En bref
Les échecs sont à la fois fascinants et accessibles. Ils sont pratiqués par des millions d'adeptes de tous âges, sur les cinq continents. La plupart d'entre eux jouent par pur plaisir. Certains, parmi les plus doués, en font leur profession. Au juste, savez-vous à quoi vous jouez ? Autrement dit, les échecs sont-ils un art, une science ou un sport ?
Un Sport
C'est l'avis officiel du Comité International Olympique, qui a délivré son agrément à la FIDE en 1999. Les échecs furent d'ailleurs invités en tant que sport de démonstration lors des Olympiades de Sydney 2000.
Qui dit sport, dit dépense physique. A ce titre, les échecs sont considérés comme un authentique sport de combat ! Les joueurs de haut niveau sont soumis à un stress intense. S'ils veulent maintenir leur niveau de jeu durant la totalité d'un tournoi, ils doivent avoir une condition physique irréprochable. Prenons l'exemple de la Coupe du Monde de Khanty Mansiysk, qui s'est déroulée durant près de trois semaines en Sibérie, du 26 novembre au 18 décembre 2005. L'Ukrainien Ruslan Ponomariov parvint jusqu'à la finale. Il avoua qu'il avait perdu près de 5 kilos durant ce seul tournoi.
Un Art
Avant d'être consacrés comme un sport, de par cet aspect physique, les échecs n'étaient souvent vus que comme une récréation plus ou moins futile ou un jeu de « grosses têtes ». Mais les échecs n'ont jamais été qu'un simple passe-temps. Les plus grands champions de tous les tems en ont toujours eu une vision plus noble.
Alexandre Alekhine (1892-1946) affirmait qu'ils ne sont « pas un jeu, mais un art », précisant ainsi sa pensée : « Un maître d'échecs remarquable et talentueux n'a pas seulement le droit, mais aussi le devoir de se considérer comme un artiste ».
Cet avis éclairé fut évidemment partagé par l'artiste du groupe Dada et Maître français Marcel Duchamp (1887-1968). Coéquipier d'Alekhine lors de différentes Olympiades, Duchamp s'exclama : « Tous les joueurs d'échecs sont des artistes ! ». Quelques décennies plus tard, Garry Kasparov confessa, en août 1999, lors de son séjour à Besançon : « Au fond de moi, je me sens être un artiste... mais il faut que je gagne ! »
Une Science
Pour le Cubain José-Raul Capablanca, détenteur du titre mondial de 1921 à 1927, il ne faisait aucun doute que « les échecs atteignent une perfection qui n'a d'égale que celle d'une science ».
Le métronome cubain fut le dernier géant de la lignée prestigieuse des théoriciens de l'Ecole Moderne. Pour ces dignes héritiers de Steinitz et de Tarrasch, la conduite de la partie devait obéir à des principes d'une rigueur extrême. Selon eux, il existait un parallèle criant entre la résolution du problème posé aux joueurs à l'ouverture de la partie, et celle d'un véritable problème mathématique : la victoire ne relevait que d'une question de bonne ou de mauvaise méthodologie !
Vladimir Kramnik, l'un des successeurs de Capablanca au Panthéon mondial, a un avis encore plus aigu. Le premier vainqueur historique de Kasparov, à Londres, en 2000, considère que « les échecs sont un combat, qui fait intervenir des principes scientifiques et intègre des notions qui sont propres à l'art ». D'où son aphorisme devenu célèbre pour qualifier son style, après son match mondial victorieux de Brissago, en 2004 : « Un peintre ne demande pas aux gens ce qu'ils veulent voir. Il peint ».
Quant à Anatoly Karpov, ce génie de la prophylaxie doué d'une précision horlogère, il s'est montré encore plus magnanime que Kramnik. Le 12e champion du Monde a tranché la question à sa manière, en déclarant : « Les Échecs sont tout : art, science et sport ».
Les échecs, c'est la vie
Au-delà de toutes ces certitudes, il reste l'opinion la plus catégorique émise par le romancier espagnol Miguel de Cervantes (1547-1616). Au faîte de la Renaissance, le génial créateur de « Don Quichote » s'exclama: « Les échecs, c'est la vie ! »
Cette maxime fut reprise à son compte plus de quatre siècles plus tard par Bobby Fischer, époustouflant 11e champion du Monde. Quand à son rival déchu, Boris Spassky, il s'était contenté d'affirmer : « Les échecs, c'est comme la vie ! »
Le Challenger américain était dévoré à 100% par sa passion. Le tenant du titre soviétique avait une vision légèrement moins restrictive de sa vie de joueur.
Comme quoi, un titre mondial peut basculer sur une nuance de style.