Championnat du Monde : Partie N°11

Publié le - Mis à jour le
Vladimir Poutine, Viswanathan Anand, Magnus Carlsen et Kirsan Ilioumjinov. | www.sochi2014.fide.com (DR)

En bref

Magnus Carlsen conserve la couronne mondiale face à Viswanathan Anand 6,5 à 4,5. Les déclarations des joueurs et un extrait d'une interview de Magnus Carlsen par Leontxo García.

En novembre 2013 le Norvégien Magnus Carlsen s'est emparé du titre de champion du monde après avoir battu le champion en titre Viswanathan Anand à Chennai, en Inde. Le tournoi des candidats disputé en mars 2014 à Khanty-Mansiïsk ayant été remporté par Anand, le joueur indien s'est offert un match revanche, du 07 novembre 2014 (cérémonie d'ouverture) au 28 novembre 2014 (cérémonie de clôture), à l'Olympic Media Center de Sotchi en Russie. Site officiel www.sochi2014.fide.com A suivre aussi sur https://twitter.com/anandcarlsen14.

Parties en direct commentées en anglais par Peter Svidler et Sopiko Guramishvili à partir de 13h. Peter Svidler est un grand-maître russe du top 20 mondial. Sept fois champion de Russie, cinq fois champion olympique et vainqueur de la Coupe du Monde en 2011. Sopiko Guramishvili est l'une des 100 meilleures joueuses du monde et a réalisé une série de vidéos éducatives.

Nom Pays Tit Elo 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 Dép Total
Viswanathan Anand IND GM 2792 ½b 0 1 ½ ½ 0 ½ ½ ½ ½ 0 - - 4,5
Magnus Carlsen NOR GM 2863 ½ 1 0 ½ ½ 1 ½ ½ ½ ½ 1 - - 6,5

Le match de championnat du monde est prévu pour un maximum de douze parties. Le vainqueur du match sera le premier joueur à marquer 6,5 points ou plus. La cadence est de 120 minutes pour les 40 premiers coups, 60 minutes pour les 20 coups suivants et, enfin, 15 minutes pour le reste de la partie avec un incrément de 30 secondes par coup à partir du 61e coup seulement.

Si les joueurs sont à égalité après les douze parties, et après un nouveau tirage au sort des couleurs, quatre parties de départage seront disputées à la cadence de 25 minutes plus un incrément de 10 secondes par coup. Dans le cas où l'égalité persisterait, un match de 2 parties sera joué à la cadence de 5 minutes plus 3 secondes par coup. Si encore égalité, un autre match en 2 parties. L'opération se répétera, si nécessaire, jusqu'à un maximun de 5 matchs (10 parties), où, finalement, un blitz «mort subite» - 6 minutes pour les Blancs, 5 minutes pour les Noirs, avec gain accordé aux Noirs en cas de partie nulle - sera joué.

Viswanathan Anand

Viswanathan Anand est né le 11 décembre 1969 à Madras en Inde. Il devient champion du monde FIDE en décembre 2000. Anand perd son titre lors du championnat du monde FIDE 2001-2002. En septembre 2007 Anand est à nouveau champion du monde grâce à sa victoire au Mexique. Il a défendu trois fois son titre avec succès en battant Vladimir Kramnik, Veselin Topalov et Boris Gelfand avant de perdre contre Magnus Carlsen en 2013.

Magnus Carlsen

Résumé de la onzième partie du 23 novembre 2014

Sven Magnus Øen Carlsen est né le 30 novembre 1990 à Tønsberg en Norvège. En janvier 2010 Carlsen occupa pour la première fois la place de numéro un mondial alors qu'il n'avait que 19 ans et un mois. En mars 2013 Carlsen remporte le tournoi des candidats à Londres pour affronter Viswanathan Anand. Carlsen remporte ensuite facilement le titre mondial en seulement 10 parties, avec 3 victoires et sans concéder la moindre défaite.

