En bref
Le plus grand triomphe de Paulsen (1833-1891) fut sa victoire au tournoi de Leipzig en 1877. Une ville dotée de l’une des plus vieilles universités de langue allemande et peuplée d’un peu plus de 100.000 habitants à l’époque.
Ce fut aussi l’occasion de fêter le « Jubilé du cinquantenaire échiquéen » du célèbre professeur Anderssen (1818-1859), déjà 59 ans, et qui avait appris à jouer à l’âge de neuf ans.
Voici en guise de préambule une victoire obtenue dans un schéma défensif qui se voudra universel contre n’importe quel début joué par les blancs et qui retint l’attention au siècle suivant.
« L’offensive, en tant que telle, constitue un avantage » était le credo des « classiques » et de Tarrasch notamment, qui condamnaient par principe des positions resserrées mais qui restaient potentiellement très riches en possibilités de contre-attaque. Paulsen est un précurseur qui trouvera en Nimzovich, un demi-siècle plus tard, le défenseur de cette idée.
Schurig,R - Paulsen,L
Leipzig, 1864
Défense Hippopotamus [A40]
1.d4 e6 2.♗f4 g6 3.♘f3 ♗g7 4.c3 ♘e7 5.e4 d6 6.♗d3 b6 7.♘bd2 ♗b7
Face au développement classique, soit l’occupation physique du centre, les noirs adoptent un schéma hypermoderne en le contrôlant avec les pièces.
8.h4!? h6
Pour répondre avec 9…g5 face à la poussée du pion h.
9.♕c2
La dame était sans doute mieux sur e2.
9...♘d7 10.0–0–0 d5 11.g4 c5 12.dxc5 bxc5?!
Risqué, 12…Cxc5 pour éliminer le fou de cases blanches était meilleur.
13.exd5 ♘xd5 14.♗g3?
Critique était 14.Fd6! qui immobilisait le roi noir.
14...0–0 15.g5 h5 16.♖he1 ♕a5! 17.♘e5!?
Pour s’opposer à la démolition de l’aile dame. Les noirs ont obtenu du contre-jeu comme le montre la variante 17.♔b1? ♘xc3+ 18.bxc3 ♗xf3 19.♘xf3 ♖fb8+ 20.♗xb8 ♖xb8+ 21.♔c1 ♕a3+ 22.♔d2 ♖b2–+
17...♘xe5 18.♗xe5 ♗xe5 19.♖xe5 ♕xa2
20.♗xg6!? ♘f4!
La pointe défensive car la prise du fou conduisait au désastre !
21.♗d3
Une défense à considérer, axée sur un échec perpétuel, était 21.♘b3!? ♘xg6 22.♖xe6! ♖fe8 (22...fxe6?? 23.♕xg6+ ♔h8 24.♖d7+–) 23.♖xg6+ fxg6 24.♕xg6+ ♔f8 avec un échec perpétuel car 25.♖d7? échouait après 25...♖e1+ 26.♔d2 ♕xb2+ 27.♔xe1 ♖e8+–+
21...♕a1+ 22.♘b1 ♗f3 23.♖d2 ♖fd8 24.♖e3?
Une perte de temps fatale. Critique était 24.g6 et si 24...♘xd3+? (24...fxg6 25.♗xg6 restait très compliqué.) 25.♖xd3 ♗g4 26.gxf7+ ♔f8 27.♕d2+–
24...♘xd3+ 25.♖dxd3 ♗g4 26.g6 ♗f5
Avec un clouage décisif.
27.gxf7+ ♔f8!
Après 27...♔xf7? 28.♖f3! avec des contre-chances car le roi noir restait très exposé.
28.♕d2 ♖xd3 29.♖xd3 ♔xf7 30.♕f4?!
Pour s’opposer à la poussée c5–c4 mais les noirs ont obtenu une position gagnante et vont réussir à concrétiser malgré quelques imprécisions.
30...♖g8! 31.♔c2 c4
31…Tg1! gagnait sur le champ.
