Fischer – Andersson, Siegen 1970

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Robert James Fischer et Ulf Andersson

En bref

« Les grandes parties du passé » par Georges Bertola. Lors de cette partie, sponsorisée par le quotidien suédois « Expressen », seulement 5 personnes étaient présentes : Kristian Sköld, un autre Suédois, Miguel Quinteros, et les deux joueurs !
Bobby Fischer (1943-2008)

-Qui peut prétendre rencontrer Boris Spassky pour le titre ?

-Voici ce que répondit l’ex-champion du monde Botvinnik en 1970 lorsqu’on lui posa la question :

« C’est avant tout le GM américain Robert Fischer. Il ne fait aucun doute que c’est un joueur particulièrement doué. Il a 27 ans. En Occident, à part Spassky, c’est la figure la plus populaire du monde des Échecs. Par son jeu dynamique, il rappelle Alekhine. Il comprend parfaitement la position et calcule brillamment les variantes. Il sait se défendre et attaquer. Mais Fischer est très naïf et son niveau d’instruction est primaire. Il a quitté très tôt l’école et regretta même d’avoir perdu 5 ans à étudier. »

Puis Botvinnik lança une autre flèche plutôt mesquine à l’encontre de Bobby :

« Fischer marque des scores impressionnants contre les « outsiders », mais dans ses rencontres avec les plus forts, il doit se contenter de résultats plus modestes. Il me semble que Fischer a peur de perdre. C’est peut-être la raison pour laquelle il céda le premier échiquier à Larsen lors du match du siècle. »

Botvinnik

Botvinnik ajouta encore :

« Avec de la chance, en suivant la filière du tournoi interzonal et les matches des candidats, le GM américain peut arriver jusqu’à Spassky mais le champion du monde n’a pas à le craindre comme l’a démontré de façon convaincante leur partie de l’Olympiade de Siegen. »

L’année 1971 devait particulièrement prouver le contraire au patriarche des échecs soviétiques !

A l’issue de l’Olympiade une partie exhibition sponsorisée par le journal suédois « Expressen » fut organisée entre un jeune espoir de la génération montante Ulf Andersson (né en 1951) qui venait d’obtenir son titre de Maître International et Bobby Fischer (1943-2008). Le champion américain n’était pas à l’aise face à des joueurs beaucoup plus jeunes et il ne favorisa pas toujours la possibilité de les affronter. Les meilleurs joueurs de la génération Karpov qui ont pu jouer contre lui se comptent sur les doigts d’une main ; Tukmakov, Browne, Hübner, Mecking et Andersson.

Ulf Andersson

Ulf était en pleine ascension pour obtenir le titre de GM en 1972. C’était le plus grand espoir suédois depuis Gideon Ståhlberg (1908-1967). Il joua au premier échiquier de l’équipe suédoise lors de l’Olympiade de Siegen. Fischer, connu pour son répertoire d’ouverture restreint, ne jouant pratiquement que son pion Roi en conduisant les Blancs, se contenta de pousser modestement son pion « b » d’une case. Une ouverture de flanc qui était devenue l’arme de prédilection d’un autre Scandinave, Bent Larsen. Ses résultats étaient plutôt bons, si l’on excepte cette miniature qui avait fait le tour de la planète, Larsen-Spassky lors du match du siècle.

L'équipe américaine à Siegen en 1970

Cette partie s’est déroulée un ou deux jours après l’Olympiade dans un lieu tenu secret, un hôtel de Siegen. Elle fut publiée et sponsorisée par le quotidien suédois « Expressen ». L’accès au public n’était pas autorisé.

Étaient présents l’ancien champion de Suède, Kristian Sköld, qui était à l’origine de cette rencontre en compagnie d’un autre Suédois, le GM Miguel Quinteros, ami de Fischer, et les deux joueurs, soit seulement cinq personnes ! Une partie « non officielle » qui n’avait pas été publiée dans la plupart des revues y compris l’Informateur.

« Fischer a bien joué contre moi, nous n’avons analysé qu’un moment, rien de plus. Il a toujours été l’un de mes joueurs favoris. Le grand Bobby, selon moi, a toujours été une personne très correcte. Pas besoin de dire autre chose. » Ulf Andersson

Quinteros et Andersson, Lucerne 1982

Fischer,Robert James - Andersson,Ulf, (partie non officielle) Siegen, 1970. Attaque Nimzo-Larsen [A01] Par George Bertola & Sources diverses.

