Les Prodiges de Morphy à Fischer

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En bref

Leurs rêves n’ont pas de limite. Ils ont un talent hors du commun et nul ne peut l’expliquer. Certains seront sacrés champions du monde, d’autres non. — Extrait de l'article de Georges Bertola publié dans la revue Europe-Echecs numéro 729 du mois de mars 2022.

La liste est longue, majestueuse. Tant de ces jeunes talents furent des étoiles filantes. Tous ont illuminé le jeu. On les admire, mais nul ne comprend ou ne sait d’où ils « sortent ». Qu’est-ce qu’un prodige ? Lorsque le génial Mikhaïl Tal avait été sacré champion d’URSS en 1957, à 20 ans, l’exploit était considéré comme fantastique. Il avait devancé Kérès, Bronstein et le jeune Spassky, un autre talent pur. Le « Magicien de Riga » était le 1er prodige soviétique.

Chez les femmes, le phénomène est plus récent. Alexandra Kosteniuk, la « Reine des Echecs », avait été titrée GMI à 16 ans. Sa trajectoire s’inscrivait dans la lignée de Judit Polgar. La jeune étoile hongroise avait bénéficié d’un environnement familial extraordinaire. La cadette des sœurs Polgar s’éleva jusqu’au 8e rang mondial (mixte) en juillet 2005 avec un classement Elo à 2735. Ses sœurs avaient réalisé des performances phénoménales. Susan était devenue n°1 mondiale (Fém.) à 15 ans, avant d’être sacrée 8e championne du monde en 1996. Sofia avait réalisé une performance à 2735 à Rome, en 1989, à 14 ans. À la maison, à Budapest, l’un des « invités habituels » de la famille Polgar était Bobby Fischer. À 15 ans, le génie de Brooklyn s’était qualifié pour le Tournoi des Candidats. Il sera sacré champion du monde en 1972. En 2021, Alireza Firouzja s’est inscrit dans les traces du 11e champion du monde en se qualifiant pour les Candidats à 18 ans.

Samuel Reshevsky n’est jamais devenu champion du monde, mais Yifan Hou s’est parée de la couronne à 16 ans. À 20 ans, Gioachino Greco avait déjà accompli un parcours extraordinaire en battant « tous les meilleurs d’Europe ». Philidor avait appris le jeu en observant ses aînés du chœur de la Chapelle Royale de Versailles. À 16 ans, il avait vaincu tous ses rivaux du Café de la Régence. Deux siècles et demi plus tard, le jeune Kasparov comprit les règles en observant ses parents résoudre les problèmes publiés dans les journaux de l’époque, à Bakou. Sa trajectoire fut lumineuse et héroïque. À 22 ans, Garry Kasparov devint le plus jeune champion du monde de l’histoire. Comme Paul Morphy, « l’Ogre de Bakou » était un autodidacte. Son élève fut Magnus Carlsen. À 13 ans, le Norvégien était déjà le chef de file des « nouveaux prodiges ». Il est né en 1990, comme Karjakin, MVL et son ex-Challenger Nepomniachtchi.

Les échecs sont un objet d’amusement sérieux, dans lequel je me suis fait quelque réputation et qui, présentant au génie, à chaque instant, la complication d’un nouveau problème à résoudre, ne laisse pas, même aux esprits ordinaires, le mérite d’en soupçonner la profondeur et l’étendue. François-André Danican Philidor, 1er prodige français de l’histoire, auteur de L’Analyze des Echecs à 23 ans, en 1749. Jean Michel Péchiné

Paul Morphy (1837-1884)

La Nouvelle-Orléans, le 28 octobre 1849. Le jeune Paul Morphy est assis à l’échiquier face à celui qui est considéré comme le plus fort joueur de la ville. Eugène Rousseau (1805-1870) d’origine française était très expérimenté et avait disputé un match contre l’Anglais Charles Henri Stanley (1819-1901) qu’il avait perdu. Ce qui permit à Stanley d’être considéré comme le premier champion américain.

« Le père de Morphy, avec son oncle Ernest, fut le premier qui lui montra les échecs. A dix ans, il égala vite ses professeurs, et à douze ans il les avait surpassés et se mesurait avec avantage contre des adversaires émérites, tel que Rousseau et Lowenthal. » Pierre Charles Fournier de Saint-Amant en 1859

P. Morphy – E. Rousseau, Partie Italienne [C50], La Nouvelle-Orléans 1849

1.e4 e5 2.f3 c6 3.c4 f5?!

Le gambit Rousseau peu recommandable car l’ouverture de la diagonale a2-g8 va poser des problèmes.

4.d3 f6 5.0-0

Roquer rapidement et développer les pièces sur des cases qui accentuent leur mobilité était le credo de Morphy.

5…d6?!

Plus actif est 5…c5, mais les Noirs n’obtiennent pas l’égalisation, par exemple 6.c3 d6 7.g5 a5 8.xf6 xf6 9.d5 d8 10.b4 xc4 11.bxc5 fxe4 12.dxc4 exf3 13.xf3 c6 14.c3 f6 15.e4 avec avantage blanc.