Résultat de la onzième partie du 23 novembre 2014 à 13h00
Magnus Carlsen 2863 - Viswanathan Anand 2792 : 1-0 (45) Défense Berlinoise
  • Viswanathan Anand a terminé la conférence de presse de la dixième partie sur : «Je sais que je dois jouer. Nous connaissons le score et la situation, mais je suis toujours là.» On peut discuter longtemps pour savoir si le challenger a eu ou non de réelles chances de gain dans la dixième, le plus important est que la rencontre s'est achevée par la nulle et qu'il ne reste que deux parties à jouer.
     
  • Depuis la septième la tension est devenu palpable dans les deux camps. Alors qu'il possédait 3 points d'avance après la neuvième partie lors du match de 2013, Magnus Carlsen ne mène que d'un point dans ce match revanche. Si d'un côté tout le monde admet que Viswanathan Anand joue mieux qu'en 2013, de l'autre, il y en a peu pour penser que Vishy aura suffisamment d'énergie pour égaliser. Sergueï Chipov (entraîneur, commentateur, journaliste et grand-maître), n'y va pas pas quatre chemins : «Il a vieilli notre tigre, il est devenu vieux. Il n'a plus la même force qu'avant et ses dents sont usées.»
     
  • Cependant, avec cet écart réduit au minimum, Magnus Carlsen n'a pas le droit à l'erreur et le numéro un mondial devra se méfier d'un dernier coup de griffe de son adversaire. Garry Kasparov a beau jeu de dire : «Si Carlsen suit le jeu d'Anand en signant des nulles [...] il entrera sur un terrain miné d'un point de vue psychologique.» La question est de savoir ce qu'il peut faire d'autre. Magnus Carlsen joue aujourd'hui sa dernière partie avec les pièces blanches mais ce n'est pas à lui de «tout envoyer». Selon Leontxo García sur http://deportes.elpais.com : «Son père, sa mère, sa sœur, son avocat, un médecin, un cuisinier et deux analystes l'ont rejoint à Sotchi, ainsi qu'un garde du corps et un ami. D'autre part, environ 20 journalistes norvégiens lui rappellent chaque jour que tout un pays attend sa victoire.» On imagine donc facilement la pression que doit subir Magnus.
     
  • Quant à Viswanathan Anand, son objectif principal dans cette onzième partie est de ne pas perdre afin de conserver une chance de jouer un «All-In» dans la dernière. Mais là encore, ce fameux «All-In» tant espéré par les amateurs n'aura peut-être jamais lieu. Perdre d'un point le match revanche après 12 parties, c'est déjà faire mieux qu'en 2013. La carrière de Viswanathan Anand ne s'arrêtera pas sur ce match. A 44 ans, l'Indien, numéro 5 mondial avec 2797 Elo, a encore de beaux jours devant lui.
     
  • Vladislav Tkachiev, qui a un nouveau blog http://vladpress.com doute aussi des intentions d'Anand : «Anand envisage-t-il seulement de revenir au score ? Où est l'agressivité que cela  exigerait ? Pourquoi les Dames quittent-elles l'échiquier à la première occasion ? Qu'est-ce qui est le plus important pour lui : regagner le titre, ou simplement montrer au monde qu'il est presque capable de rivaliser avec Carlsen ?»
     
  • Et on ne sait jamais ce que l'avenir réserve, Magnus Carlsen pourrait revivre le cauchemar de Garry Kasparov«Jamais je n'oublierai l'angoisse que je ressentais devant Karpov durant les trois derniers duels des cinq que nous avons disputés. Après le marathon de cinq mois en 84-85 sans vainqueur, ma victoire en 85, la revanche en 86, j'ai gagné aussi le troisième. Cependant, Karpov a ensuite gagné par deux fois le Tournoi des Candidats et j'ai dû défendre mon titre à nouveau à Séville en 1987 et encore une fois à New York et Lyon en 1990. Ce cauchemar, de jour comme de nuit, renfermait une obsession : Je rêvais de pouvoir penser à autre chose que de défendre ma couronne face à Karpov, développer d'autres projets et affronter d'autres joueurs.» Source http://deportes.elpais.com
     