32.♕xc4 ♗xd3+ 33.♕xd3 ♕a4+ 34.♔d2 ♕f4+ 35.♔e2 ♕g4+ 36.♔e1 ♕xh4 37.♘d2 ♖g1+ 38.♔e2 ♖g7 39.♘f3 ♕g4 40.♔e3 ♕f5 41.♕d4 ♔g8 42.♕d8+ ♔h7 43.c4 ♖g4 44.♕e7+ ♔h6 45.♕b7 ♕f4+ 0–1
Le tournoi débuta le 16 juillet avec douze joueurs. « Chaque concurrent a contesté une partie contre tous les autres, deux parties par jour ont été jouées. » précisait la Stratégie.
Il se termina le 21 juillet avec la victoire de Louis Paulsen qui remporta le premier prix de 400 mark et devançait deux des plus forts joueurs de l’époque, Anderssen et Zukertort (1842-1888) ex-aequo.
« M. Anderssen a dû jouer une partie contre Zukertort qu’il a gagnée et ce dernier a eu le 3ème prix. »
« A la suite d’un grand repas donné en l’honneur de M. Anderssen, il lui a été fait un magnifique cadeau. L’objet qui lui a été offert, d’un travail merveilleux, représente une colonne sur la base de laquelle sont gravées d’un côté les dates « London 1851 » « London 1862 » « Baden-Baden 1870 » et de l’autre côté la fin de la dernière jouée entre Anderssen et Staunton; cette colonne est surmontée d’une statuette représentant Caïssa offrant une couronne de lauriers. De plus l’illustre maître a reçu des coupes en argent et un nombre considérables de lettres et de télégrammes de félicitations. Aussitôt après le congrès de Leipzig, un match au premier qui remporte cinq parties a été organisé entre les vainqueurs du premier et deuxième prix. Ce match a été gagné par M. Paulsen, vainqueur de cinq parties contre trois et une nulle. » La Stratégie
Le vainqueur Louis Paulsen (1833-1891) s’était illustré lors du tournoi de New York 1857 en se classant second derrière Paul Morphy. Il avait en vain tenté d’organiser un match avec ce dernier sur sol américain avant de retourner en Allemagne en 1860. Avant le tournoi de Leipzig, il avait à son actif une victoire au tournoi de Bristol 1861 devant Kolisch, une seconde place au tournoi de Hambourg 1869 devancé par Anderssen et une victoire au tournoi de Krefeld 1871. En match il était invaincu avec notamment en 1861 Kolisch (+7 =18 -6), en 1862 Anderssen (+3 =1 -3), en 1864 Neumann (+5 =1 -3) et finalement en 1876 Anderssen (+5 =1 -4).
Voici sa victoire, dans un style classique, contre l’étoile montante du tournoi avec les commentaires de Steinitz dans « The Field ». Paulsen travaillait beaucoup les ouvertures et ses contributions sur les débuts à la mode, le gambit Evans notamment, sont nombreuses.
« Commentaires » Steinitz
Paulsen,Louis - Zukertort,Johannes Hermann
Leipzig (2), 16.07.1877
Partie des quatre Cavaliers [C48]
1.e4 e5 2.♘f3 ♘c6 3.♘c3 ♘f6
« Nous préférons ici 3…g6 parce que le fou noir est très bien placé à g7 empêchant pendant longtemps l’avance du pion d4. »
4.♗b5 ♗c5 5.0–0 d6
« Cette manière de jouer, donnant aux blancs une forte attaque, n’est pas à recommander. Morphy contre Paulsen, dans le tournoi de New York, avait adopté une manière beaucoup plus sûre. »
6.d4 exd4 7.♘xd4 ♗d7 8.♘f5
« Que les noirs prennent ou non le cavalier, leur position n’est pas enviable; cela démontre suffisamment que leur début est mauvais. »
8...0–0 9.♗g5
Jugement plus nuancé de Keres qui considérait les blancs comme légèrement mieux.