1.b3

Selon Nimzovich du point de vue « hypermoderne », il fallait jouer sur les ailes sans perdre de vue le centre, c’était l’aspect le plus profond du jeu positionnel.

1…e5

Au contraire les « Classiques » prônaient l’occupation physique du centre.

2.b2

Alors que les Hypermodernes se contentaient de le contrôler avec la pression exercée par les pièces.

2…c6 3.c4

C’est comme cela que jouait Larsen dans l’esprit de transposer dans la défense Sicilienne avec couleurs inversées.

3…f6 4.e3

La célèbre partie Larsen-Spassky (Belgrade 1970) se poursuivit avec 4.f3 e4 5.d4 c5 6.xc6 dxc6 7.e3 f5 8.c2 e7 9.e2 0-0-0 =+ les Noirs ont terminé leur développement, consolidé le pion e4 avec pression sur le pion arriéré d2.

4….e7

Un coup de développement normal, logique est 4…d5 5.cxd5 xd5 6.a3 d6 7.c2 g5!? 8.f3 g6 9.xg6 hxg6 10.d3 f6 = Radjabov-Dreev (Hyderabad 2002).

Une partie Larsen-Portisch (Siegen 1970) se poursuivit avec 4…d6 5.c3 g6 6.f3 g7 7.d4 f5 (= Tukmakov) 8.d5 b4 9.c1 a5 10.a3 a6 11.h3 0-0 (avec une position d’Est-indienne où les Noirs ont pleinement égalisé) 12.g4? d7 13.g5 h5 14.e4 f5! 15.exf6ep xf6 16.fd2? xe4 17.xe4 h4! 18.g3 c5 19.c3 xf2! 20.xf2 xe4 -+ Une attaque injustifiée sur l’aile Roi parfaitement réfutée.

5.a3 0-0 6.c2

Quelques mois plus tôt Fischer avait joué 6.d3 d5 7.cxd5 xd5 (7…xd5 est plus logique) 8.c3 d6 9.f3 f5 10.c2 fd8 11.d1 h6 12.h3 e6 13.d2 d7 14.e2 Fischer-Tukmakov (Buenos Aires 1970) avec une position « Hérisson » où tout est possible. Tukmakov a indiqué 14…g6!? 15.g4 e6 16.b4 (16.de4 Lakdawala a5!?) a5 17.b5 a7 avec des complications qui semblent offrir des chances égales. Le Roi blanc au centre avec deux ailes affaiblies n’inspire pas trop confiance. Après la partie, Fischer demanda à Tukmakov pourquoi il n’avait pas voulu entrer dans ces complications et proposa d’analyser sans pouvoir apporter de conclusion définitive, si ce n’est que cette variante offrait des possibilités pratiques supérieures par rapport à 14…h8?! 15.0-0 g6 16.b4 += joué dans la partie.

6…e8 7.d3 f8 8.f3 a5

Pour stabiliser l’aile Dame et fixe notamment le pion b3. Intéressant était d’entrer dans un schéma Est-indien avec 8…g6 9.b4 d6 10.e2 g7 11.0-0 a5 etc.

9.e2 d5

Logique mais l’ouverture de la colonne « c » est l’objectif des Blancs, 9…g6!? était une option à considérer.

10.cxd5 xd5 11.bd2

Après 11.♘bd2

Les Blancs ont obtenu une position rampante et souple de la Sicilienne Paulsen avec couleurs inversées !

« La principale différence entre cette position et la structure de pions de la défense « Hérisson » usuelle est la présence du pion noir sur c7 et non sur c5 ce qui réduit la pression exercée sur la case d4 et facilite la poussée d3-d4. D’un autre côté, les Blancs n’ont pas de cible sur c5 et le Fou noir sur f8 est allégé de sa mission défensive. » GM Shipov

11…f6

« Cela résout le problème du pion e5 tout en préparant …e6 et …d7 mais c’est plutôt passif en comparaison des positions issues de la Sicilienne. Après 11…g6 12.c4 (12.0-0 g7 13.ac1 += GM Hübner) g7 13. c1 suivi éventuellement par la manœuvre de Réti « c2-b1-a1 ». » GM Soltis

Selon Shipov ce coup n’était pas nécessaire car il affaiblit les cases blanches et il recommande 12…f6!? et si 13.0-0 g6 avec une position aux chances égales.

12.0-0 e6 13.h1!!

Après 13.♔h1!!

