En bref
Cette modeste sanction sonne comme une victoire pour Magnus Carlsen. Le n°1 mondial avait en effet claqué la porte de la Sinquefield Cup 2022 après sa défaite contre Niemann. Ce geste a alors été interprété par beaucoup comme une accusation de triche, Carlsen refusant par la suite d'affronter l'Américain.
Aucunement déstabilisé, Hans Niemann avait décidé de contre-attaquer. Après l'échec de son offensive auprès des tribunaux américains, ses espoirs reposaient sur la Commission d'Éthique et Disciplinaire de la FIDE.
Cette dernière, dans une décision publiée le 12 décembre 2023, a rejeté la plupart des accusations de Niemann.
Accusations de triche : Carlsen non coupable
La Commission considère que les déclarations de Carlsen ne constituent pas des accusations injustifiées de triche, puisque le n°1 mondial n'a fait que souligner ce que Niemann avait lui-même reconnu, la Commission refusant de dissocier la triche en ligne et devant un échiquier.
"Le retrait d'un tournoi équivaut-il à une accusation de tricherie sans aucune parole expresse à ce sujet ? Quand Carlsen se retire de la Sinquefield Cup à la ronde 3, son seul commentaire public était une vidéo de José Mourinho disant : « Je ne peux pas en dire plus. Sinon j'aurais de gros ennuis. »
C'est Niemann lui-même qui a fait des aveux publics après la 5e ronde dans une interview [il reconnaît alors avoir déjà triché en ligne, mais jamais en présentiel, ndlr]
Trois semaines après ces aveux, Carlsen a publié une déclaration dans laquelle il expliquait les raisons de son retrait et exprimait la conviction que "Niemann avait triché plus souvent et plus récemment qu'il ne l'avait admis". Cette déclaration selon laquelle Niemann était un tricheur a été faite après les aveux de Niemann.
Qu’il s’agisse de tricherie en présentiel ou de tricherie en ligne, cela ne rend pas l’une moins grave que l’autre ; c’est toujours une atteinte à l’intégrité du sport."
Extraits de la décision de la Commission d'Éthique et Disciplinaire de la FIDE.
Source : ethics.fide.com
atteinte à la réputation des échecs : Carlsen non coupable
Concernant l'atteinte à la réputation du jeu d'échecs, la décision de la Commission peut surprendre, avec un pragmatisme presque machiavélique :
"L’attention des médias ne doit pas être perçue uniquement comme négative. La couverture de cette affaire a fait des échecs un sujet de discussion répandu et populaire. La tricherie est un sujet sensible dans chaque sport, et les échecs ne font pas exception. Par conséquent, la Commission estime que l'attention portée à cette affaire n'a pas porté atteinte à la réputation et aux intérêts de la FIDE. Au contraire, elle considère que cela a pu stimuler le débat, l'intérêt et la prise de conscience de nombreuses personnes, maintenant désireuses d'apprendre comment la triche peut se produire aux échecs."
Extraits de la décision de la Commission d'Éthique et Disciplinaire de la FIDE.
Source : ethics.fide.com
Difficile de ne pas penser à la célèbre formule attribuée à Andy Warhol : "N'importe quelle publicité est une bonne publicité !" En plus des retombées médiatiques inédites pour le jeu d'échecs, la Commission admet à demi-mot qu'un électrochoc était nécessaire au sujet de la triche, donnant presque raison à Carlsen d'avoir lancé un pavé dans la mare.
"Le spectacle est le mauvais rêve de la société moderne enchaînée, qui n'exprime finalement que son désir de dormir." (Guy Debord, La Société du spectacle)
10 000 euros d'amende pour Carlsen
Reste pour le numéro 1 mondial à payer les 10 000€ d'amendes infligés par la Commission d'Éthique et Disciplinaire pour avoir brusquement quitté la Sinquefield Cup.
"La Commission estime qu'il n'y avait aucune raison valable de quitter le tournoi puisque Carlsen ne risquait pas de jouer à nouveau contre Niemann après la troisième partie, et que rien ne pouvait être obtenu par son retrait, sauf à jeter le doute sur la valeur des mécanismes de fair-play mis en place par les organisateurs (...) Cette décision révèle un manque de sportivité de sa part, qui contourne les mesures mises en place pour traiter correctement ces problèmes en toute confidentialité (...) En tant que champion du monde à l'époque, et que joueur le mieux classé au monde avec une influence et une audience considérables, Carlsen est censé montrer le bon exemple, et non pas le mauvais, en particulier aux yeux des jeunes joueurs d'échecs."
Extraits de la décision de la Commission d'Éthique et Disciplinaire de la FIDE.
Source : ethics.fide.com
Cette décision de la FIDE envoie un message aux joueurs : les polémiques sont tolérées et peuvent même se révéler positives, mais ne perturbez pas le bon déroulement des tournois !