Callson SAS : Les clubs ont la parole

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En bref

Le sondage de Callson a fait couler beaucoup d'encre. Europe Echecs a voulu en savoir plus auprès de M. Larbi Houari, co-fondateur de la société Callson, qui a accepté de répondre à nos questions.

Le sondage de la société Callson a beaucoup surpris et a aussi fait couler beaucoup d'encre par la suite. C'est en effet la première fois qu'un sondage au niveau national était réalisé pour une élection à la présidence de la Fédération Française des Echecs. Europe Echecs a voulu en savoir plus auprès de M. Larbi Houari, co-fondateur de la société Callson, qui a accepté de répondre à nos questions.

 

Pour commencer, pouvez-vous nous donner votre avis sur les résultats finaux de dimanche ?

 

Tout d’abord, il y a lieu de noter que la démocratie a véritablement existé, ne serait-ce qu’à travers un résultat inattendu pour la plupart. Certes, il a pu y avoir des retouches, y compris de dernière minute mais manifestement le système électoral a très bien fonctionné.

 

Sur le résultat, je n’ai pas du tout été surpris. 

 

La veille du scrutin, je recevais un appel de M. Kouatly m’indiquant le déséquilibre des forces présentes à l’AG, grosso modo 5/8 contre 3/8. J’ai simplement répondu que les votes Salazar étaient dans les enveloppes avec potentiellement 2/3 contre 1/3 ! 

 

Qu’est ce qui vous a fait penser cela ?

 

La nature de la campagne de chaque candidat.

Depuis la publication du 1er sondage, j’ai été informé des stratégies adoptées par chaque camp. Celui de M. Battesti défendait l’idée d’une victoire acquise ; celui de Salazar, d’une victoire à construire. Cela change tout.

 

Le camp Battesti a misé sur les procurations et des probabilités sur le reste des voix. C’était un pari dangereux car la participation pouvait tout faire basculer. 

 

Quant à l’équipe Salazar, elle s’est basée sur le vote par correspondance, ayant clairement une stratégie de mobilisation des « petits » clubs. Le sondage du 28 Février donnait tout de même des indications claires…

 

Beaucoup se sont demandés quelles étaient vos motivations pour réaliser un tel sondage, que souhaitez-vous leur répondre ?

 

J’ai en effet été surpris par les réactions. La question principale étant « qui a payé, pour qui est-ce réalisé… » Pourtant la réponse coulait de source. Aucun des deux camps n’aurait eu intérêt à publier un outil aussi puissant, encore moins avec ce contenu. De fait, pourquoi le ferait-il ? Pour donner des indications à l’adversaire ? Il faut rappeler tout de même qu’il y avait du bon et du mauvais pour les deux camps !

 

Je souhaiterais juste rappeler que personne ne s’est posé la question de « qui paye » lorsqu’avec Europe-Echecs nous avons traité d’autres sujets en 2010 et 2011. Personne n’a payé, c’est Callson qui a offert cela aux échecs français.

 

Suite à la publication de ce sondage, avez-vous été contacté par des acteurs de cette campagne électorale ?

 

Oui, des deux camps.

 

Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ? 

 

Maintenant que c’est fini oui.

Il faut savoir que les deux équipes se pensaient gagnantes à 60/40 avant le sondage !

M. Battesti pour sa part l’a plutôt mal reçu, vous avez pu le lire. D’abord, il y a eu ce communiqué FFE qui a effrayé les clubs (Attention, un sondage est en cours etc.). Ensuite, la remise en question des estimations (48/52 pour rappel) et le fameux pari avec M. Kouatly sur votre forum.

 

De l’autre, ça a été aussi la douche froide (coté équipe Salazar). Je dirais même une double douche froide : l’image de la FFE et les estimations.

 

Vous avez bien entendu étudié les différentes stratégies des candidats, qu'en avez-vous pensé ?

 

Larbi Houari

 

Le service minimum consistait en une plateforme média où se bousculaient soutien sur soutien, personnalité après personnalité. La bataille, elle, était clairement ailleurs.

Coté Salazar, après des débuts chaotiques, une notoriété quasi nulle et des moyens autrement plus modestes, une formidable machine allait se mettre en place. C’est une des choses qui m’a le plus surpris : la capacité exceptionnelle de cette équipe à s’adapter à la situation. En viet-minhs, ils ont tout simplement travaillé, labouré, été chercher chaque club sans relâche, en débattant vraiment.