« Avec un jeu expérimental dans l’ouverture, Fischer a (avec couleurs inversées) la même structure de la défense « Hérisson ». Incidemment , c’est une bonne illustration de la nature universelle de beaucoup d’idées stratégiques. Après les avoir étudiées, vous pouvez les utiliser dans beaucoup d’ouvertures. » Dvorestsky

Plus tard, en 2004, Kasparov sera beaucoup plus réservé en gratifiant ce coup de (!?).

« Il était possible de jouer de manière routinière avec 13.d4 (13.fd1) exd4 14.xd4 xd4 15. xd4 avec un avantage minimal, mais ce qui convient aux Noirs pour l’égalité n’est pas toujours bon lorsqu’on joue pour le gain avec les Blancs. » Kasparov

13…d7 14.g1

Un coup mystérieux et avant tout un plan nouveau qui, après la poussée g2-g4, vise à installer le Cavalier sur e4 avec des possibilités d’attaque. Si l’on ne tient pas compte du contexte et de l’époque cela devient : « A ce moment un jeu raisonnable serait de positionner les Tours sur les colonnes c et d mais Fischer adopte un plan mineur, emprunté à la formation du Hérisson. » De Santis

14…ad8

« Les noirs ont placé leurs pièces idéalement et pour l’instant ils empêchent la poussée g2-g4, aucune idée constructive de leur part n’est évidente. » GM Shipov

15.e4!

Après 15.♘e4!

Alors que ce coup ne provoque aucune remarque pour beaucoup de commentateurs, c’est pourtant un moment critique pour le GM Shipov qui mérite qu’on s’y arrête :

«  Une position prometteuse pour le Cavalier. Il vise c5 et met la pression sur f6. Une analyse fouillée de cette position pourrait troubler même un joueur expérimenté. Les Noirs ont apparemment joué correctement, logiquement et prudemment. Il semblerait que grâce à la puissante centralisation et bonne coordination de leurs pièces, ils pourraient vaincre les intentions belliqueuses de l’adversaire. Toutefois, et c’est une chose surprenante, toute tentative pour trouver une solution concrète échoue. » GM Shipov

15…f7

Permet d’accentuer la pression indirectement sur le pion b3. Voici les principales analyses de Shipov :

1) 15…b6 16.g4! xg4?! 17.h4! f5 (17…h5 18.f3) 18.xf5! et ici :

a) 18…xe2 19.xf6+ h8 20.xd7 f3+ 21.g2 xd7 22.h4 xg2+ 23.xg2 avec des compensations insuffisantes pour la Dame.

b) 18…xf5 19.xg4 f7 20.d4! exd4 21.g5! +-

2) 15…f5?! (15…h5!? 16.h3) 16.c5 xc5 17.xc5 avec pression sur les cases noires de la grande diagonale a1-g8.

3) 15…h8 16.g4 xg4 17.xg4 xg4 18.xe5 e6 19.g4 g8 20.xc6 bxc6 21.g1 avec une initiative décisive. Cela reste à démontrer après 21…e7 pour ramener le Cavalier en défense sur g6. Par exemple 22.xf6?! gxf6 23.xf6 f7 24.xe8 xe8 25.h5 g6! fait mieux que résister même si les Blancs obtiennent 3 pions pour la pièce.

16.g4!

« Les génies ne sont pas tenus de respecter les principes. Dans ce cas, Fischer viole délibérément le principe - Éviter d’affaiblir les pions devant le Roi -. » Lakdawala

« Ce plan se situe à la limite entre, intéressant comme tentative de jouer pour le gain et douteux comme évaluation objective. Mais au grand Fischer, on ne peut mettre des « ? ». » De Santis

Pourtant des analystes de premier plan comme Kasparov, Shipov, Dvoretsky, Soltis ou Keene n’ont pas hésité à gratifier ce coup d’un « ! ».

16…g6

«  De toute évidence les Noirs veulent arrêter l’avance du pion g kamikaze pour le tenir éloigné du Roi. Mais maintenant le pion f6 devient instable ainsi que son compagnon sur e5. Si 16…h6 les Blancs peuvent continuer avec 17.h4 ou 17.g3. Préférable était 16…b6 17.fd2 e7! qui dévie un Cavalier de l’attaque et renforce le pion f6. » GM Shipov

17.g3!

La percée 17.d4 qui allait de soi aurait eu un effet paradoxal, l’attaque blanche sur la grande diagonale de cases noires se voyait opposé une contre-attaque sur la grande diagonale de cases blanches après 17.d4 exd4 18.xd4 (18.xd4 xd4 19.xd4 =+) xe3! 19.fxe3 d5 20.f3 e5 21.e2 (21.g2 xg4! menace 22…xe4 23.xe4 xe4+ 24.xe4 f2+) révèle la position inconfortable du Roi blanc. (Analyse Shipov) Ici 21…c5!? amène des complications favorables aux Noirs.