  • Sur sa page Facebook, le GM Danois Lars Bo Hansen écrit : «Quelles sont les chances d'Anand de revenir dans le match dans les deux dernières parties ? Carlsen est maintenant le grand favori. Non seulement il mène, mais Anand doit d'abord survivre dans la onzième partie. Plutôt que de jouer solide et permettre à Carlsen un jeu libre, il aurait probablement une meilleure chance en jouant quelque chose de pointu et inattendu, comme lorsque Kramnik a choisi la Benoni moderne contre Peter Leko dans un scénario similaire en 2004. Si la 11e partie se termine par un match nul, Carlsen jouera probablement un solide Gambit Dame ou une Ouest-Indienne dans la 12e, même avec un léger désavantage dans l'ouverture; tout pour éviter une ligne forcée avec le risque de tomber dans une préparation comme dans la troisième partie.»
  • Dans le journal www.thehindu.com Rakesh Rao écrit : «Anand ne se plaindrait pas si Carlsen jouait agressivement. Plusieurs joueurs ont essayé d'attaquer Anand avec les pièces blanches, mais ils ont souvent terminé du côté des perdants. L'équipe d'Anand espère bien entendu voir Carlsen aller trop loin et offrir des chances de contre-attaque. Ainsi, la grande question tourne autour de la réponse d'Anand à l'ouverture de Carlsen. Vishy a essayé la défense sicilienne par deux fois, mais les résultats n'ont pas été encourageants. Carlsen, qui a exprimé sa préférence pour l'ouverture du pion Dame, pourrait créer la surprise en optant pour ce coup dimanche. Toutefois, Anand a de bons résultats avec la Slave et la semi-Slave. Beaucoup dépendra de l'approche de Carlsen lors de la 11e partie car il a aussi la possibilité de jouer pour un match nul et laisser Anand dans une situation de "doit-gagner" mardi dans la dernière. Plus d'une fois pendant le match à Sotchi, Carlsen a montré son mécontentement quant à la qualité de son jeu. A Chennai, Carlsen trouvait les meilleures options sur l'échiquier avec une régularité étonnante, la quinzaine qui vient de s'écouler l'a en revanche vu jouer un cran en dessous.»

  • Le Premier ministre russe Dmitri Medvedev jouera le premier coup à Sotchi ce dimanche, dans ce qui pourrait être la dernière partie du match, même si l'agent de Carlsen n'y croit pas. Espen Agdestein : «Pour Magnus, l'important est d'éviter de perdre. Anand a été très fort dans les ouvertures. Magnus aura de la chance s'il obtient une position où il peut jouer pour le gain sans prendre de risque.»  Agdestein a ajouté : «Je doute qu'Anand prenne des risques «comme un fou» pour tenter de gagner dimanche. Il va tout miser sur la dernière.» Source www.ht.no

  • Tarjei Svensen, présent à Sotchi, rappelle : «Le 22 novembre 2013 Magnus Carlsen a remporté le titre de Champion du monde à Chennai. Aujourd'hui, il peut conserver son titre pour les deux prochaines années.»
Viswanathan Anand | Photo Anastasiya Karlovich | (DR)
Carlsen-Anand
Après 12...c5

Dès les premiers coups Viswanathan Anand annonçait la couleur : objectif nulle ! 1.e4 e5 2.Cf3 Cc6 3.Fb5 Cf6 4.0-0 Cxe4 5.d4 Cd6 6.Fxc6 dxc6 7.dxe5 Cf5 8.Dxd8+ Rxd8 9.h3 Fd7 Anand change le premier au lieu de continuer avec 9...Re8 comme dans la septième partie. 10.Cc3 a tempo, au lieu du plus fréquent 10.Td1. 10...h6 11.b3 Rc8 12.Fb2 Et Viswanathan Anand place sa nouveauté par 12...c5 comme dans le diagramme ci-contre. En fait ce n'est pas une véritable nouveauté, mais plutôt un ordre des coups différent. Après 13.Td1 b6 retrouvait quelques parties, mais forçait Carlsen à faire le point de la situation avant de poursuivre.

Pour Ian Nepomniachtchi, qui accompagne Peter Svidler aux commentaires : «Je ne suis pas un expert de la lecture des visages, mais je pense que Vishy est le plus heureux de la position actuelle.»