6.g5

« Bon coup d’attaque », commentait Kieseritzky dans la revue « La Régence » en 1851.

6…d5

Sinon, le Roi est déroqué !

7.exd5 xd5?

Morphy – Rousseau, 7...xd5?

La position présente beaucoup d’analogie avec la défense des deux Cavaliers, si ce n’est que le pion noir sur f5 et le Roi blanc qui a déjà roqué apportent un avantage déjà décisif.

8.c3 ce7

Si 8…xc3 9.bxc3 et il n’y a rien de convaincant à opposer à 10…f7.

9.f3!?

Plus fort était de poursuivre la mobilisation des pièces avec 9.e1 d6 10.b5 f6 11.f3, selon le principe qu’affectionnait Morphy : « Aidez vos pièces, elles vous aideront ! »

9…c6 10.ce4!?

Morphy – Rousseau, 10.ce4

Kiesieritzky : « Coup magnifique, profondément calculé. »

La vision romantique, qui prévalait à l’époque. Plus efficace est 10.e1.

10…fxe4?

Relever le gant dans un esprit chevaleresque en méprisant le jeu défensif était habituel, mais Kieseritzky remarquait : « La prise du Cavalier nous parait fort dangereuse, il aurait peut-être mieux valu jouer 10…c7. »

11.f7+ e6 12.e6+ c7

Kieseritzky : « En revenant avec le Roi à sa case (en e8), les Noirs s’exposaient à un autre danger : 13.f7+ e6 14.dxe4 et les Blancs regagnaient la pièce perdue, gardant la position supérieure. »

13.e5+

Morphy – Rousseau, 13.e5+

13…d6

Plus compliqué 13…b6 14.dxe4 c7 15.xc7+ qui ne permet pas de sauver la pièce après 15…xc7 16.e3+ c5 (16…a5 17.f7 g8 18.a4 avec la menace 19.c3 suivi de 20.b4 mat) 17.f7 g8 18.b4 g6 19.f4 et les Blancs ont 2 pions pour la pièce et le Roi noir reste très exposé avec des pièces mal coordonnées.

14.xd6+ xd6 15.xf7+ e6 16.xh8 exd3 17.cxd3 f6 18.b4 e6 19.e1

Les Blancs ont la qualité et un pion de plus, des pièces actives face à un Roi noir presque sans défense.

19…g8? 20.b2+ g5 21.e5+ h6 22.c1+ g5

Morphy – Rousseau, 22...g5

23.xg5 Abandon. 1-0

Jean Préti publia un recueil des meilleures parties de Morphy en 1859. Saint-Amant précisa : « La première partie est celle-là même qui fut jouée en 1849. C’est une de celles où Paul Morphy, à peine âgé de 12 ans, mettait Eugène Rousseau en déroute et lui faisait abandonner les échecs : gloire et malheur à la fois. Il y a cependant ici une lacune frappante. De 1849, on saute à 1857, 8 ans dans la carrière d’un si jeune amateur sont un siècle, mais il est à remarquer que Morphy n’est pas né seulement joueur d’échecs. De 13 à 19 ans, il a fait des études sérieuses. »

1re biographie de Paul Morphy

Un autodidacte inspiré

Ernest Morphy envoya cette partie à Kieseritzky accompagnée d’une lettre : « Je vous envoie ci-jointe une partie d’échecs jouée par M. Rousseau et le jeune Paul Morphy, mon neveu, âgé seulement de douze ans. Cet enfant n’a jamais ouvert un traité d’Echecs. Il a appris le jeu de lui-même, en suivant les parties jouées entre les membres de sa famille. Dans les débuts, il joue les coups justes, comme par inspiration, et l’on est étonné de la précision de ses calculs dans le milieu et fin de partie. Assis devant l’échiquier, nulle agitation ne se révèle sur son visage, comme dans les positions les plus critiques. Dans ces cas, il siffle ordinairement un air entre ses dents et cherche avec patience la combinaison qui doit le tirer d’embarras. Aussi, fait-il trois ou quatre parties assez ardues chaque dimanche (seul jour où son père lui permette de jouer) sans éprouver la moindre fatigue. »

La trajectoire d’une étoile filante

Morphy remporta le tournoi de New York 1857, son unique victoire en tournoi, à l’âge de 20 ans. Il terrassa tous ses adversaires, notamment le célèbre prussien Adolf Anderssen à Paris, après un passage fulgurant en Europe entre 1858 et 1859. Il cessa pratiquement de jouer dès son retour en Amérique, alors qu’il était considéré comme le meilleur joueur du monde. Morphy s’était toujours refusé à être considéré comme un joueur professionnel. En 1859, il déclara : « Les échecs n’ont jamais été et ne pourront jamais être autre chose qu’un divertissement. Ils ne devraient pas devenir une habitude au détriment d’autres occupations plus sérieuses. Ils ne devraient pas accaparer l’esprit ou absorber exclusivement les pensées de ceux qui s’y adonnent, mais devraient rester en marge et contenus dans le domaine qui leur est propre. Comme simple jeu ou détente par rapport aux difficiles conditions de la vie, ils méritent qu’on les recommande vivement. »