17…g7 18.ag1!

Après 18.♖ag1!

« Une construction d’attaque remarquable ! A l’origine avec couleurs inversées, c’était la partie Soruco-Fischer (La Havane 1966) » Kasparov

18…b6 19.c5

Le Fou de case noire a abandonné le contrôle de la diagonale a3-f8 qui rend possible ce coup d’attaque (b7) et de défense (b3). Peut-être que 17…e7!? était à considérer.

19…c8 20.h4!?

Une idée connue, le Cavalier est prêt à se sacrifier pour ouvrir la colonne g. Pourtant comme le remarque Shipov : « Placer le Cavalier à la bande réduit le potentiel des Blancs au centre. A mon avis, 20.h4 était meilleur renforçant l’attaque avec le plan c5-e4, g4-g5, et si les Noirs jouent …f6-f5, e4-f6+ provoque l’ouverture de la colonne g et la pression exercée par les Tours devient décisive après la poussée h4-h5. »

20…d7?!

Selon Kasparov l’erreur décisive. Il réfute la proposition du GM Soltis 20…f8 21.e4 d5 après 22.g5! f5 23.f6+ et l’ouverture de la colonne g apporte une attaque décisive 23…xf6 24.gxf6 f4 et l’ami Fritz confirme après 25.xg6+! hxg6 26.h5 +- par exemple 26…xf6 27.xg6+ xg6 28.xg6 e7 29.exf4 exf4 30.e4 et, malgré une compensation matérielle adéquate, les Tours noires ne peuvent jouer alors que la Dame peut s’infiltrer via c5 ou d1 pour inquiéter le Roi noir.

Shipov a proposé 20…d5 21.f3 xc5!? 22.xc5 xb3 = et les Noirs ont réussi, grâce à un sacrifice de qualité, à transférer le poids de la bataille au centre laissant les Tours blanches sur leur faim. Soustraire le Roi à l’action des Tours avec 20…h8!? est une proposition d’une revue russe.

21.e4

Après 21.♘e4

« Un paradoxe étonnant : avec toutes les pièces sur l’échiquier, sans entrer en contact avec l’armée ennemie et sans s’égarer au-delà de l’autre moitié de l’échiquier, les Blancs ont imperceptiblement obtenu une position gagnante. » Kasparov

21…f8

Un des commentateurs des plus superficiels et minimalistes de cette partie recommande simplement de déclouer le Roi (21…h8) des rayons X des Tours. Voici la réponse de Kasparov 22.d4! exd4 23.c4 f8 24.xg6+! hxg6 25. h3+ h6 26.exd4! avec les menaces 27.d5 ou 27.c1 l’attaque est irrésistible.

21…b6 recommandé par Soltis ne résiste pas à 22.g5! fxg5 (22…f5 23.f6+! xf6 24.gxf6 suivi d’un sacrifice sur g6. Shipov) 23.xg5 e7 24.d4! et l’abondance de possibilités tactiques laisse le Roi noir sans espoir. (Shipov) Par exemple 24…d6 (24…exd4 25.xg6!) 25.dxe5 xe5 26.xe5 xe5 27.f4 c6 28.b1 ed7 (f7) 29.xh7! +- Kasparov Il y a presque égalité matérielle mais le Roi noir est sans défense 29…e4+ 30.xe4 xe4 31.xg6 est mortel.

22.f5!

« La pointe ! Les Noirs sont invités à ouvrir la colonne g et périr sous l’attaque des Tours blanches. » GM Shipov

22…e6

En outre les Blancs gagnent 22…xf5 23.gxf5 e7 (23…g5 24.xg5!) 24.fxg6 hxg6 25.d4! +- pour permettre au Fou de case blanche d’accéder sur c4. Par exemple 25…exd4 26.f3! (menace 27.g5)

23.c5

Le Cavalier est de retour. Par rapport à la position au 19e coup, une petite nuance. Le Cavalier blanc est sur f5 au lieu de f3 et le Cavalier noir sur f8 au lieu de b6.

23…e7?!