Carlsen-Anand
Après 15...g5

14.Tfe1, au lieu du plus joué 14.Cd5, est arrivé après 10 minutes de réflexion. Svidler donne la raison pour laquelle les joueurs prennent du temps même dans des lignes préparées : «Les enjeux sont suffisamment élevés pour prendre du temps sur chaque décision.» Le dernier coup des Blancs cherche assurément à sortir Anand de sa préparation. Susan Polgar : «La Berlinoise n'est pas une ouverture qui force. Les deux camps ont un certain nombre de plans différents et beaucoup de flexibilité.» Anand a pris aussi 10 minutes avant de jouer 14...Fe6 qui abandonnait les parties Motylev,A (2695)-Ponomariov,R (2739) Khanty Mansiysk 2009, ½-½ (48) et Leko,P (2756)-Jakovenko,D (2760) Jermuk 2009, ½-½ (121). 15.Cd5 g5!?  Diagramme ci-contre.

Carlsen-Anand
Après 16...Rb7

La position n'est pas totalement inconnue, il reste une partie Zhidkov,P (2278)-Vitoshinskiy,Y Dubna 2001, ½-½ (40) dans les bases de données. Comme Susan Polgar le fait remarquer : «Anand a joué 15...g5 très rapidement. Cela m'amène à penser qu'Anand est encore dans son répertoire d'ouvertures.» En parlant de la mémoire nécessaire pour jouer aux échecs, Peter Svidler se rappelle d'une phrase de Garry Kasparov : «Le jour où j'aurais besoin d'un ordinateur portable pour conserver les numéros de téléphone je quitterais les échecs.» 10 autres minutes ont été nécessaires à Carlsen pour jouer 16.c4, bien meilleur que le 16.Ch2 suivi de 17.f4? joué dans la partie citée plus haut. 16...Rb7. Diagramme.

Pendant ce temps-là, le président de la FIDE Kirsan Ilyumzhinov et vice-premier ministre de la Russie Arkadi Dvorkovitch, s'affrontent... | Photo Anna Burtasova | (DR)
Carlsen-Anand
Après 20...Fe7

Après avoir dit que les Blancs étaient mieux, Nigel Short a reçu la réponse de Maxime Vachier-Lagrave : «J'ai essayé la Berlinoise en blitz et je préfère les Noirs ici.» 17.Rh2 a encore pris environ 13 minutes au champion du monde et, pour la première fois, Viswanathan Anand a consommé 14 minutes avant de répondre 17...a5. 1h15-1h17. Carlsen joue très vite 18.a4 qui bloque le contre-jeu de son adversaire sur l'aile-Dame. Anand aussi a vite joué 18...Ce7. Avec 19.g4, Magnus Carlsen débute son action sur l'aile-Roi. 19...Cg6 était la suite attendue. 20.Rg3 Fe7, comme dans le diagramme ci-contre. On dit souvent que les modules d'analyse ont du mal à comprendre la Berlinoise.

Carlsen-Anand
Après 22...Ff8

Cette difficulté à comprendre les positions issues de cette ligne se retrouvent aussi dans les points de vue des grands-maîtres. Par exemple : GM Simen Agdestein : «Oui, maintenant je commence à avoir la foi, Magnus Carlsen peut s'asseoir sans risque et essayer de gagner.» Alors que pour le GM Jonathan Rowson : «Vishy n'est pas moins bien et il a même des chances d'être mieux. L'ouverture a été un succès.» 21.Cd2!? En refusant de prendre le Fou par 21.Cxe7, ce qui aurait mené à une finale avec des Fous de couleur opposée, Carlsen montre qu'il ne souhaite pas se contenter d'une partie nulle. Sur 21...Thd8 les pendules affichaient 0h58-01h01. 22.Ce4 Ff8 sont joués très rapidement.