 

Qu'avez-vous pensé du défi lancé par M. Léo Battesti à M. Bachar Kouatly ?

 

J’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’une boutade, quelque chose de léger. Très vite il s’est avéré que non. Manifestement, la sincérité de la démarche « enquête » était sujette à caution. Bon, le score a parlé, il n’est pas utile d’enfoncer le clou davantage.

 

Des clubs ont révélé qu'un second sondage avait été réalisé, mais apparemment vous ne l'avez pas publié. Pourquoi ?

 

Pour deux raisons. D’abord, certains clubs nous ont exprimé leur gène qu’un sondage soit publié une semaine avant l’élection. 

Ensuite, M. Battesti m’a clairement fait comprendre que ses troupes ayant été déjà très impactées par le premier, le seraient encore plus si les résultats allaient dans le même sens. J’ai donc renoncé à le publier, en concertation avec M. Kouatly.

 

Quelles questions avez-vous posé dans ce second sondage ?

 

Je voulais connaitre l’impact (qui l’a lue) et la perception de la première enquête (neutre, professionnel, etc.). Ensuite, je souhaitais voir précisément l’évolution des intentions de vote en particulier des clubs interrogés 4 semaines auparavant. Enfin, établir une dernière estimation du vote et du taux de participation.

 

Et quels en sont les résultats ?

 

85% d’intention de participation à nuancer avec le week-end pascal, ce qui est potentiellement énorme. Pour ce qui est des estimations de vote j’avais deux types de questions et donc de résultats.  L’une, indirecte, posait le choix entre « changement » et « continuité ». L’autre, était nominative (pour qui allez-vous voter). C’était la seule façon d’obtenir un maximum de réponses…Après quelques temps de croisements, l’estimation est tombée : 52/48 pour… Salazar.

 

Reste que j’avais aussi eu connaissance de certaines pratiques douteuses qui allaient jouer contre le challenger : des « fuites » d’information, en particulier sur la région parisienne, enjeu final de l’élection. Du coup… tout restait possible.

 

Qu'avez-vous pensé des réactions des candidats suite aux élections ?

 

Très dignes. Je dirais même qu’en voyant sur votre site la vidéo postélectorale, j’ai eu le fin mot de l’attitude du candidat Battesti.

En fait, ce que je prenais pour de l’orgueil et de l’aveuglement était tout autre chose. 

M. Battesti a pris le risque de poser sa candidature avec une condition implicite : qu’elle suscite une adhésion massive. C’est tout à fait respectable et à son honneur. Après son implication incontestable dans les échecs corses et français, il était logique qu’il attende cela. 

 

Du coup, le sondage, la neutralité de certains voire même la nécessité de devoir convaincre encore, y compris les petits clubs revenaient à reconsidérer la condition de sa candidature.

Soit il était le président « naturel », donc avec une forte adhésion, soit il ne valait pas la peine de s’engager. C’est je crois tout le sens de sa remarque « je préfère perdre de 17 voix que de gagner avec la même marge ». Il n’y a là aucun manque de respect pour les français ou les clubs, juste le rappel du sens de son engagement dans la campagne.

 

Pensez-vous qu'un sentiment anti-corse ou lié au passé de M. Léo Battesti a pu jouer un rôle important ?

 

Pas du tout, en tout cas pas dans les termes abusifs que l’on entend.  Je ne savais pas, par ailleurs, qu’il existait une « race » corse ! Non, il faut à tout prix arrêter avec cela.  Le passé militant de M. Battesti n’a même pas joué, dans la mesure où je pourrais vous citer plus d’un sympathisant Salazar qui admire le « résistant Battesti ». Ce qui a pu jouer en revanche, c’est l’exception corse, à savoir les avantages dont dispose l’ile et qui rendent le modèle échiquéen corse non-transposable. Oui, en cela, il a pu y avoir de la frustration.

 

Une conclusion ?

 

Je suis ravi que le sondage ne se soit pas trompé sur les enjeux de l’élection, mais ce n’est pas le plus important. Je regrette juste que les candidats n’aient globalement pas été écoutés davantage. En France, il y a un certain désaveu de la politique. Du coup, tous les discours sont a priori perçus de façon polémique, voire moqueuse. C’est dommage. Vous aviez, à travers les candidats, deux visions profondes qui s’opposaient : celle d’un exécutif fort contre un « législatif » fort. Les débats n’ont pas été à la hauteur des programmes. De ce point de vue, on leur doit au moins le respect parce qu’ils se sont eux, réellement exposés.