En bref
Les échecs comme décor d'un thriller psychologique
Présentation de la série : En 1997, la société IBM convainc le champion du monde d’échecs Garry Kasparov, vainqueur du super ordinateur Deep Blue, de jouer un match retour. Cette série captivante fait de ce duel entre l’homme et l’IA un thriller psychologique aux résonances toujours actuelles. Rematch a obtenu le Grand Prix – Séries Mania 2024. (source : https://www.arte.tv/)
Le jeu d'échecs en lui-même n'est pas très captivant pour le grand public : des personnes déplacent des bouts de bois sur un plateau, généralement à une vitesse modérée. Comment rivaliser avec d'autres disciplines plus spectaculaires comme le football ou le basketball ?
Arte semble avoir trouvé une recette qui fonctionne : enrober les parties d'une histoire captivante, d'une intrigue à l'issue incertaine et de personnages charismatiques, reprenant les ingrédients du Jeu de la Dame. Ce match mythique fournit un décor idéal, avec un Garry Kasparov au caractère bien trempé face aux équipes d'IBM en quête d'une prouesse technologique, et pressées par les enjeux financiers.
Le jeu d'échecs en lui-même n'est donc qu'un des aspects traités par cette série, ce qui explique son succès auprès d'un large public, bien au-delà du cercle des passionnés. Le journal La Croix a trouvé les bons mots pour décrire Rematch : il s'agit d'un "thriller psychologique", et non un reportage sur l'histoire des échecs.
Les puristes pourront donc regretter la mise en scène parfois éloignée de la réalité, mais dans l'ensemble la formule fonctionne bien, et la série est captivante. Elle confirme que les échecs ont une place à part dans la culture populaire, et nous aurions tort de ne pas profiter de cet aura !
La série est disponible sur la chaîne Youtube d'Arte, et en replay sur le site arte.tv jusqu'au 23 novembre 2024.
La défaite de Kasparov, début d'une nouvelle ère
Pourquoi ce match continue-t-il, presque trente ans plus tard, à passionner le public ? Tout simplement car la défaite de Kasparov a été perçue comme une humiliation pour les humains. En effet, le champion était parfois présenté comme "le dernier rempart de l'humanité" !
La victoire de Deep Blue symbolise l'entrée dans une nouvelle ère, où les ordinateurs sont désormais capables de surpasser les êtres de chair et de sang dans tous les domaines. Le jeu d'échecs étant par excellence le symbole de l'intelligence humaine, ce choc a alors bousculé beaucoup de certitudes. L'explosion récente des technologies fondées sur l'intelligence artificielle relancent l'intérêt pour ce match, qui constitue une étape intéressante pour celles et ceux qui souhaitent mieux comprendre la situation actuelle.
En juin 1997, nous écrivions dans la revue Europe Échecs :
Il est un peu moins de 16 heures à New York quand Kasparov quitte la table du salon privé de l'Equitable Center. Il lève les bras au ciel. Et un peu plus d'une heure, il vient de perdre la dernière partie qui l'oppose à Deep Blue, le super ordinateur d'IBM. Cette déroute en 19 coups est l'une des plus courtes de sa carrière. La nouvelle fait le tour du monde en quelques secondes sur l'Internet : Kasparov a perdu 3,5 à 2,5 un match de parties lentes contre un adversaire qui ne pense pas mais qui compense son absence de neurones en calculant 200 millions de coups par seconde.
C'est fini, celui qui domine les échecs internationaux depuis douze ans, est descendu de son piédestal. Ce qu'aucun être humain n'a réussi à accomplir - battre Kasparov en match - la machine l'a fait.
Pour le grand public, la machine est maintenant plus forte que l'homme. Aux États-Unis, pays où la télévision sert de ciment social, tous les télé-consommateurs ont suivi la sitcom "Kasparov vs Deep Blue" pendant plus d'une semaine. De talk shows en reportage sur la "semaine des échecs" déclarée par le maire de New-York, la firme d'ordinateurs est passée dans les informations télévisées de tous les grands networks. Le matraquage promotionnel est réussi. Mais à quel prix ? L'impact publicitaire du match est estimé à 100 millions de dollars par le Wall Street Journal pour un coût officiel de 5 millions de dollars.
Revivez cette page d'histoire, et beaucoup d'autres !
La défaite de Kasparov face à Deep Blue en 1997 figure évidemment en bonne place dans notre livre collector 64 ans d'histoire des échecs ! Cet ouvrage haut de gamme vous fait revivre les événements marquants depuis 1959, avec plus de 500 documents d'archives tirés de la revue Europe Échecs, réédités pour la première fois.