 

Carlsen-Anand
Après 23...b5

Jonathan Rowson était : «Très curieux de voir l'idée de Magnus après 22...Ff8. Il est très bien, c'est sûr, mais il y un danger de dériver vers une position inférieure maintenant.» De son côté, Erwin l'Ami revenait sur une suggestion de Ian Nepomniachtchi quelques coups plus tôt : «Vishy peut avoir une autre opportunité de briser l'aile-dame après 23.Cef6 b5!!.» 9 minutes et 34 secondes plus tard Magnus a joué 23.Cef6. Erwin l'Ami : «OK, il est temps pour 23...b5! et si 24.cxb5 c6! laisse tomber le pion "b", et si et 24.axb5 a4! semble dangereux aussi.» Sergey Karjakin pense que Carlsen aurait dû échanger le Fou noir quand il était en e7. 9 minutes et 48 secondes plus tard, Viswanathan Anand a joué la rupture 23...b5!.

Le regard de Viswanathan Anand lancé à Magnus Carlsen après 23...b5!

Simen Agdestein commence à s'inquiéter : «Les Noirs jouent leur All-In de la manière la plus confortable. Cela peut fonctionner !» Magnus Carlsen ne peut prendre en b5 et joue 24.Fc3 avec 0h38. Sur 24.axb5 a4! 25.bxa4 Txa4 avec de très bonnes compensations. Alors que sur 24.cxb5? c6! et les Noirs prennent l'avantage.

Carlsen-Anand
Après 26...Tdb8

24...bxa4 25.bxa4 Rc6 avec 0h46. Le GM canadien Eric Hansen : «Je rentre rarement dans les fins de parties de la Berlinoise à cause de ce genre de positions. Lentement mais sûrement les Noirs saisissent l'initiative.» MVL confirme d'un : «Décision très étrange de Carlsen de permettre ...b5. Maintenant il va devoir être habile pour sauver la journée.» 26.Rf3 est joué avec 30 minutes à la pendule. Simen Agdestein : «Je pense que la position de Magnus est fragile avec son roi exposé. C'est mauvais pour Magnus.» Toujours est-il que Viswanathan Anand prend beaucoup de temps... 21 minutes et 53 secondes exactement avant de jouer 26...Tdb8. 0h30-0h24. Les amateurs «assistés» préféraient 26...Fe7!?

 

Carlsen-Anand
Après 32.Cxf4

27.Re4 laisse les Noirs entrer en b3, mais Anand surprend tout le monde avec le sacrifice de qualité 27...Tb4?!. Magnus n'hésite pas longtemps avant de prendre le matériel par 28.Fxb4 cxb4. Peter Svidler : «27...Tb4!? répond à la question de savoir si Anand souhaitait tout miser sur la dernière partie.» C'est la consternation sur Twitter et MVL écrit : «Voilà la raison pour laquelle je ne joue pas la Berlinoise. Votre esprit devient fou après avoir joué un trop grand nombre de choses comme ça.» Natalia Pogonina tentait de rester positive : «La position des Noirs n'est pas aussi mauvaiss que le moteur le suggère.» 29.Ch5, avec 17'23", le coup suggéré par Peter Svidler. 29...Rb7 30.f4! est le coup qui fait mal aux Noirs. 30...gxf4 31.Chxf4 Cxf4 32.Cxf4. 15'26"-18'19".

Carlsen-Anand
Après 37.Cxc7

Il n'y a aucun doute, tous les grands-maîtres s'accordent à dire que Viswanathan Anand est perdu ! 32...Fxc4 33.Td7! Les Noirs ont sans doute obtenu ce qu'ils voulaient, deux pions passés sur l'aile-Dame et la paire de Fous, mais les Blancs sont plus rapides à porter des coups décisifs ! 33...Ta6?! C'est fini, Anand a tenté le tout pour le tout, Carlsen l'a contré et va conserver son titre de champion du monde ! 34.Cd5! Tc6 35.Txf7 Fc5. Le GM Lars Bo Hansen résume parfaitement ce qui vient de se passer : «Il semble que Vishy est celui qui a perdu la guerre des nerfs avec le hâtif 27...Tb4?.» Magnus Carlsen va simplifier la position par 36.Txc7! Txc7 37.Cxc7, les Blancs vont récupérer un des deux Fous sur la colonne "ç".