9...♗xf5
« Ce cavalier, sur le côté faible du roi, était très menaçant, et nous ne voyons rien de mieux que de le prendre pour jouer ensuite Cd4. S’ils avaient joué 9...♘e7? la partie aurait continué ainsi 10.♗xf6 gxf6 11.♘xe7+ ♕xe7 12.♘d5 ♕d8 13.♗xd7 et gagnent. »
10.exf5 ♘d4 11.♗d3
Plus précis 11.♘e4! ♘xb5 12.♘xf6+ gxf6 13.♗h6+–
11...d5
« Une nécessité désagréable, les noirs sont obligés d’empêcher le cavalier blanc de venir à e4 ou d5. »
12.♗xf6 gxf6
Un moindre mal 12...♕xf6 13.♘xd5 ♕e5 (13...♕g5 14.b4!?) 14.♘e3 ♘c6 15.♕f3 ♖fe8 16.♖fe1 (16.♘g4!?) 16...♖ad8 += GM A. Schneider
13.♘a4
« A partir de ce moment la partie est gagnée, car tous les coups des noirs sont forcés. Evidemment, il faut qu’ils défendent le fou avec la dame, car s’ils le retirent à d6 ou b6, ils perdent une pièce par 14.Dg4 et s’ils le défendent par 13…b6 14.b4 »
13...♕d6 14.♘xc5 ♕xc5 15.♕g4+ ♔h8 16.♕h4
16...♖g8
Lâche le pion sans combattre, 16...♔g7 était plus coriace même si 17.c3 ♘c6 18.♖ae1 ♖g8 19.♖e3 ♕d6 20.♖h3 ♔f8 21.♕xh7 était nettement avantageux pour les blancs.
17.♕xf6+ ♖g7 18.c3 ♘c6
Si 18...♘f3+ 19.♔h1 ♘d2 20.♖fe1 ♕xf2 21.♖e2 ♘e4 22.♕e5 ♕h4 23.♗xe4 dxe4 24.♖d1!? suivi du gain du pion e.
19.♖ae1 ♖ag8 20.♖e3
« Menaçant 21.Th3! »
20...♕d6 21.♕xd6 ♖xg2+ 22.♔h1 cxd6 23.f6 ♘e5
24.♗xh7! ♘g4
« S’ils prennent le fou, ils perdent l’échange par 25.Th3; mais comme dernière ressource, nous aurions préféré perdre l’échange qu’une liquidation qui les laissent sans espoir. »
25.♗xg8 ♘xe3 26.♗xf7 1–0
« En effet s’ils jouent 26...♖xh2+ 27.♔xh2 ♘xf1+ 28.♔g2 ♘d2 29.♗xd5 après quoi le roi blanc va, sans que l’on puisse l’empêcher, prendre le cavalier. »
Dans la partie ci-dessous Paulsen affronte Emil Schallop (1843-1919), un maître allemand qui s’était particulièrement investi dans le travail théorique de la révision de la 7ème édition du « Handbuch » de Bilguer. A cette occasion, il fut l’auteur du livre du tournoi.
Seul le jeu combinatoire au service de l’attaque de mat recevait les éloges des commentateurs et la partie ci-dessous passa plus ou moins inaperçue. Elle fut pourtant l’objet d’un sacrifice positionnel de la qualité qui permit de détruire le centre. Bien plus tard, Petrossian fit de cette arme un véritable cheval de bataille.
Schallopp,Emil - Paulsen,Louis
Leipzig (9), 20.07.1877
Défense Française [C11]
1.e4 e6 2.d4 d5 3.♘c3 ♘f6 4.e5 ♘fd7 5.♘ce2 c5 6.c3 ♘c6 7.f4 ♕b6 8.♘f3 f6 9.a3 ♗e7
Une position qui fut l’objet d’une partie décisive pour le titre mondial en 2000 opposant Anand à Shirov !