Intéressant était de rejouer 23…c8!? et 24.d4! exd4 25.c4 e6 26.exd4 (Shipov) offre les meilleures possibilités aux Blancs mais rien de décisif.( La menace immédiate est 27.d5!) 26…b5 27.xb5 exd4 28.xd4 xd4 29.xe8 et ici 29…d5+!? met le doigt sur la position peu confortable du Roi blanc mais la compensation pour la perte de la qualité semble insuffisante. Mon ami Fritz et Lakdawala recommande 23…d7!?

24.xg7! xg7

Le Fou qui servait de support à la phalange des pions noirs du roque a disparu. La forteresse est devenue vulnérable. GM Shipov

25.g5!

Après 25.g5!

25…f5

« Le gain le plus rapide après 25…fxg5 est 26.xe5+ g8 27.f3 +- » GM Soltis

26.xf3 b6

Plus tenace était 26…d5 27.e4 b6 par exemple 28.gxf6+ h8 29.exd5 bxc5 30.xc5 d7 31.xa5 xf6 .

27.gxf6 h8

Le Roi se réfugie sur la colonne h car si 27…g8? 28.xe6 xe6 (sinon 29. xf5) 29.f7+ xf7 30.e4 gagne du matériel ou 27…xf6? 28.e4! suivi de 29.xe5+

28.xe6 xe6

Pire est 28…xe6? 29.d4! exd4 30.c4 c6 (30…d5 31.f7 xf7 32.xf5! xf5 33.xd4+ ) 31.xf5! GM Soltis

29.d4!

Après 29.d4!

Comme le remarque Kasparov, les Fous blancs obtiennent une totale liberté de mouvements comme l’ont montré les variantes précédentes du GM Soltis.

29…exd4 30.c4 d3

Il n’était pas possible de couvrir la brèche dans le mur avec 30…c5 31.xf5! gxf5 32.exd4 cxd4 33.xf5 b5 34.d5! GM Shipov

Après 30…dxe3 31.xf5! d2 32.c1 gxf5 33.g7 e8 34.f7 qui dégage la diagonale a1-h8 suivi du mat. MI Lakdawala

31.xd3 xd3?!

La contre-attaque 31…ed6 32.xf5 d2 permettait 33.c3 gxf5 34.g7 d1+ 35.g2 d5 36.f7 avec gain. GM Soltis

32.xd3

Avec ce sacrifice désespéré, les Noirs n’ont rien obtenu. Le suspense est terminé, la partie est perdue.

32…d6 33.c4

Une invitation à échanger les Dames, si 33…xc4 34.bxc4 h5 35.xf5 gxf5 36.f7+ h7 37.g7+ h6 38.g8 gagne.

33…e6

Après 33…♘e6

34.e5

Après la partie il a été pointé que les Blancs ont manqué une chance de terminer la partie à la Morphy (Soltis) en jouant 34.xf5! gxf5 35.g7 f8 (35…d1+ 36.g2 e8 37.g3! f7 38.xe6!! Kasparov) 36.xe6!! xe6 37.f7 +-

34…d8 35.h4!?

La poussée h5 va permettre de démolir la position du Roi noir. Pourtant 35.xf5! est toujours aussi fort après 35…gxf5 36.g7, une analyse soviétique poursuit avec 36…h5 avec avantage noir. C’est totalement réfuté par 37.d7!! f3 (37…xd7 38.f7+ suivi du mat) 38.g1 g8+ 39.f1 g2+ 40.e2 et il n’y a rien à opposer à la poussée f6-f7.

35…d6 36.g4 f8 37.h5

Nous y sommes, les Blancs sont totalement gagnants !

37…e8?!

Un coup passif, il n’y a plus de défense face à la pression exercée sur l’aile Roi, si 37...d5 38.hxg6 hxg6 (38…xg6 39.f7+ xe5 40.f8=+ xf8 41.xf8+ +-) 39.c3 g8 (39…f7 40.e4 +- ) 40.e4 xb3 41.f7+ xf7 42.xg6+! xg6 43.xg6+ f8 44.g7+ avec une Tour de plus.