Carlsen-Anand
Après 40...b3

Natalia Pogonina : «On dirait que le match a été décidé par celui qui a eu les nerfs les plus solides. Anand s'est auto-détruit dans une bonne position.» 37...Rc6. Le challenger continue par inertie. 38.Cb5 Fxb5 39.axb5+ Rxb5 40.e6 b3. Le contrôle du temps est atteint dans la position du diagramme ci-contre. Ian Nepomniachtchi et Peter Svidler décident de faire une pause, pensant que les joueurs allaient prendre du temps, mais ont dû revenir aussitôt parce que la partie a continué sans attendre. 41.Rd3 Fe7 42.h4 a4 43.g5 hxg5 44.hxg5 a3. Viswanathan Anand a sans doute besoin d'un peu de temps pour accepter psychologiquement sa défaite. 45.Rc3 1-0.

Viswanathan Anand : «J'ai beaucoup mieux joué qu'à Chennai, j'ai obtenu des positions intéressantes à jouer.» «Je ne peux pas expliquer pourquoi j'ai soudainement décidé de sacrifier la qualité... c'était un mauvais pari et il a été puni.» «En fin de compte, je dois admettre qu'il a été supérieur, ses nerfs ont mieux résisté.» Un journaliste lui demande s'il a l'intention de quitter les échecs, Vishy répond par un simple «Non» et la salle a applaudi.

Magnus Carlsen : «Ca a été un match difficile pratiquement depuis le début et aujourd'hui a été l'un des jours les plus difficiles de tous, mais je suis si heureux, j'ai réussi à m'en sortir.» Carlsen sur 27...Tb4? : «En général je crois dans le matériel, je préfère le prendre plutôt que de le donner et j'ai été assez content quand il a joué ça.» «Mon jeu était inconsistant, mais il a été suffisamment bon. Je peux certainement l'améliorer.» «J'ai cru après les deux premières parties que je jouais beaucoup mieux que lui, mais la troisième partie m'a ramené sur terre.» «En fait, il y a déjà longtemps que je pense que la défense Berlinoise convient tout à fait à mon style avec les deux couleurs.» Magnus Carlsen a dit qu'il n'avait pas l'intention de se jeter dans une piscine cette fois. «Non, je suis déjà un peu malade, je ne devrais pas le faire.» Sur son challenger possible en 2016 Magnus Carlsen est resté prudent : «Je pensais avant ce match qu'il n'y avait aucun moyen pour qu'Anand rejoue un autre match. Donc je ne m'aventurerais pas...» Magnus Carlsen a révélé que Mickael Adams et Laurent Fressinet étaient ses secondants en plus de Jon Ludvig Hammer et Peter Heine Nielsen.

Quelques heures après, Viswanathan Anand twittait : «Je veux dire que je suis fier d'avoir joué à Sotchi. Magnus a fait un meilleur match. C'est son moment. Félicitations. Je tiens à remercier les trois personnes de mon équipe qui ont cru en moi. Ils ont fait un merveilleux travail. Et Aruna pour ce mois de stress et de patience.» «Certains jours ce genre de coups [27...Tb4?] fait de vous un champion, d'autres, vous haussez simplement les épaules, au moins vous n'avez pas baissé les bras. C'était une partie où j'ai essayé et perdu. Aujourd'hui j'aurais pu jouer en toute sécurité et jouer mon va-tout dans la douzième partie. J'ai vu une chance et j'ai pris le risque. Pour tous ceux qui ont prié et écrit... merci. J'espère jouer encore aux échecs aussi longtemps que j'y prendrais du plaisir. C'est toujours triste de perdre, mais c'est comme ça...»

Garry Kasparov a voulu apporter sa pierre à l'édifice : «Comme je l'ai écrit dans ma chronique de l'Informateur l'an dernier sur Caruana-Adams, la Berlinoise n'est pas du tout une fin de partie. C'est un milieu de partie tranchant sans les Dames. C'est drôle que 14 ans après que beaucoup ont ri de moi pour avoir échoué contre «l'inférieure» Berlinoise contre Kramnik, maintenant elle est grand public et tranchante ! Après sa défaite d'aujourd'hui et sa souffrance sur g7, Anand pourrait vouloir renommer le «Trou de Berlin», et non pas le mur, mais son ouverture a été très bonne aujourd'hui.»