« On peut déjà distinguer les enjeux de la lutte; les blancs essayent de maintenir leur tête de pont au centre (d4–e5) alors que les noirs veulent la détruire (…f6, …c5). » Anand
10.♘g3
La partie pré-citée se poursuivit avec 10.h4 (10.b4!?) 10...0–0 11.♖h3 a5! 12.b3 ♕c7 13.♘eg1 a4? (13...b6! 14.♗e3 ♗a6 15.♗xa6 ♖xa6= Anand) 14.b4 fxe5 15.fxe5 ♘dxe5 16.dxe5 ♘xe5 17.♘xe5! ♕xe5+ 18.♕e2 ♗xh4+? 19.♔d1! et les noirs ont des compensations jugées insuffisantes pour la pièce sacrifiée selon Anand.
10...0–0 11.♗d3 cxd4 12.cxd4 fxe5 13.fxe5
13...♖xf3!
Une autre manière de détruire le centre s’est rencontrée dans la partie Kengis-Djurhuss (Gausdal 1991) après 13...♘dxe5 14.dxe5 ♘xe5 15.♗e2 (15.♘xe5?? ♕f2#) 15...♗d7 16.♘xe5? ♕f2+ 17.♔d2 ♖ac8! 18.♕b3 ♗g5+ 19.♔d3 ♖f4!! 20.♘f3 ♗e8 0–1
14.♕xf3
14.gxf3 pour consolider le pion central avec 15.f4 fut une amélioration proposée par Schallop.
14...♕xd4 15.♘e2 ♕h4+ 16.g3 ♘dxe5 17.♕e3 ♘xd3+
Semble plus fort 17…Df6! avec des complications favorables aux noirs, si 18.Tf1? Fc5 –+
18.♕xd3 ♕f6
« Les noirs ont deux pions passés liés centraux pour la qualité, et le roi blanc est mal. » Schallop
19.♖f1 ♕e5 20.♗d2 ♗d7 21.♗c3 ♕d6 22.0–0–0
« Les blancs veulent empêcher la poussée e5 mais meilleur était d’utiliser à cette fin seule la tour avec 22.Td1 et plus tard amener le roi via f2 à g2. Désormais les noirs ont la possibilité de combiner une attaque avec la paire de fous. » Schallop
22...♗e8 23.h4
« Mauvais était 23.♘f4 à cause de 23...♗g5 24.h4 ♗h6 25.♗d2 ♖c8! » Schallop
23...♖c8 24.♘d4
« Maintenait 24.Cf4 échouait à cause de 24…d4. » Schallop
24...♗g6
« La position blanche est désespérée. Si 25.Cb5 Dd7 ou 25.De2 Cxd4 26.Txd4 e5 ou encore 25.Dd2 Ca5 ou 25.Df3 Ff6. » Schallop
25.♕e3 e5 26.♘xc6 ♖xc6 27.♕xa7 d4 28.♕xb7 ♕e6 29.a4 dxc3 30.b4 h5 31.♕d7 ♗xb4 32.♕xe6+ ♖xe6 33.♖d8+ ♔h7 34.a5 ♗a3+ 35.♔d1 c2+ 36.♔d2 c1♕+ 37.♖xc1 ♗xc1+ 38.♔xc1 e4 39.♖a8 e3 40.a6 e2 41.♔d2 e1♕# 0-1
« Lorsque je regarde de vieilles parties comme celle-ci, qui sont vraiment de grands exemples sur la façon de jouer aux échecs, je me demande souvent comment jouait les meilleurs joueurs il y a 150 ans ou plus. De nos jours la littérature échiquéenne semble donner l'impression que tous les adversaires de Morphy étaient des « mazettes ! Cela n’est clairement pas le cas. Quand vous regardez les parties de Paulsen, Staunton, et Anderssen vous voyez de la grandeur! » GM Kevin Barry Spraggett
Paulsen était un aventurier et un novateur dans le domaine des ouvertures. Il avait à la fois compris Steinitz et anticipé Nimzovich !
« Vers 1860 la plupart des joueurs cherchaient une attaque directe et souvent ils obtenaient un avantage conséquent lorsqu’ils avaient le trait. Beaucoup d’analyses étaient axées sur les possibilités d’attaques du côté blanc et beaucoup d’idées de Paulsen étaient des améliorations pour les noirs. » K. Whyld
Paulsen fut le premier grand maître de la défense, il croyait aux vertus d’un solide jeu défensif, aux possibilités pour maintenir l’équilibre et que les attaques blanches présomptueuses pouvaient trouver une réfutation.
