En bref
Edith Hélène Winter-Wood est née à Brixton, en Angleterre, le 22 février 1859. Que faire de ses loisirs, lorsqu'on naît dans une famille aimant à ce point les échecs ?
Ce n'était pas vraiment le parcours attendu pour une "jeune fille de bonne famille", devenue une épouse évoluant dans la haute bourgeoisie de l'Angleterre victorienne. Ce n'était pas très original, non plus, mais cette destinée toute tracée laissa une empreinte profonde dans l'histoire des problèmes.
Alors qu'elle allait avoir trente ans, la jeune femme imita son père et ses deux frères, Thomas et Carslake, qui étaient eux-mêmes à la fois joueurs et compositeurs. L'émulation était toute trouvée !
Croyons volontiers que la composition est une affaire de finesse et d'extrême sensibilité, car en définitive, c'est la Féminine de la prolifique famille Winter-Wood qui se distingua très vite par l'originalité, mais aussi par la belle maturité de son talent.
Elle se fit ainsi adoubée par ses pairs. La correction de ses créations, notamment, fut jugée remarquable.
Quant à son petit penchant naturel, il faut noter que cette compositrice érudite s'était spécialisée dans "les problèmes rétrogrades (avec ou sans analyse légitime), symboliques ou fantaisistes", comme le soulignèrent François Le Lionnais et Ernst Maget dans leur "Dictionnaire des Echecs" (aux Editions PUF 1974). Ce qui n'est pas vraiment étonnant - étant donné sa filiation...
Cette problémiste hors pair se révéla être... l'un des compositeurs les plus prodigues de son temps ! En 1902, après avoir établi sa notoriété en publiant ses créations dans de nombreux magazines anglais, Edith Winter-Wood se décida à publier un superbe recueil sous son nom d'épouse : Mrs William James Baird.
"Seven Hundred Chess Problems" - Un chef d'uvre !
Ce premier traité récapitulatif de son oeuvre fut intitulé sobrement "Seven Hundred Chess Problems". C'était une synthèse magnifique. Comme son titre l'indique, il présentait sept-cent problèmes originaux de Mrs W. J. Baird. Cet ouvrage compilait essentiellement des mats en 2 et 3, mais on y trouvait aussi quelques "auto-mat" ou "self mate" en 4, 5 voire 6 coups.
La compilation exceptionnelle de Mrs Baird fut éditée par Henry Sotheran & co, Imprimeur du Roi. Cette publication constitua un événement dans le monde de la composition.
La première particularité de ce traité monumental fut d'être vendu en dessous de son coût réel ! Les spécialistes considèrent encore aujourd'hui que ce traité fut l'un des plus beaux de compositions jamais publiés.
La présentation est basique : diagramme + solution brute en fin d'ouvrage. Il reste que chacun de ces 700 problèmes proposés à la sagacité du lecteur est élégamment présenté.
Effectivement, la richesse de ces ornements, dans leur sobriété, est à l'image de cette Angleterre triomphante des années 1900.
Quant à la correction des créations de Mrs Baird, seuls quatre d'entre elles sur les 700 présentées posèrent... un problème !
De la simplicité à la complexité, cette experte parmi les hommes ne cessa jamais de forcer le trait. C'était le cheminement de son oeuvre.
Les jeunes compositeurs actuels trouveront sans doute une belle source d'inspiration dans ce parcours, si détonant pour l'époque.
Et maintenant, partons à la rencontre de cette problémiste si distinguée et plutôt originale, avec la présentation de ses premières créations, soit les n°1 et 2 de son traité : deux mats en 2 assez faciles - cf photo ci-contre et diagrammes ci-après.
1. First Attempt 1888
C'est donc la première ébauche achevée de Mrs Baird. La clé de ce mat en 2 est un mouvement de Dame. C'était naturel pour cette Reine du problème !
2. Morning - non daté
L'aube s'est levée sur la rayonnante Angleterre. Ce qui a le don d'inspirer Mrs Baird...
Et c'est bien sûr l'évêque de Canterburry qui donne l'extrême onction au Roi noir, pris au piège par les Cavaliers de la blanche Albion !
Solutions
First attempt 1888
1.♕d2 cxd2 (1...-- 2.♕xd5#) 2.♖d7 mat.
Morning
1.♗g2 exd6 (1...exf6 2.♘f8# ; 1...f4 2.♗h3# ; 1...-- 2.♗d5#) 2.♕e1 mat.