Après la troisième partie de leur match à Saint-Louis, Levon Aronian et Hikaru Nakamura ont commenté le championnat du monde.

Levon Aronian : «Vous ne pouvez pas espérer que les joueurs fassent de leur mieux avec une telle pression. Je n'ai jamais vu un match du Championnat du Monde avec des parties de qualité. Ils sont hyper-préparés, mais commettent des erreurs pendant le jeu. Je pense que Vishy était mieux préparé cette fois, mais il est difficile pour lui de jouer Magnus. C'est simplement un joueur d'une nouvelle génération.»

Hikaru Nakamura : «Je pense que tout le monde espère un adversaire différent pour Carlsen au prochain cycle. Je crois que la qualité des parties de Carlsen était très mauvaise.»

Magnus Carlsen | Photo Anastasiya Karlovich | (DR)

Victoire au Championnat du monde d'échecs de Sotchi !

«C'était une journée pleine d'émotion hier. Étonnamment, je suis resté relativement calme pendant la majeure partie de la partie, même lorsque Anand a obtenu l'initiative avec sa rupture en b5 au bon moment. Cependant, quand il a sacrifié la qualité en b4 et que j'ai ensuite manoeuvré mon Roi au centre, joué Ch5 et vu Td7 qui devait gagner, j'ai été submergé par l'anxiété. La libération des émotions réprimées pendant des semaines était écrasante.»

«Avec assez de temps à la pendule j'ai réussi à me calmer et à finir la partie efficacement pour décrocher le titre de champion du monde 6.5 à 4.5 ! Avec un prochain match dans deux ans, le temps est venu de révéler tous mes secondants et mes aides pour ce match : Jon Ludvig Hammer, Laurent Fressinet et Michael Adams ! Un merci spécial à eux trois, et à mon entraîneur principal Peter Heine Nielsen présent à Sotchi. Je suis très reconnaissant également à Garry Kasparov pour ses précieux conseils avant et pendant le match, ainsi qu'à mes amis (et anciens champions d'Europe), Ian Nepomniachtchi et Vladimir Potkin. En repensant à l'année qui vient de s'écouler, en plus des secondants ci-dessus, Pavel Eljanov a contribué de manière significative avant et pendant le match de Chennai. Mon estimé adversaire et ancien Champion du Monde Viswanathan Anand était parfaitement préparé et a livré un grand combat. Le match n'était pas du tout décidé avant la fin de la 11e partie. «Cliffhanger.»»  Par Magnus Carlsen sur www.arcticsec.no le 24 novembre 2014.

Viswanathan Anand | Photo Anastasiya Karlovich | (DR)

Dans le rétroviseur du Tigre de Madras

Cet après-midi du 24 novembre 2014, Viswanathan Anand est apparu sur Twitter et a partagé quelques-unes de ses réflexions.

«C'est un de ces jours où vous ne pouvez pas dormir alors que votre cerveau est éteint. Il y a beaucoup de questions. Ai-je manqué quelque chose ? Pourrais-je avoir fait quelque chose ? Peut-être... Ces dernières années, en jouant un championnat du monde presque chaque année à partir de 2007, ont été difficiles. Vous avez cet adversaire qui vous attend...»

«En 2011/2012, j'aurais aimé changer des choses dans mon jeu et faire quelques tentatives, mais en sachant qu'il y aura un match vous restez concentré sur ça. C'était comme monter deux chevaux à la fois. J'ai pu corriger au début 2013, mais j'ai succombé au mode-préparations. Je pense que 2008 a été mon travail le plus efficace. En 2010 j'ai fait face au mieux. En 2012 je me suis accroché. En 2013, je dirais que j'ai travaillé plus dur et c'est ce qui me fait le plus mal. En 2014 j'ai trouvé un bon équilibre, pas trop de travail, mes secondants continuaient en me disant d'aller me détendre.»