38.e4 d2

Si 38…gxh5? 39.g8+!! xg8 40.f7+ g7 41.fxe8= +-

39.h3 g8 40.hxg6 xg6 41.f4 f8 42.g5 d6 43.xd6+ 1-0

Après 43.♗xd6+ 1-0

Fischer avait utilisé 2h01 sur sa pendule alors qu’Andersson réfléchissait encore pour bientôt abandonner lorsque sa pendule indiqua 2h40. Toute résistance est vaine après 43…xd6 44.f5 xf6 (44…h8 45.e5 d5+ 46.g2 d7 47.d3 +- ou 44…e5 45.g3 +-) 45.fxg6 xg5 46.gxh7 e5 47.h8= +-

« Une partie monumentale » GM Shipov

Ulf Andersson à Siegen en 1970

« La manœuvre de Fischer est devenue une procédure de routine dans cette ouverture. Je l’ai parfois utilisée moi-même. Mais créer, inventer, c’est autre chose. Les idées n’ont-elles aucune valeur ? Le « 13.h1» de Fischer change la manière de comprendre les échecs. » Ulf Andersson

Une partie magnifique de la part de Bobby, à la fois sur le plan positionnel et tactique et, ceci face à un stratège et défenseur hors pair, l’un des meilleurs de sa génération. Ulf ne commet pratiquement aucune erreur et le commentaire de Kasparov après le 21e coup blanc est une réalité révélée par un autre génie des échecs.

Bobby Fischer sur l'échiquier

Pourtant, ce n’était pas la première fois que Fischer utilisait ce stratagème. En 1966 à l’Olympiade de la Havane, il avait joué une partie passée inaperçue mais déjà pointée du doigt par Wade et O’Connel en 1972.

Fischer en 1966

Garcia Soruco,Julio - Fischer,Robert James, Olympiad Havana (6), 31.10.1966

1.e4 c5 2.f3 d6 3.d4 cxd4 4.xd4 f6 5.c3 a6 6.c4 e6 7.b3 b5 8.a3 e7 9.e3 0-0 10.0-0 b7 11.f3 bd7 12.d2 e5 13.f2 c7 14.ac1 h8! 15.ce2 g8 16.h1 g5 17.h3 g6 18.g3 ag8

Après 18...♖ag8

19.xe6? fxe6 20.xe6 xe4 21.xe4 xe6 0-1

Le joueur bolivien Julio Garcia Soruco (1930-2020) est décédé en janvier de cette année. Il était peu connu sur le plan international et la conclusion abrupte de la partie n’avait pas attiré l’attention. Par contre la partie Fischer face à Andersson, qui lui a obtenu une 4e place du classement mondial dans ses meilleures années, influencera de manière importante et durable le système « Hérisson ». En 1982 une partie Taimanov-Jusupov (Kislovodsk) reprendra avec couleurs inversées le même schéma …h8, …g8 ,…g5, …g6, …ag8 par exemple.

Actualisation du 30 juin 2021

Comme me l’a fait remarquer un lecteur et ami, R.H. Sadeghi, le principe de l’attaque à la baïonnette joué dans la partie Fischer - Andersson n’est pas une nouveauté :

« Fiske : The First American Chess Congress New York 1857. p.267. Cette partie a été jouée dans la soirée du 10 octobre, M. Paulsen conduisait trois autres parties en même temps. Les deux combattants jouaient sans voir l'échiquier. »

Paulsen,Louis - Morphy,Paul USA–01 Paulsen blindfold sim +3–1=0 New York, 10.10.1857

1.e4 e5 2.f3 c6 3.c3 c5 4.b5 d6 5.d4 exd4 6.xd4 d7 7.xc6 bxc6 8.a4 f6 9.0–0 e7 10.e3 xe3 11.fxe3 h6 12.d3 g6 13.ae1 e5 14.e2 0–0 15.h3

Après 15.h3

15...h8! 16.d1 g5!

Staunton : « L'avancée du Pion opère ici un changement dans l'affaire qui est presque magique. »

17.f2 g8 18.d3 g4 19.xe5 dxe5 20.hxg4 xg4 21.f2 g6 22.xf7 e6 23.xc7

Après 23.♕xc7

23...xg2+!! Conduit au mat. 24.xg2 h3+ 25.f2 h2+ 26.f3 f8+ 27.f7 xf7# 0–1

Le livre de Sergey Shipov

La palme des commentateurs revient à Sergey Shipov dans « The Complete Hedgehog » traduit et publié en 2011 (Monngose Press). Le point de vue humain, les analyses, les explications, les émotions, rendent son livre très intéressant. Trop de publications récentes superficielles, minimalistes, qui s’appuient sur des analyses d’ordinateurs, ressemblent de plus en plus à un travail « alimentaire, mon cher Watson »… Il faut saluer aussi le travail monumental de Kasparov « My Great Predecessors » dont il n’existe toujours pas de traduction en français.

Georges BertolaJe tiens à remercier Gérard Demuydt pour la mise en ligne de mes articles et tous les lecteurs de leur soutien.

Fischer,Robert James - Andersson,Ulf, (partie non officielle) Siegen, 1970