En bref
J’avais prévu l’un de mes désormais séjours habituels en Polynésie française, et notamment à Tahiti, où se trouve l’école d’échecs où j’ai appris à jouer, toujours tenue par l’infatigable Jean-Pierre Cayrou. Ce n’est qu’un court crochet pour rejoindre la Nouvelle-Calédonie. Un vol direct relie les deux îles tropicales. Il dure six heures, autant dire un saut de puce. La Nouvelle-Calédonie est tout simplement la destination la plus proche de Tahiti.
Dynamisme et expansion
J’étais en relation avec la dynamique ligue de l’île depuis le début d’année. Ce tournoi était donc coché de longue date dans mon agenda. J’avais pu bénéficier de l’une des rares invitations, de même que ma petite amie, la WFM suisse Camille De Seroux, qui m’accompagnait. Cette ligue est toute jeune, puisqu’elle n’a été créée qu’en 2014. Elle se développe rapidement sous l’impulsion de Jean-Jacques Testet, son président. Sylvain Giraud (2068 Elo), installé sur l’île depuis 2011, est l’homme de terrain qui dynamise les clubs et les écoles. Il y a maintenant 5 clubs affiliés à la FFE. 370 joueurs sont licenciés, dont une grande majorité de jeunes.
Dans le temps scolaire
L’action principale se concentre toutefois sur les écoles. Les échecs sont déjà rentrés dans le temps scolaire dans de nombreux établissements, souvent à partir du CE2. Ils sont enseignés comme n’importe quelle autre matière. Il a donc fallu former des intervenants et des enseignants. Ce travail de fond a pris du temps. Il doit désormais être entretenu en permanence. En ce sens, la ligue a reçu récemment un apport majeur. Le GMI Franco-Egyptien Samy Shoker s’est installé à Nouméa, il y a quelques mois, avec sa compagne. Nul doute qu’une telle arrivée saura être mise à profit pour développer encore plus les échecs, que ce soit dans les clubs ou les écoles.
Isolement et tension politique
Naturellement, la ligue aspire à créer une belle dynamique et à former une élite. Le principal handicap de l’île est évidemment son éloignement de la métropole, et son isolement par rapport aux autres pays « voisins ». Cela se traduit par un manque de compétition. Des déplacements avaient été organisés pour les meilleurs joueurs calédoniens au tournoi d’Adelaïde, en Australie, en 2016, ainsi qu’à celui d’Auckland, en Nouvelle-Zélande, en janvier 2019, mais il était temps de créer un fort open sur leur terre. Ce fut donc réalisé. Le tournoi était en préparation depuis deux ans, et les organisateurs ont dû faire face à une autre réalité de la Nouvelle-Calédonie. Les discussions concernant le référendum pour l’indépendance de l’île paralysent les activités. Les entreprises deviennent beaucoup plus frileuses à l’idée de sponsoriser un événement. Pour cette 1re édition, le soutien est venu de Sofrico (froid industriel) et des Forces Armées de Nouvelle-Calédonie.
1er avec Samy
Néanmoins, un beau plateau avait pu être réuni, avec 88 joueurs au total. Il y avait un open principal, un autre réservé aux jeunes, et un tournoi féminin. Samy et moi faisions figures de favoris. La présence des co-champions de Nouvelle-Zélande, les MI Russell John Dive et Anthony Ker, ainsi que plusieurs de leurs dangereux compatriotes, rendaient l’issue du tournoi indécise. A noter aussi la présence du champion des Îles Salomon, et l’absence regrettée des joueurs d’Australie, avec un seul représentant de cette nation. Finalement, la logique a été respectée. Samy et moi nous sommes imposés avec 8/9. Camille De Seroux a fait un très bon tournoi. Elle a pris la 4e place avec 6/9, devancé par Russell John Dive (7).
Potentiel de l’île
Les Calédoniens ont réalisé de belles performances tout au long du tournoi, soulignant à quel point leur classement, quand ils en avaient un, était sous-évalué. De nombreux joueurs vont d’ailleurs obtenir leur premier classement FIDE. Ce bel événement a montré que la Nouvelle-Calédonie est capable d’avoir son tournoi international. Reste à savoir si cet événement pourra être renouvelé dans l’avenir !
Le titre au départage : 1-0
Ayant fini tous deux à la 1re place ex æquo avec 8/9, un match de départage était prévu, avec une partie semi-rapide pour commencer et, en cas de nulle, un blitz Armageddon. Le tirage au sort m'a donné les Noirs. Samy est un joueur très dangereux. C’est un spécialiste des ouvertures irrégulières, surtout à base de fianchetto Roi et d'attaque Est-Indienne. Mon choix s'est porté sur un système asymétrique, dans lequel ce sont les Noirs qui prennent les choses en main à l'aile-Roi, pour ne pas lui laisser ce privilège.