Le voici opposés à son frère aîné Wilfried Paulsen (1828-1901) dans un schéma révolutionnaire que n’aurait pas renié à nouveau les hypermodernes un demi-siècle plus tard.
Paulsen,Wilfried - Paulsen,Louis
Leipzig (7), 19.07.1877
Défense du double fianchetto [C01]
1.e4 b6 2.d4 e6 3.a3
Prophylaxie qui inspirera Petrossian, interdire l’accès de la case b4 au fou de cases noires !
3...♗b7 4.d5
Avec le but de restreindre la mobilité du fou en fianchetto.
4...g6!?
Quelque peu anti-positionnel lorsque ce coup est joué en conjonction avec e6 selon l’enseignement de Steinitz.
5.c4 ♗g7 6.♘f3 ♘e7 7.♘c3
7...♘a6
Le logique 7...0–0 8.♗e2 f5 transposait dans une partie Akesson–Plaskett (Bergsjö 1981) qui se poursuivit avec 9.exf5 ♘xf5 10.0–0 ♕e7 11.♗g5 ♕f7 12.♕c2 ♘a6 13.b4?! (13.♖ad1 Keene) 13...c5! 14.dxc6 ♗xc6! 15.♖ad1 (15.b5? ♗xf3! 16.♗xf3 ♘d4–+) 15...♖ac8 16.♘e4 ♘c7! avec des chances égales.
8.♕c2
« Les blancs auraient peut-être mieux fait de mettre immédiatement le fou sur d3, ce qui aurait permis de le retirer plus tard sur c2, sans craindre l’échange sur c3 car Louis Paulsen affectionnait particulièrement le fou du fianchetto. » Schallop
8...d6 9.b4 ♘b8
Ce genre de manœuvre sur la 8ème traverse, qui vise à redéployer le cavalier, était usuel chez Paulsen et faisait souvent l’objet de vives critiques de la part de ses contemporains. Cette provocation va s’avérer très fructueuse car incomprise.
10.♖b1 a5 11.b5?
« Cette poussée du pion n’est pas bonne car maintenant le cavalier noir va disposer de la case c5, verrouillée auparavant par la poussée b4. Meilleur était 11.Fd3. » Schallop
11...e5 12.♗d3 ♘d7 13.♕e2 ♘c5 14.♗c2 ♗c8
N’ayant plus d’avenir sur la grande diagonale, le fou cherche d’autres horizons.
15.h3 f5
Un schéma « Est indien », une curiosité au XIX siècle !
16.exf5 ♘xf5 17.g4?
Stratégiquement désastreux, les blancs affaiblissent l’aile roi après avoir, en échangeant un pion central important, facilité l’ouverture de la colonne f. Les noirs sont clairement sur le chemin de la victoire.
17...♘h4 18.♘xh4 ♕xh4 19.♗e3 0–0 20.♔d2?!
Pour mobiliser la tour de l’aile dame.
20...♗h6
Menace 21…Txf2!
21.♖bf1 ♗d7 22.♗xh6 ♕xh6+ 23.♕e3 ♕h4 24.♘e2?
24.♘e4 était plus résistant.
24...♖f7 25.♖hg1?! ♖af8 26.♖g3
Le livre du tournoi préfère 26.♖g2?? mais c’est sans compter avec 26...♖f3 qui gagne la dame.
26...♖f4?!
Séduisant mais basé sur une erreur de calcul.
27.♔c3?
Critique était 27.♘xf4! exf4 28.♕f3 ♕f6 (28...fxg3? 29.♕xf8+ ♔xf8 30.fxg3+ renversait la situation.) 29.♖gg1 et les blancs conservaient des ressources mais la position peu sûre du roi blanc offrait des compensations avantageuses pour la qualité.
