Magnus

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Magnus, le film

En bref

Le film documentaire «Magnus» réalisé par Benjamin Ree et distribué par Pretty Pictures est sorti au mois de septembre 2017 en DVD et VOD. Le réalisateur norvégien est parti à la rencontre du «Mozart des échecs».

En 2004, à l’âge de 13 ans, Magnus Carlsen décide qu’il deviendra champion du monde d’échecs. À mesure qu’il s’épanouit, le jeune prodige gravit les échelons du classement international, au prix de sacrifices personnels, mais aussi grâce au soutien de ses amis, et d’une famille très impliquée dans sa carrière.

  • Langues - Anglais/norvégien et sous-titres en français
  • Bonus : Interview du réalisateur et Jouez avec Magnus Carlsen
  • Récompense : Festival de Tribeca 2016
  • « Inoubliable ! » ScreenDaily
  • « Captivant et profondément inspirant. » The Hollywood Reporter
  • Distribué par Pretty Pictures
  • À la vente dans la Boutique Europe-Échecs
  • Durée : 75 minutes.
  • Les conseils du grand-maître : jouez avec Magnus Carlsen (21 min.)
  • Prix 19.95 €

Magnus Carlsen

Magnus Carlsen, appelé le «Mozart des échecs» est né le 30 novembre 1990 à Tønsberg en Norvège. Il est actuellement grand maître international, n° 1 mondial au classement Elo, et champion du monde en titre d’échecs. Au 1er mai 2014, le classement Elo de Magnus s’élevait à 2882. Il s’agit du classement le plus haut de l’histoire, devançant celui de Garry Kasparov qui avait atteint 2 851 points Elo en 1999.

Magnus Carlsen est champion du monde depuis sa victoire contre Viswanathan Anand en 2013, réitérée en 2014 contre ce même adversaire puis en 2016 contre sergueï Kariakine. Il a aussi été champion du monde de parties rapides et de blitz, ce dernier titre ayant été obtenu pour la première fois en 2009.

Il a attiré l’attention du monde des échecs par sa victoire au tournoi C du Tournoi de Wijk aan Zee en janvier 2004, à l’âge de 13 ans, puis en devenant la même année le troisième grand maître le plus précoce de l’histoire des échecs, seulement devancé par sergueï Kariakine et Parimarjan negi. En 2009-2010, Kasparov contribua à la préparation de Magnus.

En novembre 2009, après avoir obtenu un résultat exceptionnel au tournoi de nankin2, Magnus Carlsen atteint le classement Elo de 2 801, il est alors le cinquième joueur à dépasser le seuil de 2800 Elo depuis l’utilisation du classement par la Fédération internationale des échecs. En obtenant un classement Elo de 2 810 en janvier 2010, Magnus Carlsen occupa pour la première fois la place de numéro un mondial, alors qu’il n’avait que 19 ans et un mois, devenant le plus jeune numéro un de l’histoire des échecs.

En mars 2013, il finit premier du tournoi des candidats de Londres. Ce succès le désigne comme le challenger qui affronte le champion du monde en titre, l’Indien Viswanathan Anand pour le Championnat du monde d’échecs 2013. Il s’impose face à son adversaire par un score de 6,5 – 3,5 à l’issue d’un match qu’il a dominé, faisant de lui l’un des plus jeunes champions du monde d’échecs de l’histoire.

Il est le premier joueur de l’histoire à ravir les trois couronnes mondiales en gagnant en juin 2014, à Dubaï, les championnats du monde de parties rapides (20mn par joueur) et de blitz (5mn par joueur).

«Magnus Carlsen, est sans doute le premier champion du monde à véhiculer une image aussi positive. Ce grand maître, qui gagne des millions de dollars par an, a su rester simple. Un homme normal, soutenu par ses sœurs, et dont la carrière est gérée par «papa et maman». Loin des frasques d’un Fischer, de la paranoïa d’un Kasparov ou de l’autisme d’un Karpov, l’actuel champion du monde est facile d’accès, tout sourire, charmant. Magnus sait aussi bien jouer de son esprit que de son corps. Pour preuve,il a accepté d’être l’égérie masculine de la marque de vêtementG-Star Raw et a notamment incarné la collection Printemps-Eté 2014 de la marque aux côtés du top model anglais Lily Cole. En véritable mannequin, Magnus posait pour une campagne moderne sur des clichés déstructurés, mettant en avant son visage si singulier. «Magnus est une star, reconnaît le grand-maître britannique Nigel Short. Il est jeune, n’est pas russe. Et cela aide qu’il soit mannequin. Il rend les échecs cool.» Extrait article Libération par Pierre Gravagna.

Le réalisateur Benjamin Ree

Benjamin Ree a étudié le journalisme à l’université d’Oslo et a travaillé en tant que producteur pour Reuters TV. Il y a couvert les infos pour la BBC, sky news et Cnn, en plus de réaliser en parallèle de nombreux documentaires multi-récompensés diffusés uniquement en scandinavie. Désormais il travaille en tant que réalisateur de documentaires pour VgTV. Magnus est son premier long métrage documentaire.

