En bref
Les "conquérants" du Tour de France, aujourd'hui, se sont élancés d'Abbeville "comme un vol de gerfauts hors du charnier natal", dans cette baie de Somme célèbre pour sa remarquable faune ornithologique que l'on peut admirer dans le parc régional du Marquenterre, concurrençant ainsi les mouettes, chevaliers, gambettes migrateurs, pluviers, bécasses et bécasseaux, foulques, grèbes castagneux, aigrettes, bihoreaux, marabouts, tantales et autres charmants volatiles capables aussi de faire la roue et de grandes migrations.
Ils ont laissé de côté les charmantes cités balnéaires du Crotoy, ou de Mers les Bains dont j'ai un moment géré les dossiers de classement en "stations touristiques" (un label qui permet d'ouvrir un casino et de recevoir plus de recettes) et, dans l'intérieur des terres, la ville d'Albert, fief du sextuple champion de France Etienne Bacrot, ville - il faut l'avouer - à peu près inconnue des Français mais qui a atteint grâce à lui une célébrité planétaire puisqu'Etienne y a convié à partir de 1995 pour des matchs d'entraînement en six parties, les champions Aronian, Smyslov, Kortchnoi, Beliavsky...
Ils ont apprécié la lumière particulière de la baie de Somme, où le ciel se confond avec la mer, où l'eau s'infiltre dans les zones humides propices aux nichées des oiseaux, dessinant des reflets mordorés, bleus, violets, que l'on retrouve de manière évidente et obsédantes dans les peintures en apparence abstraites du grand peintre Alfred Manessier (1911-1993), natif d'Abbeville. Il faut croire que la lumière des côtes de la mer du Nord, l'ivresse des grands espaces - vu le nombre de cyclistes flamands et de tournois d'échecs -, sont des conditions aussi favorables au vélo et aux échecs que l'ennui des steppes infinies et glacées de la Sibérie, à peine ...réchauffées par le bortch, les pirojkis, les samovars fumants et ...la vodka. Variante de Scheveningue, tournoi annuel de Wijk aan Zee, et même le charmant open du Touquet sont familiers aux joueurs d'échecs dont les yeux n'ont pas attendus le 6 mai pour avoir pour la Hollande des yeux doux.
Puis, les yeux gorgés de lumière - pour peu qu'ils ne soient pas tous voûtés sur le guidon - les coureurs se sont envolés le long de la Côte d'Albâtre, traversant d'autres ports de mer et qui le resteront comme Le Tréport, Fécamp, et Dieppe. Une pensée inévitable à Dieppe pour la sole et certains fredonneront la chanson inoubliable et tragiquement désespérée de Jean-Max Rivière "un petit poisson, un petit oiseau s'aimaient d'amour tendre/ mais comment s'y prendre?/ mais comment s'y prendre?/ Comment s'y prendre quand on est là-haut?/ Comment s'y prendre quand on est dans l'eau?". L'essaim traversera aussi des lieux plus poétiques, dont la lumière a inspiré les impressionnistes et l'Art moderne: C(r)iel sur Mer, Varengeville dont le cimetière marin abrite la tombe de Georges Braque qui a imposé au monde le dessin entre tous reconnaissable de ...l'oiseau, Saint-Valéry en Caux, Caudebec en Caux, Canteleu où Flaubert a écrit toute son oeuvre, tant de lieux qui ont inspiré les impressionnistes qui en ont capté la lumière, pour arriver à Rouen, dont la cathédrale a été peinte par Monet sous toutes les lumières.
Pendant ce temps, dans la partie majoritaire homérique où l'on guette les présages grecs d'aigles blancs ou noirs sur les différentes cases, alors que le "reste du monde" pointe en diagonale son Fou de Bassan noir, Anatoly Karpov a juste sorti un minuscule colibri blanc en h3, longeant lui aussi le bord de mer, coup rare qui porte le nom de variante Makogonov.
Au fait, à l'arrivée de l'étape, remportée par l'aigle allemand André Greipel qui a profité d'une chute dans le peloton à l'approche de l'arrivée, Candellara est toujours couleur canari, Sagan en colvert et Morkov en rouge gorge à pois, Van Garde dans le rôle de la blanche colombe. Mais, ça, vous l'avez déjà lu dans tous les canards.