27...♕f6 28.g5 ♕f7 29.f3 ♖h4 30.♖h1 ♗f5 31.♕d2 ♕g7 32.♗xf5 ♖xf5 33.♖e1 e4+ 34.♕d4 exf3 35.♕xg7+ ♔xg7 36.♘d4 f2 37.♘xf5+ gxf5 38.♖f1 ♘e4+ 39.♔d3 ♘xg3 40.♖xf2 ♔g6 41.♖f3 ♘e4 42.♖e3 ♖xh3 0–1
Confronté à un début « hypermoderne », Paulsen n’était pas à court d’idées. Son adversaire Karl Leffmann (1836-1891) était un maître venu de Cologne, avant tout un tacticien inspiré par les échecs romantiques et de son mentor Anderssen.
Paulsen,Louis - Leffmann,Karl
Leipzig (6), 19.07.1877
Défense Hollandaise [A85]
1.c4 e6 2.d4 f5 3.a3
Un coup prophylactique pour empêcher un clouage sur b4 qui est moins justifié ici et s’apparente plutôt à une perte de temps.
3...♘f6 4.♘c3 d6 5.♘f3 g6?!
« Les noirs ne traitent pas correctement cette position fermée. Le fou aurait dû être développé sur e7. » Schallopp
6.e3 ♗g7 7.♗e2 b6?!
« Ce deuxième fianchetto est inapproprié à cause de la faiblesse du pion e6. » Schallopp
8.0–0 ♗b7 9.♘g5! ♕e7 10.♗f3
10...♗xf3?
« La meilleure défense était encore 11…d5. L’attaque des blancs semble désormais irrésistible et va être conduite avec force de la part de M. Paulsen. » Schallopp
11.♕xf3 c6 12.d5
Prématuré, critique devait être 12.e4!?
12...exd5?!
Meilleur 12...♘xd5!? qui tirait profit du cavalier g5 en l’air après 13.cxd5 ♕xg5 14.♘b5 ♕e7 et les noirs ont des ressources.
13.cxd5 c5?
Abandonne la case e6.
14.♘e6 a6? 15.e4! fxe4 16.♘xe4 ♘xe4 17.♕xe4 ♗e5? 18.♗g5 1–0
Si la dame quitte la colonne e, 19.f4 décide facilement.
Voici sa partie contre le pape des échecs romantiques qui avançait masqué. Une attitude qui démontrait qu’il tenait son adversaire en très haute estime.
« Anderssen fut aussi un des rares grands champions à ne pas se faire d’ennemi. Jamais accablé par la défaite, il aimait avant tout jouer, qu’il gagne ou qu’il perde. Véritable gentleman, il est décrit comme ayant un visage massif, un sourire très doux et un regard clair et serein. » Nicolas Giffard
Anderssen,Adolf - Paulsen,Louis
Leipzig (11), 21.07.1877
Début irrégulier [A00]
1.a3
Renonçant à tirer profit de l’avantage du trait. Sur le plan psychologique c’est un choix habile car Anderssen, qui voulait éviter de jouer pour le partage du point, avait remarqué que son adversaire, considéré comme l’un des meilleurs défenseurs, avait plus de difficultés pour conduire la partie lorsqu’il avait l’initiative.
1...d5 2.e3 c5 3.♗b5+ ♗d7 4.♗xd7+ ♘xd7 5.♘f3 ♘gf6 6.c4 e6 7.cxd5 exd5 8.0–0 ♗d6 9.♘c3 0–0
« Les blancs ont un jeu très resserré. Ils doivent éviter de pousser d2–d4 car après la réplique c5–c4 le fou c1 se retrouverait complètement inactif. » Schallopp
10.♘e2?! ♖c8 11.♘e1?!
Anderssen a tenu parole en évitant de jouer pour la nulle mais il se retrouve dans une position sans contre-jeu qui peut mener rapidement à la défaite.
11...♗b8?!
Caractéristique du style de Paulsen qui jouait avec une prudence excessive, 11...♖e8 mettait la dernière pièce en jeu et si 12.f4? d4! permettait d’ouvrir la position avec un avantage décisif.