Extraits d'entretiens avec Benjamin Ree réalisé par Joanna Pantages pour Scenester.tv

Pour son premier long métrage, le réalisateur Benjamin Ree a réussi à venir à bout de son projet alors que presque tous les projets avec les chaînes de TV tentées par le sujet avaient échoué. Le réalisateur a pu approcher Magnus car ce dernier s’est senti à l’aise avec lui. Le fait qu’ils aient le même âge a aussi été un atout. Benjamin explique que les documentaires réussis sont ceux qui parviennent à saisir des moments très intimes. Et Magnus a pu être lui-même avec Benjamin, lors d’instants très personnels chez lui, mais aussi en public, au cours de moments cruciaux pour sa carrière.

Est-ce qu’il s’agit davantage de l’ascension de Magnus Carlsen dans le monde des échecs ou de ce qui se passe dans la tête d’un jeune prodige ?

C’est surtout une histoire personnelle, celle de Magnus. Il était hors normes. Il a voulu devenir champion d’échecs dès son plus jeune âge. Il ne voulait rien d’autre, ne faisait rien d’autre, ne pensait à rien d’autre. Et il n’a pas appris à jouer aux échecs de façon traditionnelle, avec des professeurs ou un ordinateur. Chez lui, tout provient d’un pur amour des échecs, ainsi que de la créativité et de l’ingéniosité. Le tournage du documentaire a commencé en 2004, quand il avait 12 ans. un grand nombre d’images d’archives retracent son enfance au cours des années précédentes. Je suis intervenu sur le film lorsqu’il était adulte. Au départ, il devait y avoir deux documentaires, mais quand le producteur a vu la connexion qui s’établissait entre Magnus et moi, il a paru plus logique de travailler ensemble sur un seul documentaire. Le tournage s’est échelonné sur plus de 10 ans, de 2004 à 2014 environ.

On dit que ce qui fait sa singularité, c’est le fait qu’il compte énormément sur la créativité et l’ingéniosité pour jouer aux échecs. Dans quelle mesure le trouvez-vous différent ?

Il est différent parce qu’il a révolutionné ce jeu. Il lui a rendu sa créativité. Ce jeu est dominé depuis longtemps par des calculs d’ordinateur. A l’avenir, de plus en plus de jeunes vont utiliser son approche pour apprendre les échecs. Il a appris grâce à la curiosité et au plaisir que ce jeu lui procurait.

Il n’a jamais révisé. Garry Kasparov lui a donné des révisions à faire une fois dans sa vie et Magnus n’a pas pu les faire parce qu’il n’avait ni structure ni discipline. Ce serait potentiellement une grossière erreur pour eux de travailler ensemble, vu leur différence de style. Mais la famille de Magnus a toujours été là pour l’aider et le soutenir. La plupart des champions ont réussi grâce à la discipline et à leurs professeurs. Lui, il a réussi parce qu’il pense sans arrêt aux échecs, y compris lorsqu’il fait d’autres choses qui sont agréables pour lui.

Quand avez-vous débuté comme réalisateur et comment ?

J’ai réalisé mon premier film il y a 20 ans. J’ai commencé à travailler de façon professionnelle dans cet univers à 18 ans, comme free-lance pour des sociétés telles que la BBC ou Reuters. Ensuite, j’ai réalisé des courts métrages documentaires. J’ai un diplôme de journalisme et j’aime enquêter pour avoir vraiment une histoire authentique. La mise en récit est essentielle. Je commence par la fascination d’une personne, d’un thème ou d’une société, puis je fais des recherches pour voir sur quelle histoire ça peut déboucher. Avec Magnus, j’étais fasciné par le fait qu’il soit devenu une icône si jeune. Il incarne quelque chose de plus vaste, l’utilisation de la créativité et de l’intuition de façon optimale. C’est une star dans la Silicon Valley car au travers de l’histoire des échecs, c’est la bataille suprême des esprits qui se livre. Et Magnus est devenu une idole sans utiliser d’ordinateurs, mais en comptant au contraire sur l’élément humain. C’est un véritable modèle pour beaucoup de gens.

Qu’est-ce que vous n’avez pas encore accompli et que vous souhaiteriez accomplir après ce film ?

J’espère que ce film m’ouvrira beaucoup de portes. La réalisation de documentaires repose sur la proximité, la possibilité de capturer des moments cruciaux dans la vie des gens.

Il est intéressant de noter que vous êtes également norvégien et que vous avez le même âge que Magnus. Est-ce que cela a considérablement facilité les échanges pendant le tournage ?

Je pense que c’était un avantage énorme pour moi parce que plusieurs réalisateurs récompensés aux Oscars ont voulu filmer Magnus en lui mettant une pression énorme.Si un réalisateur renommé s’apprête à faire un film sur vous, vous ne pouvez pas vous concentrer sur les échecs. Je suis jeune, ai fait pas mal de courts métrages documentaires, mais jamais de long métrage. Celui-ci est mon tout premier. Je pense que Magnus aurait été intimidé si un réalisateur célèbre l’avait suivi partout. Quand je me suis présenté, je n’étais pas célèbre. Je pense que cela a été un atout pour moi et m’a permis de l’approcher plus facilement.

