En bref
Vassily Smyslov fur le détententeur du titre mondial de 1957 à 1958. Il fut sacré le 27 avril 1957, à Moscou, à l'âge de 36 ans, en gagnant face à Botvinnik (1911 - 1995), sur le score de +6 =13 -3
Extrait de l'article "Vassily Smyslov, Tsar de toutes les Russies", in Europe Echecs (avril 2003) :
"J'ai appris les échecs à l'âge de 6 ans, avec mon père, qui était lui-même un excellent joueur. En même temps, j'ai appris la musique. J'ai toujours vécu avec ces deux passions. Alors, j'avais un rêve : devenir chanteur d'opéra [en 1950, Smyslov échoua lors d'une audition pour intégrer le célèbre Théâtre Bolchoï, le temple de la scène lyrique moscovite. Il décida dès lors de se consacrer pleinement aux échecs].
Je pense que j'avais une belle voix, et j'ai toujours aimé le chant classique. Il m'est arrivé de donner des récitals en public, lors d'exhibitions et de tournois. Mais il m'aura fallu attendre plus de 50 ans pour réaliser mon rêve ! J'ai enregistré un disque avec un accompagnement de Mark Taïmanov, qui a été à la fois un très grand joueur et un pianiste virtuose. Et je peux dire que ce cadeau que l'on m'a offert reste inoubliable".
Trois fois candidat au titre
Après avoir remporté le célèbre tournoi de Zürich en 1953, Vassily Smyslov a disputé trois défis mondiaux, tous contre Botvinnik. Voici comment il se souvient de ses durs combats contre le 6e champion du Monde - extrait de l'article précité (EE avril 2003) :
"Le plus beau souvenir de ma carrière est incontestablement ma victoire contre Mikhail Botvinnik. J'ai réussi à gagner 6 parties sur 24 lors de notre match de 1957 ! J'ai joué contre lui près de 100 parties. Au total, nous avons disputé trois matchs l'un contre l'autre. Le premier s'est achevé sur un score nul (12-12), en 1954. J'ai remporté le deuxième avec trois points d'avance (12,5-9,5), ce qui m'a permis d'être sacré champion du Monde ! J'ai finalement perdu le dernier l'année suivante (10,5-12,5), dans le cadre de notre match revanche.
Il faut comprendre que Botvinnik était l'idole du peuple soviétique. Il avait remporté le titre suprême sous les couleurs de l'URSS, en 1948. Et je peux vous dire que j'ai ressenti une immense satisfaction lorsque je l'ai vaincu, en 1957, car c'était un accomplissement personnel. Son aura était telle que les gens croyaient que Botvinnik était invincible ! Hélas, l'année suivante, alors que j'étais en pleine préparation de notre match revanche, je suis tombé malade [V. Smyslov a souffert de complications pulmonaires], et il m'a fallu prendre des antibiotiques. J'ai eu jusqu'à 39 de fièvre ! Fallait-il que je joue ou non ? J'ai décidé de jouer et, dès les premières parties, je me suis senti mieux. Mais j'ai perdu le titre. Et pour cette raison, je garde un très mauvais souvenir de cet événement. [...]
Au début des années 1950, les gens étaient fiers et enthousiastes. Tous les joueurs étaient très combatifs. Gagner était phénoménal ! Il faut se souvenir que les échecs avaient été épargnés en URSS, durant la seconde guerre mondiale. L'Etat avait continué à organiser des championnats, car il fallait démontrer que la société continuait d'exister, et le jeu était un symbole ! Il y avait une grande spiritualité alors, et les échecs démontrent mieux que nul autre jeu que l'on peut toujours survivre, et se battre ! [...]
L'Etat nous pensionnait, c'est vrai. Mais il ne faut pas croire qu'il était facile, pour autant, de gagner de l'argent en jouant aux échecs. Afin que vous ayez une idée plus précise de la manière dont l'Etat nous soutenait, sachez, par exemple, qu'en échange de l'argent que l'on m'a remis en récompense de mon titre mondial, je n'ai pu m'acheter qu'une voiture...
Et encore, il ne s'agissait que d'une "Victoria", ce qui représenterait, de nos jours, l'équivalent d'une voiture de tourisme tout à fait ordinaire !"
Compositeur hors pair et stratège accompli, Smyslov excellait dans l'art de jouer les milieux de parties. En outre, il n'avait pas d'égal, disait-on, dans la conduite du jeu des Noirs. Ses conceptions stratégiques, sa précision d'exécution, et surtout sa technique en finales sont devenues légendaires. L'admiration de ses collègues était à la limite de la peur. Elle ressortait lorsqu'on entendait ces mots : "Si dans une partie contre Smyslov qui a duré 40 coups, vous avez joué 39 coups corrects, vous étiez tout près de la nulle !"