12.f4 ♘b6 13.b3 d4!?
Sinon après 14.Fb2 les blancs obtenaient une position jouable assez similaire à l’ouverture Bird.
14.♕c2?!
« La dame n’a pas d’autres cases et les blancs ne veulent pas permettre l’échange des dames. » Schallopp
14...♖e8 15.♖f3 h6
Paulsen alterne les coups défensifs et offensifs et réduit ainsi le potentiel de son attaque, ce qui donne raison au jugement porté par son adversaire. Logique était 15…Cbd5 qui accentuait la pression sur la colonne e.
16.♘d3?! c4! 17.bxc4 ♘xc4 18.♕b3 dxe3 19.dxe3 ♘g4 20.♘f2 ♘xf2 21.♔xf2 ♕h4+ 22.♔f1
22...♕xh2??
« Paulsen a manœuvré pour obtenir un net avantage positionnel avec attaque. Ici 22...♖e6 avec comme menace 23…Tb6 et si 23.♕xb7 ♖d8 24.♘c3 (24.♕b3!? résiste. Georges Bertola) 24...♖ed6 25.♕b3 ♖d2! gagnait rapidement. » Schallopp.
Le tactique 22...♗c7! 23.♖h3 (23.♕xc4 ♗a5!) 23...♕f6 suivi de 24…Fb6 était très fort.
23.♖h3!
Avec gain de la dame !
23...♕xh3 24.gxh3 b6 25.♖a2 ♗d6 26.♔f2 ♗c5 27.♖c2 ♘d6 28.♘g3 ♖e7 29.♕d3 ♖ec7 30.♔f3 b5 31.♘f5 ♘xf5 32.♕xf5 a5 33.♗b2 b4 34.axb4 axb4 35.♗d4 g6 36.♕d5 b3 37.♕xb3 1–0
A la fin du tournoi, un match opposa, toujours à Leipzig, Paulsen à Anderssen.
Anderssen,Adolf - Paulsen,Louis
Leipzig m (2), 24.07.1877
Défense Sicilienne [B45]
1.e4 c5 2.♘f3 e6 3.♘c3 ♘c6 4.d4 cxd4 5.♘xd4 ♘f6 6.♗e3
Ce coup vise à une rapide mobilisation des pièces mais s’est révélé inoffensif à l’usage.
Aujourd’hui le positionnel 6.♘db5 qui cherche à exploiter la faiblesse des cases noires, conduit à un léger avantage dans la variante principale qui se poursuit avec 6...♗b4 7.a3 ♗xc3+ 8.♘xc3 d5 9.exd5 exd5 10.♗d3 vec un avantage structurel et la paire de fous.
6...♗b4 7.♗d3 d5 8.exd5 ♘xd5
« Les noirs ont réussi à éviter l’habituel pion d isolé mais se retrouve avec un fou de cases blanches mal placé. Les blancs ont obtenu un jeu plus libre. » Schallop
9.♘xc6 bxc6 10.♗d2 ♘xc3 11.bxc3 ♗d6 12.0–0 0–0 13.f4
Quelque peu anti-positionnel car ceci restreint l’activité du fou. Attaquer avec les pièces semble un plan plus intéressant après 13.♕h5 g6 14.♕h6 ♕c7 15.♖ae1 c5 16.♖e4 ♗b7 17.♖h4 f5 18.♖e1 ♖fe8 et la défense est solide.
13...♗c5+ 14.♔h1 g6 15.♖f3 ♕f6 16.♕e2 ♗b7 17.♖af1
Meilleur 17.Tb1!? Gottschall
17...♖fe8 18.♖g3 ♗f8
Les noirs ont une position solide, la meilleure structure et des pièces bien coordonnées.
19.♗e4
S’oppose au contrôle de la grande diagonale a8–h1, les blancs ont perdu l’initiative et l’attaque s’est estompée.
19...a5 20.c4 ♕e7 21.♖b1
« Les blancs auraient dû mettre plus tôt cette tour sur b1, l’autre tour aussi n’est pas à sa place sur g3. » Schallop
21...f5?!