«Les Échecs modernes sont très complexes et parfois vous ne pouvez pas en contrôler tous les aspects. Je me souviens, dans les années 80, je lisais un livre d'échecs, j'avais une idée et j'allais la jouer. Aujourd'hui, une idée c'est peut-être trois semaines de travail avec plusieurs secondants. Je vais bientôt jouer à Londres et je me réjouis à l'idée de m'amuser sur l'échiquier et de rencontrer des amis.»

Magnus Carlsen | Photo Lars Eivind Bones | (DR)

Extraits d'une interview de Magnus Carlsen réalisée par Leontxo García le 25 novembre 2014 et publiée sur http://deportes.elpais.com

Leontxo García : Spassky dit qu'il rêve de Fischer. De qui avez-vous rêvé pendant ce duel ?

Magnus Carlsen : «Spassky a depuis toujours un sens de l'humour très fin. J'ai bien dormi presque tous les jours, rêvant de choses très éloignées du jeu d'échecs, au point qu'en me réveillant je ne me souvenais pas que j'étais en train de jouer un championnat du monde.»

Leontxo García : Cependant, des photos vous montrant endormi pendant la huitième partie ont fait le tour du monde...

Magnus Carlsen : «Cette nuit-là j'avais mal dormi parce que j'avais attrapé froid et j'ai dû prendre des médicaments qui m'ont un peu étourdi. De plus, on m'avait conseillé de manger deux fois avant la partie, ce qui m'obligeait à me lever à 10h, au lieu de midi ou 13h comme avant.»

Leontxo García : Kasparov a dit la semaine dernière que vous souffriez du «syndrome de la revanche», comme cela lui est arrivé avec Karpov de manière beaucoup plus intense.

Magnus Carlsen : «Il y a eu quelque chose comme ça. Après la 2e partie, une part de moi se demandait pourquoi j'étais en train de jouer ce duel contre Anand, alors que j'avais déjà clairement gagné l'année passée. Mais il faut le remettre dans le contexte que j'avais joué beaucoup mieux que lui dans les deux premières parties. Quand j'ai reçu un terrible coup, comme celui que j'ai souffert dans la 3e, il n'y avait pas d'autres moyens que de m'adapter. Cela m'a pas mal aidé de jouer les deux suivantes avec les Blancs, la 6e et la 7e.»

Leontxo García : En plusieurs occasions, dans les dernières années, vous avez pris des risques alors que la nulle vous suffisait. Toutefois, dans la 11e contre Anand vous avez été très conservateur.

Magnus Carlsen : «C'était un équilibre difficile. Mon corps me demandait de lutter à fond et mon esprit me conseillait de ne pas m'exposer excessivement. Pour cette raison j'ai permis à Anand de me jouer une fois de plus le mur de Berlin, étant donné que ce type de positions va bien avec mon style de jeu. Cependant, le 23e coup d'Anand fut comme une décharge électrique. Ma position était très dangereuse. Ce fut un moment très difficile.»

Leontxo García : Ainsi, si les nerfs d'Anand ne l'avaient pas trahi et qu'il avait vu le terrible 26e coup dont il disposait, vous vous seriez retrouvé dans les cordes.

Magnus Carlsen : «Certainement, ce coup, 26...Fe7, m'aurait poussé au bord de la défaite. Cependant, c'est une erreur de penser que quelqu'un a très bien joué mais que ses nerfs ont failli; s'ils ne sont pas solides tu es plus faible. Anand a été un très très fort joueur, un grand champion, sans aucun doute, mais il est sur le point d'avoir 45 ans, son système nerveux est plus faible qu'avant, et cela a été un des facteurs décisifs.»

Leontxo García : Quelle importance donnez-vous à la valeur éducative, sociale et thérapeutique du jeu d'échecs ?

Magnus Carlsen : «Au Parlement norvégien ils sont en train d'en discuter, même s'il est vrai que ces choses sont souvent lentes. Dans presque tous mes voyages je visite des écoles et je constate que même des enfants avec des problèmes de concentration se sentent très attirés par le jeu d'échecs dont la valeur éducative est énorme. Nous devons le souligner tous les jours.»