Les 6 conseils de José Raúl Capablanca pour progresser aux échecs

Progresser aux échecs

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En bref

José Raúl Capablanca, champion du monde d'échecs de 1921 à 1927, est considéré comme l'un des plus grands virtuoses de l'histoire du jeu. Connu pour son style fluide et sa capacité à simplifier les positions complexes, il a marqué durablement le monde des échecs par son génie. Aujourd'hui encore, ses parties continuent d'inspirer les amateurs désireux de progresser. Dans cet article, vous allez découvrir les leçons intemporelles du champion cubain !

Conseil #1 : travaillez la tactique, qui est la base des échecs

Dans cet article, vous découvrirez les grandes qualités de Capablanca, dont l’intuition et la maîtrise absolue des finales. Mais n’oublions pas qu’il était un redoutable tacticien, capable de trouver en quelques secondes les combinaisons qui se présentaient à lui. Voici un excellent exemple !

Bernstein 0-1 Capablanca

Les noirs jouent et gagnent, avez-vous trouvé comment ?

1… Db2!! Un magnifique sacrifice de dame qui exploite la faiblesse des blancs sur la première rangée. Bernstein abandonne.

Tous les coups des blancs perdent :
2. Dxb2 Td1 mat
2. Dd3 Da1+ 3. Df1 Dxc3
2. Tc2 Db1+ 3. Df1 Dxc2
2. De1 Dxc3 3. Dxc3 Td1 mat
2. Td3 Db1+ 3. Df1 Dxd3

Nous ne le rappellerons jamais assez : maîtriser la tactique est un pré-requis, et aucun champion n’est parvenu au sommet sans avoir un œil de lynx repérant les combinaisons qui apparaissent sur l’échiquier ! 

Conseil #2 : travaillez les finales, et jouez les jusqu’au bout !

“Pour améliorer votre jeu, vous devez étudier la fin de partie avant toute autre chose car, alors que les fins de partie peuvent être étudiées et maîtrisées par elles-mêmes, le milieu de partie et l’ouverture doivent être étudiés en relation avec la fin de partie.” (Capablanca)

De nombreux joueurs négligent l’étude des fins de partie : grossière erreur pour Capablanca, qui a remporté de nombreuses victoires décisives grâce à sa maîtrise des finales.

Cette victoire du Cubain illustre l’intérêt de travailler les finales, mais surtout de les jouer jusqu’au bout et avec vigueur, même lorsqu’elles semblent égales !

Carranza 0-1 Capablanca

Selon le grand maître Irving Chernev, « Cette position serait considérée comme nulle par la plupart des joueurs, mais les Noirs ont un avantage infinitésimal. Et c’est tout ce dont Capablanca a besoin. La fin de partie qui suit est l’une des plus délicieuses jamais jouées par Capablanca, avec suffisamment de coups de pions pour réjouir le cœur d’un Philidor. Les Noirs ont un avantage positionnel dans la mesure où leurs pions ont un grand potentiel d’expansion. Leur pion d4 peut, avec soin, être converti en un pion passé, et il y a quelques perspectives pour gagner le contrôle de la colonne a. » 

20 coups plus tard, Carranza abandonne !

Vous pouvez revoir en intégralité l’incroyable technique de Capablanca avec notre applet.

« J’avais un ami qui consacrait beaucoup de temps à l’étude des ouvertures. Nous avons souvent échangé quelques idées et il arrivait tout aussi souvent qu’il me demande mon avis sur certaines variantes d’ouvertures. À sa grande surprise, cependant, j’étais toujours obligé de lui répondre que je ne le savais pas, ce à quoi il me demandait invariablement comment je pourrais m’en tirer si l’adversaire me la jouait. J’ai répondu que 90 % des variantes rapportées dans les livres sont dépourvues de signification pratique. Souvent, elles s’avèrent erronées et proviennent d’évaluations et d’hypothèses incorrectes. Je lui ai donc proposé de laisser de côté les ouvertures et de prêter plus d’attention à l’étude des fins de parties, ce qui s’avérerait plus utile. » Capablanca

Aujourd’hui, la puissance de calcul des ordinateurs nous amène à nuancer ce conseil, car la préparation dans les ouvertures est devenue un indispensable travail d’orfèvre. Cependant, la dernière partie de la citation reste d’actualité : négliger l’étude des finales est un péché mortel. Et comme le volume de travail dans les ouvertures augmente de façon démesurée, la tentation est forte de sacrifier l’étude des fins de partie. Cette mise en garde de Capablanca n’a donc pas pris une ride !