Selon Rellstab plus solide était 21...♖ec8 et si 22.♖gb3 ♗a6 =
22.♗f3?
Meilleur 22.♖gb3! fxe4 (22...♖a7? 23.♗e3; ou 22...♖ab8? 23.♗xc6) 23.♖xb7 ♕d6 jugé égal par Schallop mais 24.♗c3! (Gottschall) met les noirs en difficultés. 24...♖ab8 (24...♕xf4 25.♖f1+–) 25.♖xb8 ♖xb8 26.♖xb8 ♕xb8 27.♕xe4 ♕b1+ 28.♕e1 avec un pion de plus et la meilleure position.
22...♗g7!
Les noirs reprennent le contrôle de la position.
23.♕e3 e5! 24.c5 exf4 25.♕xf4 ♕f7 26.♖h3?
« Si les blancs protègent le pion avec 26.♕a4 les noirs obtiennent une bonne position avec 26...♖ed8 » Schallop
a) Rellstab a indiqué 26...♕d7!? 27.♗f4! avec des chances égales. (27.♖d1?? ♕xd2!–+) ;
b) 26...♖ad8! semble plus prometteur si 27.♗xa5 (27.♕xa5 ♕c4!) 27...♖a8 28.♕b4 ♕xa2 29.♕xb7 ♕xa5–+ avec la menace 30.Te1.
26...♕xa2 27.♖c1 ♕f7?!
« Une expédition réussie. » Gottschall Pourtant 27...a4! 28.♕h4 h5 était la suite attendue et si 29.♗xh5 ♕f7! (risqué 29...gxh5 30.♕xh5 ♕e6 31.♕h7+ ♔f8 32.♖g3 ♖e7 33.♖xg7! ♖xg7 34.♗h6 ♕e5 35.♖d1! avec d’excellentes chances pour obtenir un échec perpétuel, si 35...♖e8 36.♕h8+ ♔f7 37.♖d7+ récupère le matériel.) 30.♗f3 a3 31.♕h7+ ♔f8 32.♗h6 ♕f6–+ et le pion est le garant de la victoire.
28.♕a4 ♕d7 29.♕c4+ ♔h8 30.♗g5?
Attendu était 30.♕h4!? et les noirs pouvaient encore se tromper par exemple 30...♗b2?! (30...♗e5!?) 31.♖b1 ♗e5 32.♖xb7? ♕xb7 33.♗xc6 etc.
30...a4 31.♗e2? ♗b2?!
« Mais pas 31...♗a6 à cause de 32.♕h4 qui offrait encore une chance aux blancs. » Schallopp.
31...♖e4! qui coupait la dame de l’aile roi était décisif après 32.♕d3 ♕e8 33.♗f1 a3–+
32.♖b1 ♗a6 33.♕a2 ♗g7 34.♗xa6 ♖xa6 35.♖d3 ♕c7 36.g3 ♖aa8 37.♖bd1 ♕e5 38.♖d7 a3 39.♖1d3? ♕e1+ 0–1
Paulsen s’imposa avec 5 victoires pour 3 défaites et une nulle.
« Son style convenait mieux aux matchs qu’aux tournois. Il en joua treize sans en perdre un. Il mit à son tableau de chasse Kolisch, Blackburne, Max Lange, Neumann, Anderssen (en fin de carrière) et Schwarz. » Jacques Le Monnier
« Cependant, ce qui distinguait principalement Herr Paulsen, c’est qu’il n’était qu’un amateur et les échecs seulement son passetemps favori. On peut raisonnablement supposer que s’il avait consacré sa vie exclusivement aux échecs, comme beaucoup de nos maîtres, pas un maître vivant n’aurait pu lui être comparé. » L. Hoffer (The Chess Monthly juin 1890)
Je tiens à remercier Gérard Demuydt pour son aide régulière dans la mise en ligne de mes articles et le Musée du Jeu de La Tour-de-Peilz pour m’avoir permis de consulter l’importante bibliothèque de feu Ken Whyld. www.museedujeu.ch
Georges Bertola