En bref
Quel est le style de mon adversaire ? Répondre à cette question critique, c'est prendre une longueur d'avance, c'est éviter de jouer sur les points forts de son rival (stratégie ou tactique, positions ouvertes ou positions fermées, prises de risques, technique des finales).
Une fois ce style ciblé, cela permet déjà de choisir une ouverture qui ne rentre pas dans les préparations supposées de cet adversaire.
Ci-dessus, l'impressionnante délégation soviétique au Tournoi des Candidats de Zurich 1953, avec à l'extrême droite, le géant Yuri Averbakh (1922-...) mesurant 1m90.
Les six catégories d'Averbakh
Yuri Averbakh présida la Fédération d'URSS de 1972 à 1977. Selon cet expert, les quatre pans de la formation « à la soviétique » étaient les suivants : stratégie, tactique, psychologie, physique.
Le Grand Maître Averbakh entraîna quatre champions du Monde : Smyslov, Tal, Petrossian, Spassky. Ce spécialiste mondialement reconnu des finales avait une approche scientifique, comme tous les ténors soviétiques des décennies 1940-1950. Elle était doublée d'une sensibilité extrême à l'un des facteurs clés de la partie : la précision psychologique !
Selon ce modèle analytique, Yuri Averbakh avait dressé une classification des joueurs en six catégories. Comme il le précise lui-même, « aucune n'est hermétique. Chaque joueur peut ressortir de l'une ou l'autre de ces catégories », tant il est clair, selon lui, que la carrière, comme la vie d'un champion, ne sont ni linéaires, ni homogènes.
Cette liste de portraits psychologiques est toujours d'actualité. Essayez de retrouver le vôtre :
1. Killers (tueurs)
Comme Botvinnik, Kortchnoï et Fischer, et en partie Karpov et Kasparov. En Boxe, on dirait qu'ils gagnent par KO ! Ces joueurs ont du punch, et surtout ils ont développé un véritable instinct de tueur. D'un seul coup, ils peuvent mettre un terme au combat !
2. Fighters (combattants)
Comme Lasker, Reshevsky ou Bronsteïn. Ils aiment vaincre par dessus tout et ils ont un goût prononcé pour le combat d'homme à homme. Mais ils ne considèrent pas qu'il leur soit essentiel de « tuer » leur adversaire, ce qui les différencie de la catégorie précédente.
3. Sportmen (sportifs)
Comme Capablanca, Kérès ou Smyslov. Ils pratiquent les Echecs comme s'il s'agissait de n'importe quel autre sport. Quand ils s'assoient à la table, ils se métamorphosent en des athlètes de très haut niveau, mais dès que le combat s'achève, ces formidables compétiteurs redeviennent, pour ainsi dire, « monsieur tout le monde ».
4. Players and Gamblers (joueurs et parieurs)
Comme Tartakover, et surtout Karpov, qui est le plus bel exemple classique du « joueur ». Ce type de compétiteur est passionné avant tout par le jeu en lui-même. Il aime prendre des risques calculés. Ce qui se vérifie notamment lorsqu'il pratique d'autres jeux, comme les cartes.
5. Artists (artistes)
Comme Rossolimo, Simagin, qui décéda après une attaque cardiaque survenue en plein tournoi en 1968, et en partie Misha Tal. Evidemment, pour ces artistes, la victoire reste une fin en soi, mais elle n'est pas le premier facteur déterminant de la partie. Ce qui compte, c'est la manière !
6. Explorers (explorateurs)
Comme Rubinstein, Fine, et je me place dans cette catégorie ! Ces joueurs sont à la recherche des Lois du jeu. Ils quêtent fondamentalement les grands principes et leur évolution, comme Philidor, Tarrasch ou encore, comme le premier champion du Monde Steinitz, qui était à la fois un « Killer » et un « Explorer ».
Et maintenant, dans quelle catégorie classeriez-vous votre futur adversaire ?