En bref
Après des débuts comme journaliste, Laurent Vérat a notamment été directeur de la rédaction d’un grand site d’informations sportives puis directeur général de la Fédération française des échecs. Il est aujourd’hui le manager de Maxime Vachier-Lagrave.
Dans quel état d’esprit se trouve Maxime à la veille de ce tournoi décisif ?
Il est très concentré sur l’événement. Il ne pensait pas être qualifié pour la Finale du Grand Chess Tour à Londres, ce qui l’a contraint à revoir tardivement ses plans. Il a tenté de tirer le meilleur parti de cette situation, en se servant de Londres comme tremplin pour Jérusalem. De toute façon, il n’avait pas le choix : ses obligations contractuelles lui imposaient d’aller à Londres en cas de qualification.
Aujourd’hui, il est sans doute plus fatigué que s’il avait pu se reposer, mais avoir battu le champion du monde Magnus Carlsen en demi-finale ne peut pas être mauvais pour sa confiance ! Et en ce moment, rallier Tel-Aviv depuis Londres - plutôt que depuis Paris - n’est peut-être pas une mauvaise chose :-).
Maxime sera accompagné à Jérusalem du GMI Sébastien Mazé, ancien capitaine de l'équipe Olympique, tandis qu'Etienne Bacrot, son entraîneur attitré, effectuera le travail de préparation depuis la France. Sur place, Sébastien aura la tâche supplémentaire de mettre Maxime dans les meilleures dispositions.
Quel est selon vous son pourcentage de chance de se qualifier pour le tournoi des Candidats ?
Maxime lui-même l’estime à 50 %, je pense que c’est un petit peu supérieur. En tout cas, il a son destin entre les mains, dans la mesure où une victoire dans le tournoi lui garantirait la qualification. Mais en dehors de ça, il y a tellement de possibilités suivant le tirage au sort du tableau et les résultats des uns et des autres, qu’il est impossible d’envisager tous les cas de figure. Par exemple, Maxime peut très bien se qualifier en perdant 0-2 au 1er tour, tout comme il peut rater la qualif en perdant la finale sur un Armageddon !
Pensez-vous que le Grand Prix FIDE de Jérusalem soit le tournoi le plus important de sa carrière ?
Oui !
En fonction de la qualification ou de la non-qualification de Maxime, comment se déroulera le début de l’année 2020 ?
A ce jour, je me refuse à envisager le scénario d’une non-qualification de Maxime !
En cas de qualification en revanche, l’idée est de faire une grosse préparation, avec sans doute un camp d’entraînement. Il s’agira bien sûr de renforcer son équipe de secondants, mais aussi de ne pas négliger tous les aspects périphériques. Il est probable que Maxime disputerait un tournoi pendant le premier trimestre, comme celui de Gibraltar, qu’il apprécie particulièrement. Car il peut être aussi dangereux d’arriver « rouillé » dans une compétition aussi relevée qu’un tournoi des Candidats (qui débutera le 17 mars 2020 à Ekaterinburg).
Maxime est aidé depuis longtemps par Colliers International, la société de Gilles Betthaueser. Une éventuelle qualification pour le tournoi des Candidats permettrait-elle d’attirer de nouveaux partenaires ?
Je l’espère, et en tout cas on y travaille activement, avec plusieurs négociations très encourageantes en cours ! Colliers a fait beaucoup pour Maxime depuis de nombreuses années. Maintenant, pour mettre sur pied une préparation du plus haut niveau possible, d’autres partenaires sont nécessaires.
Est-il facile de « vendre » un joueur d’échecs auprès des entreprises ?
En dehors des sports majeurs, il reste très difficile en France de trouver un sponsor ou un mécène. Nous sommes un pays où la concurrence est rude, car il existe de nombreux champions dans des disciplines très différentes, contrairement à la Norvège, par exemple :-).
Mais d’une part, l’image du jeu d’échecs est très positive, elle reste associée à des valeurs telles que l’intelligence, la reflexion, la stratégie ; et d’autre part, on n’a jamais eu un champion du niveau de Maxime dans les échecs, ce qui suscite l’intérêt.
Certes, sa notoriété reste relative, mais il a quand même été l’invité de plusieurs émissions télévisées de grande écoute, les principales chaînes lui ont consacré des reportages, les grands titres de presse magazine aussi ; et il a publié une biographie grand public chez Fayard, qui n’est quand même pas n’importe quel éditeur…
Les atouts potentiels sont donc là, il faut juste trouver la bonne entreprise, puis le bon interlocuteur… et le convaincre !