens Una sumus». Il est peut-être temps d'arrêter les frais, dans tous les sens du terme.
La réaction de la F.F.E.
Voici le communiqué publié sur le site fédéral :
«Le 19 mars 2011, la Commission de Discipline de la FFE, saisie par le Bureau Fédéral, retenait que Cyril Marzolo, Sébastien Feller et Arnaud Hauchard s'étaient rendus coupables de fautes contre l'éthique sportive, et les condamnait respectivement à 5 ans de suspension, 5 ans dont 2 avec sursis, et interdiction à vie d'exercer toute fonction de capitaine et de sélectionneur.
Le 19 mai 2011, la Commission d'Appel de la FFE, saisie par les joueurs, aggravait même ces sanctions, Cyril Marzolo et Sébastien Feller écopant d'une suspension de 5 ans, et Arnaud Hauchard de 3 ans.
Le 25 mai 2011, le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF), préalablement saisi par les joueurs et par le plaignant, déclarait la demande de Cyril Marzolo irrecevable, et proposait à Sébastien Feller et Arnaud Hauchard de s'en tenir à la décision de la Commission d'Appel de la FFE du 19 mai.
Le 27 mai 2011, le Juge des Référés de Versailles, saisi en procédure d'urgence par les joueurs, déboutait Cyril Marzolo, Sébastien Feller et Arnaud Hauchard de leur demande de suspendre la décision prise par la Commission d'Appel de la FFE du 19 mai, jusqu'à ce que le juge du fond se soit prononcé.
Le 29 juin 2011, la Cour d'Appel de Versailles, saisie par Sébastien Feller et Arnaud Hauchard, ordonnait finalement la suspension des sanctions disciplinaires prononcées contre eux par la Commission d'Appel de la FFE du 19 mai, jusqu'à ce que la juridiction du fond, saisie à l'initiative de l'une des parties, se soit prononcée sur leur validité.
Cette dernière décision a été prise au motif que c'est la Commission d'Action Disciplinaire et d'Ethique (CADE) qui aurait dû présenter l'appel incident devant la Commission d'Appel de la FFE, et non le Bureau Fédéral. Ce dernier prend acte de la décision, mais s'étonne que le texte fédéral puisse être interprété de cette manière, le législateur n'ayant certainement pas voulu donner tous pouvoirs à la CADE, au détriment de la partie poursuivante.
Le Bureau Fédéral est résolu à démontrer la validité de sa démarche sur le fond, auprès des juridictions françaises compétentes bien sûr, mais aussi auprès de la Commission d'Ethique de la FIDE, qui a été saisie du dossier ; à cet égard, il rappelle qu'il dispose d'éléments probants relatifs à la "triche organisée" qu'il a dénoncée.
Enfin, le Bureau Fédéral indique que cette action a pour but principal de lutter contre le développement de toute forme de triche par des moyens électroniques qui, d'après lui, représente un danger grave pour l'avenir du jeu d'Echecs.
Il agira donc en conséquence dans l'intérêt général, et poursuivra son action pour faire triompher le fond.»
Le Bureau Fédéral de la FFE
Saint-Quentin-en-Yvelines, le 1er juillet 2011