Conseil #3 : développez votre intuition

“Capablanca, selon ses propres termes, recherchait “les fondements de la position”. Il savait, en un rien de temps, comprendre ce qui était important dans telle ou telle position et ce qui ne l’était pas, et choisir dans celle-ci le bon coup sans se tromper.” (Vasyl Ivanchuk)

Capablanca était un spécialiste des parties simultanées, et il pouvait affronter des dizaines d’adversaires en même temps. Son secret ? Son intuition, qui lui permettaient de trouver le bon coup même face à un grand nombre de positions différentes !

Pour Capablanca, l’intuition est liée à la mémoire : “À quoi dois-je attribuer mes débuts précoces aux échecs ? Grosso modo, je pourrais dire que cela était dû en partie à une maîtrise des principes du jeu, née de ce que j’ai souvent ressenti comme une intuition particulière et en partie à la possession d’une mémoire anormalement développée”. 

Autrement dit, l’intuition n’est pas une force magique qui illumine votre esprit d’un souffle de génie. Il s’agit bien plus d’une mobilisation inconsciente de vos souvenirs : cette position me dit quelque chose, j’ai déjà rencontré cette disposition de pièces ou cette structure de pions, et je me rappelle quelle était la bonne façon de traiter la position. En résumé, pour avoir une meilleure intuition, vous devez vous confronter à de nombreux schémas de pièces, et les retenir par la répétition.

Capablanca 1-0 Blackburne

Cette position illustre parfaitement les géniales intuitions de Capablanca. Sa mémoire identifie immédiatement plusieurs schémas connus : 

  • Le roi noir est faible, seul le pion g6 constitue un rempart.
  • Le pion g6 est aussi le défenseur de la tour noire en h5.
  • La plupart des pièces noires sont hors jeu et ne peuvent défendre le roi (la tour a8, la dame b6 et le cavalier d8).
  • Les blancs ont trois pièces en attaque, sans compter le fou d2 et la tour b1 qui peuvent rapidement entrer en jeu pour créer le surnombre.

Connaissant ses éléments, il trouve aisément la suite gagnante : 26. Cxg6! Élimine le principal défenseur hxg6 27. Txg6 Db8 28. Txg7+ Élimine le dernier défenseur Rxg7 29. Tg1+ Rf8 30. Dg6 Txh3+ 31. Rxh3 et le mat suit.

Les études menées récemment confirment les propos de Capablanca, et parlent de chunks, ou “blocs de pièces”. Les joueurs d’échecs expérimentés sont capables de retenir l’emplacement des pièces sur un échiquier non pas séparément, mais par blocs qui forment un ensemble cohérent. La clef de l’apprentissage passe par la répétition et l’étude régulière de nombreuses positions.

José Raúl Capablanca à quatre ans, jouant contre son père.

“Je jouais aux échecs avant d’apprendre à écrire, mais je ne les ai pas étudiés. Je les étudie uniquement quand je joue.” (Capablanca)

Conseil #4 : jouez simplement et logiquement

“Capablanca était un Maître pour trouver les cases justes pour ses propres pièces.” (GMI Dvirnyy)

Jouez simplement et logiquement : cette leçon fondamentale de Capablanca se vérifie encore de nos jours. Si vous regardez une partie avec l’analyse d’un ordinateur, vous découvrirez que bien souvent les meilleurs coups sont généralement anodins, logiques, et que les coups originaux sont une rare exception.

Par exemple, ne vous contentez pas de regarder vos meilleures pièces, réfléchissez à la façon dont vous pouvez améliorer celles qui ne font pas encore grand-chose. L'exemple suivant illustre à merveille cette règle.

Capablanca 1-0 Molina et Ruiz

Les noirs sont totalement regroupés en défense, mais Capablanca trouve une idée fantastique pour l’emporter.