L’avantage quand on réalise un court métrage documentaire, c’est qu’on ne sait jamais où ça finira. Au départ, Magnus était un projet de cinq minutes. Si j’avais dit à Magnus Carlsen que je voulais réaliser un long métrage sur lui, il m’aurait dit : «Je n’ai pas le temps.» Mais quand on y va petit à petit, c’est plus facile. C’est comme ça que je procède maintenant, parce qu’on ne sait jamais comment l’histoire finira. Et certains de mes documentaires préférés, comme “Hoop Dreams”, étaient de petits projets au départ.

Parlez-nous de votre expérience à Chennai, en Inde, quand vous avez suivi Magnus pas à pas lors du championnat du monde d’échecs.

C’était le chaos complet. Il y avait une foule de cameramen et ils n’étaient pas bien organisés. Dans un sens, c’était un avantage pour le film parce que les échecs sont une discipline introvertie, alors que le film est un support extroverti. On peut donc transmettre ce que Magnus ressent, utiliser les gens de la presse pour montrer le chaos. En fait, le film fait passer un message : dès la première partie, on voit la paroi de verre qui sépare ces deux univers.

Il règne une atmosphère de zoo.

Oui, c’était comme au zoo. On se retrouve derrière la paroi de verre. La caméra montre le point de vue des photographes. Ensuite, on entre là où se trouve Magnus. C’est la première partie et on entend le bruit au loin. A la deuxième partie, on fait peu à peu disparaître la paroi de verre, au niveau du son. Ça relève de la psychologie. A la troisième partie, on entend encore plus et on entre dans la tête de Magnus, qui commet des erreurs.

C’est spectaculaire, surtout dans les moments où ses mains tremblent et où il fait tomber des pièces sur l’échiquier.

J’ai fait des heures et des heures d’interview avec Magnus, sur ce qu’il ressentait. On avait une version avec une voix off, mais on ne ressentait rien en tant que spectateur. On entendait seulement ce qu’il disait sur sa nervosité. Alors, on a pris ce qu’il disait et on en a fait du cinéma. Les photographes, les médias sont devenus la métaphore visuelle de ses démons intérieurs. On a donc utilisé le son et les techniques de montage dans le but de faire partager au public la tension ressentie par Magnus sur son siège.

Au fil du temps passé avec Magnus, durant le championnat du monde et par la suite, est-ce que vous avez perçu un changement notable ?

Absolument. Magnus n’a jamais partagé ni fêté ses victoires auparavant. Sauter dans une piscine en criant, c’est quelque chose qu’il n’avait jamais fait. Magnus subit une pression énorme. C’est très intense. Mais encore une fois, Magnus est comme ça. Avant de pouvoir crier et faire la fête, il a besoin de temps.

C’était très drôle lorsqu’il a gagné, parce que j’étais derrière la caméra pour le filmer. Je m’attendais à ce qu’il se mette à pleurer, vu que c’est le but de sa vie et qu’il y a des centaines de millions de personnes qui jouent aux échecs. C’est extrêmement difficile de devenir champion du monde d’échecs. Et lorsqu’il finit par y parvenir, il ne bouge pas et il est mécontent de sa dernière partie. Il finit par une partie nulle et il remporte le championnat, mais il n’est pas content de la dernière partie. Magnus m’a dit qu’il n’avait pas joué une seule partie dont il était entièrement satisfait. Il y a toujours quelque chose qu’il aurait pu améliorer. C’est une de mes scènes préférées, et c’est ce qui fait la spécificité des documentaires. Un film de fiction ne pourrait pas se terminer de cette façon, il faudrait réécrire la fin. Mais comme c’est vraiment ce qui s’est passé, on a pu inclure la scène. Ça n’a rien de spectaculaire, je n’aurais pas pu trouver moins spectaculaire que l’insatisfaction de Magnus. On a voulu garder cette séquence parce qu’elle en dit long sur sa personnalité. Il doit faire un travail sur lui-même avant de pouvoir se réjouir.

En quoi votre vie a-t-elle changé, du fait d’avoir travaillé sur ce projet et observé Magnus de près, puis en salle de montage, pendant si longtemps ?

Je peux faire une comparaison : j’ai mangé mes gâteaux préférés tous les jours pendant trois ans, au petit-déjeuner, au déjeuner et au dîner. Maintenant, j’ai l’impression d’en avoir mangé un peu trop. J’apprécie vraiment de regarder le film quand il y a du public. Mais le voir en présence de quelques personnes seulement, c’est horrible. Quand on voit quelque chose autant de fois (j’ai dû voir le film 3 000 fois), on se réveille le matin en entendant des phrases du film comme : «C’est un duel entre les deux hommes, et c’est mauvais pour Anand.» C’est comme une chanson qui vous reste dans la tête. Sauf que c’est tout le film me reste dans la tête.

Ce doit être pareil pour Magnus avec les échecs, il y pense constamment.

Oui, je suppose. Après avoir fait ce film, j’arrive mieux à le comprendre.