En bref
Remis du choc que constitua hier la visite judiciaire des poulets à Mâcon, pour une sombre affaire d'hormones, les coureurs ont décidé aujourd'hui de traverser la Bresse. Nul doute qu'ils se sont élancés hardis avec la détermination du chasseur, car la moutarde leur est montée au nez. Leurs croupions bien posés sur la selle, la cuisse musclée tendue par l'effort, les meilleurs cherchèrent à déborder le peloton par l'aile avant d'aborder, bien rouges, les crêtes, en espérant ne pas y perdre des plumes et ont fait à nouveau de cette étape un spectacle tel que seul le sot le laisse. Peut-être même qu'au ravitaillement, certains ont eu droit à cette spécialité de nos amis francophones du Sénégal, le "poulet bicyclette". En tout cas, il y a un oiseau qui n'a pas entendu "l'appel des engoulevents", titre du roman célèbre du l'écrivain corrézien Claude Michelet qui a ainsi honoré ce volatile de nos campagnes, c'est Jimmy Engoulvent de l'équipe Saur-Sojasun, qui pointe toujours bon dernier au classement général.
Puis, arrivait le moment du sprint, près de Belley, non loin des étangs de la Dombe, si bien que la question était bien pour les coureurs, dans cette épreuve de vitesse : terminer ou ne pas terminer dans l'étang. Finalement, aucune poule n'étant mouillée, le peloton a pu affronter le plus dur de l'étape, la première étape de montagne, et pour rester avec les volatiles, le fameux col du grand Colombier, col hors catégorie. 17,4 kilomètres d'ascension. C'est la première fois que ce col est au programme du Tour de France, alors qu'il figure au parcours du Critérium du Dauphiné et du Tour de l'Ain. Il fallait donc se méfier aujourd'hui des coureurs qui, lors des Tours de l'Ain précédents, ont passé le col en tête : Vinokourov en 1998, Taaramae en 2009, Thibault Pinot en 2011. Puis l'étape se terminait par des descentes supposées favoriser les poursuivants au classement général de Bradley Wiggins, Cadel Evans et Nibali, qui espèraient bien, à l'occasion de cette étape, lui infliger une telle défaite qu'il aurait préféré n'être pas né, comme un vulgaire nuggets. Au final, après des offensives alternées de Nibali, de Pinot et de Sagan, c'est finalement à nouveau une belle victoire française avec le triplé de Thomas Voeckler, vainqueur de l'étape qui endosse aussi le dossard du coureur le plus combatif et le maillot du meilleur grimpeur.
Pendant ce temps, sur l'échiquier de la partie majoritaire, le reste du monde met son cavalier noir, qui ne va pas y faire des conserves, en e8 dans la saumure au bord du cadre noir, tandis que Karpov, qui n'est pas un poulet de l'année, et qui n'est pas né de la dernière pluie, ne se laisse pas impressionner et pose son cavalier fraîchement en c4, comme nous le prévoyions.
Yves Marek
auteur de "Art, échecs et mat" (éditions Actes Sud)