30. b3! Brillant. Le Cubain a compris que toutes les pièces noires sont agglutinées à l’aile roi pour défendre leur monarque. Il décide tranquillement de créer un pion passé de l’autre côté de l’échiquier en jouant ensuite a4 ! Dans l’absolu, Fxf6 Txf6 Thg3 gagnait plus rapidement, mais l’idée de Capablanca prouve qu’il faut envisager des coups simples, et qui exploitent toute la surface de l’échiquier.

« Qu’un pion passé sur l’aile-Dame décide de l’issue du combat, est le résultat d’une logique aussi subtile qu’enchanteresse. » (Stahlberg)

Utilisez notre applet pour regarder la partie en intégralité.

Conseil #5 : soignez votre condition physique

“Je suis pleinement convaincu, et de nombreux joueurs d’échecs seront d’accord avec moi, que le joueur doit être en excellente condition physique pour jouer en tournoi. C’est pourquoi pendant mon temps libre, je fais du sport pour que mon corps soit parfaitement préparé.” (Capablanca)

« Dans la vie de Capablanca, il n’y avait rien qui pouvait laisser deviner qu’il était un Maître d’échecs. Ses préoccupations favorites étaient la politique et la diplomatie. Il aimait tous les sports, en particulier le tennis. C’était un homme du monde, pourtant privé des mauvaises habitudes de la bonne société, celles de boire et de fumer. Mon impression était que pour lui les échecs étaient une passion parmi d’autres. » (Spielmann)

Capablanca décroche ainsi le titre mondial en 1921 en partie grâce à sa meilleure condition physique que le tenant du titre Emanuel Lasker.

Le temps a donné raison à Capablanca ! À son époque, les joueurs d’échecs n’ont généralement aucune préparation physique spécifique. Sans même parler de sport, il n’était pas rare de les voir fumer pendant les parties, et certains joueurs célèbres faisaient face à des problèmes comme l’alcoolisme, notamment Alekhine. 

Vidit Gujrathi a fait le choix du badminton pour se préparer physiquement avant les parties ! - Photo Lennart Ootes

Aujourd’hui, les joueurs d'élite intègrent le sport dans leur routine de préparation pour maintenir une condition physique optimale, essentielle pour affronter des parties pouvant durer plus de cinq heures.

Lorsqu'un tournoi s'étend sur plusieurs semaines, il est crucial pour eux de préserver leur endurance physique.

Garry Kasparov, par exemple, était célèbre pour ses entraînements intensifs qui combinaient travail sur l'échiquier et exercices physiques, tels que des séries de pompes et d'abdominaux. Capablanca aurait été fier de lui !

Conseil #6 : tirez profit de vos défaites pour progresser

“On peut tirer plus d'utilité d'une partie perdue que de 100 parties gagnées” disait Capablanca, avec beaucoup de sagesse. 

Et malgré son talent, il n’était pas invincible, et continuait donc à apprendre ! Pour rendre hommage à sa citation qui pourrait être le mantra de l’amateur qui cherche à progresser, nous vous proposons une vidéo dans laquelle Capablanca s’incline, face à Alekhine.

Les noirs jouent et prennent l’avantage, voyez-vous comment ?

Bonus : votre leçon gratuite par Capablanca lui-même !

Steiner 0-1 Capablanca

Les noirs ont l’avantage, mais quel est le bon plan pour l’emporter ?

Capablanca lui-même va vous donner la réponse ! Nous vous proposons de découvrir les analyses du champion, qui considère cette partie comme instructive : “Elle n'est pas très connue, du moins je le pense, des amateurs. Par son développement, elle est pourtant d'une grande valeur technique !”

Continuez à progresser grâce à Capablanca

Impossible dans un article si court de dévoiler tous les apports du grand Capablanca au jeu d’échecs !

Pour aller plus loin et approfondir les subtilités de la pensée du champion cubain, nous vous recommandons de lire le nouvel ouvrage de l’historien des échecs Georges Bertola.

Vous y trouverez des parties commentées, de belles photos d'archive et des anecdotes pour progresser aux côtés du champion.