En bref
Siegbert Tarrasch (1862-1934)
On l'a dit : la stratégie est l'art de concevoir un plan de bataille, selon un schéma théorique. La tactique consiste à réaliser ce plan par des mouvements de troupes coordonnés.
L'ouverture est achevée. Les formations sont au contact. La partie rentre dans sa phase critique. Les objectifs stratégiques ont été définis. Le tacticien va mettre en uvre les moyens spécifiques qui lui sont offerts pour les atteindre. Il va lui falloir être précis.
Le courage est une qualité requise, car le recours à la tactique va déséquilibrer durablement la position. Le moindre engagement, comme un clouage, la moindre passe d'armes, comme l'échange d'un mauvais Fou contre un bon Cavalier, auront des conséquences irréversibles. Il faut s'engager dans des complications, là où rien n'est clair. La tactique nécessite du sang froid. Il va falloir assumer les conséquences de son choix.
Un premier rappel utile : plus on échange de pièces, plus on désamorce une attaque.
A contrario, le joueur à l'attaque doit conserver un maximum de pièces actives sur l'échiquier, afin de les faire converger vers son objectif.
Les Ressources tactiques
Il existe une infinité de combinaisons possibles, de la plus simple à la plus complexe. L'il doit être vigilant et le cerveau doit fonctionner à toute vitesse pour comprendre les ressorts dynamiques de la position.
Une série de questions doit résonner en permanence : Y a-t-il une possibilité tactique ? Où est placé le Roi adverse ? Puis-je sacrifié ? Quelles seront les conséquences de ce clouage ? Quelle sera la structure de pions après cette manoeuvre ?
L'issue de la partie va dépendre du bon ou du mauvais usage de ces innombrables éléments de tactique, mais aussi du timing de leur mise en action. La notion de calcul en profondeur des variantes devient prédominante. Il est essentiel d'évaluer le plus loin possible les conséquences d'une suite tactique.
Si la combinaison n'est pas forcée, cette évaluation s'opère le plus loin possible, comme pour la stratégie. Une combinaison est directe. Elle est souvent fondée sur un piège. Quasiment toutes les parties recèlent des ressources tactiques. Si l'on est en défense, il faut impérativement trouver la pointe de l'attaque, soit le coup final « inattendu » mettant un terme à la combinaison.
Une combinaison peut aussi bien viser à mater le Roi, qu'à gagner de l'espace ou simplement à détruire la coordination des pièces adverses, par exemple, avec un sacrifice de qualité afin d'obtenir une forte initiative.
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Attaque double : « L'avantage d'attaquer deux pièces simultanément est évident, car, probablement, une seule pourra être sauvée. » Cette citation signée Edward Lasker (1885-1981) explique parfaitement l'une des clés fondamentales de la tactique. La Dame est la pièce la plus appropriée pour créer les conditions d'une attaque double, de par son rayonnement.
Attraction du Roi : On extirpe de manière forcée le Roi, afin de l'isoler de ses lignes de défense. Cette manuvre s'accomplit le plus souvent au prix d'un sacrifice de pièce (Cavalier, Fou, Tour, voire Dame). L'objectif est de mater.
Batterie : Il existe deux types de batterie, directe ou indirecte (si une pièce adverse s'interpose entre la cible et la batterie). L'idée est de perforer la défense en attaquant deux fois la même cible. Les batteries Fou +Dame et Tour + Dame sont les plus efficaces, surtout lorsqu'elle est dirigée vers les cases du roque du Roi opposé.
Clouage : Cette manuvre élémentaire a pour effet d'interdire une pièce mineure, voire un pion, de se déplacer. La pièce faisant l'objet d'un clouage protège une pièce d'un rang supérieur. Se libérer d'un clouage sans consentir un avantage à son adversaire (comme des pions doublés) est un point-clé de la partie.
Découverte : On parle d'échec à la découverte lorsqu'une pièce se déplace en permettant à une autre du même camp de donner échec. Cette subtilité tactique peut avoir pour effet de mettre en prise la pièce qui se découvre, voire de lui permettre de capturer un pion ou une pièce adverse sans risque.
On peut retarder la mise en oeuvre d'un échec à la découverte, afin de maintenir ou de renforcer la pression. On applique alors l'une des préceptes fondamentaux de Nimzovich (1886-1935), l'un des fondateurs de la Révolution Hypermoderne : « Une menace est plus forte que son exécution ». Une découverte royale revient à donner un double échec en un coup, forçant des menaces directes sur le Roi adverse.
Déviation : On contraint une pièce adverse, le plus souvent positionnée en défense, à quitter sa case stratégique en la forçant à capturer une pièce offerte, y compris au prix du sacrifice d'une pièce mineure. L'objectif est de rompre la coordination des pièces ennemies, en attaque ou en défense.
Elimination d'un défenseur : Le joueur à l'attaque doit éviter les échanges. Mais il lui faut parfois éliminer une pièce adverse qui défend la position, y compris au prix d'une de ses pièces de valeur supérieure, comme une Tour... Et la position s'écroule !
Etouffé : On parle de mat étouffé lorsque le Roi ne peut se soustraire à un échec en raison du positionnement en défense de ses propres pièces. Le thème le plus connu est celui du sacrifice de la Dame en g8, suivi de la prise forcée par une Tour et du mat du Roi en h8 par le Cavalier en f7.
Evacuation d'une case, d'une rangée, d'une diagonale : Logiquement, on déplace une pièce pour accroître la puissance de feu de l'une de ses autres pièces, par exemple, un Cavalier positionné sur la diagonale d'un Fou ou un Fou obstruant la colonne offerte à une Tour. On parle de coup de dégagement (si la pièce déplacée participe à l'attaque), voire de contre-dégagement (si elle bat simplement en retraite). L'objectif reste de créer une menace immédiate.
Fourchette : C'est la plus spectaculaire de toutes les attaques. Un pion ou une pièce (le plus souvent un Cavalier) attaque simultanément deux pièces adverses. Une pièce tombera nécessairement. Encore faut-il faire le bon choix !
Interception : Une pièce s'interpose soit pour favoriser l'attaque (c'est un coup intermédiaire joué avec une pièce de son propre camp), soit pour favoriser la défense (on joue une pièce avec le seul but de fermer une colonne ou une diagonale). L'objectif est de découvrir ou de fermer les potentialités d'attaque.
A suivre...