Samuel Reshevsky (1911–1992)

Le plus célèbre des enfants prodiges du début du 20e siècle, Samuel Reshevsky, avait eu un parcours tout autre. Né le 26 novembre 1911 à Ozorkow, une petite ville polonaise à proximité de Lodz, Samuel Reshevsky, d’origine juive, apprit à jouer aux échecs avant de connaître l’alphabet. De nombreuses photos le montre en culotte courte affrontant des adultes expérimentés en simultanée. En 1917 le petit Sammy se rendit au club d’échecs de Varsovie et fit très forte impression. Après avoir disputé une partie contre le grand Akiba Rubinstein (1882-1961), qu’il perdit logiquement, ce dernier lui prédit : « Un jour tu seras champion du monde. »

Samuel Reshevsky (1911–1992)

En simultanée face à Max Euwe

A peine âgé de huit ans, Reshevsky était capable de jouer des parties dont le jeu puissant le fit entrer dans la catégorie des enfants prodiges. Très rapidement, ses parents utilisèrent ce don pour l’exhiber dans des tournées, notamment dans les empires centraux et l’Europe de l’Ouest. Le champion du monde Max Euwe (1901-1981) témoigna : « En 1919, Reshevsky a joué plusieurs séances de simultanées en Hollande. Dans l’une d’elles, j’étais alors âgé de dix-huit ans, je fus le seul de ses huit adversaires en mesure de partager le point. Ceci provoqua une grande sensation. »

A l’aveugle face à Griffith

La rencontre suivante est tirée d’une exhibition où le jeune Reshevsky, 9 ans, et son adversaire jouaient à l’aveugle. Richard Clewin Griffith (1872-1955) avait été champion d’Angleterre en 1912 et l’un des contributeurs de la première édition du « Modern Chess Opening ».

« Comme j'étais complètement ignorant des livres sur les ouvertures, je suppose que j'aurais dû être impressionné par les connaissances de Griffith sur le sujet, mais j'étais trop jeune pour être troublé par de telles questions. » Samuel Reshevsky

Samuel Reshevsky commente

S. Reshevsky – R. C. Griffith, Partie Espagnole [C67] Londres 1920 – Partie à l’aveugle

1.e4 e5 2.f3 c6 3.b5 f6 4.0-0 xe4

Reshevsky – Griffith, 4...xe4

Au moment où cette partie a été jouée, la défense Berlinoise avait pratiquement disparu des échecs sérieux. Elle crée fréquemment des faiblesses irrémédiables et les positions ouvertes qui caractérisent cette défense sont souvent favorables au développement d'une attaque prometteuse des Blancs. 

5.d4 e7 6.e1

Je ne savais pas que l’alternative la plus forte 6.e2 était le coup théorique.

6…d6 7.xc6 bxc6 8.dxe5 b7 9.c3 0-0 10.d4

Un bon coup qui a plusieurs fonctions utiles. Il prévient l’avance du pion d7, il rend possible la poussée f4 et dans certains cas les Blancs peuvent jouer avantageusement f5.

10…c5 11.f4 e6 12.e3

Sans doute préférable est 12.xe6 fxe6 qui laisserait les Noirs avec une mauvaise structure de pions, mais leur donnerait plus de liberté qu'après le coup de la partie.

12…xd4 13.xd4 d5 14.f3

Reshevsky – Griffith, 14.f3

Aujourd'hui, je serais fortement tenté d'adopter le simple plan positionnel pour le contrôle et l'occupation de la case vitale c5. 

14…f5

Ce coup semble nécessaire pour stopper l’avance du pion « f » des Blancs. Mais pas 14…c5? 15.xd5 cxd4 16.xe7+ xe7 17.xa8.

15.g4!

La continuation la plus entreprenante. La perte d’un pion n’est que temporaire.

15…xc2 16.ac1 c5

16…e4 17.xe4 dxe4 18.xe4 suivi de la perte d’un pion est également peu prometteur pour les Noirs.

17.xc2 cxd4 18.xd5 c5 19.f5

Reshevsky – Griffith, 19.f5

19…g5

Les Blancs menaçaient 20.f6 gxf6 21.exf6 d6 22.f5 h8 23.e7 e8 24.g5 gagnant la qualité. Si 19…f6 20.exf6 gagne facilement. On peut se demander si 19…e8 aurait été mieux, par exemple 20.f6 f8 21.fxg7 xg7 22.xc5 et les Noirs ne peuvent capturer le pion « e » :

A) si 22…xe5? 23.xe5 xe5 24.e7+ gagne ;

B) ou 22…xe5? 23.xe5? (23. c7!) 23…xe5 24.f6+ 24…g7? 25.xe5 xf6 26.f5.

Pourtant, cette dernière variante permet 24…xf6! 25.xf6 xc5 26.xd4 c2 et les Noirs résistent - Georges Bertola.

20.xc5 c8 21.xc8 xc8 22.f6! 22…e8

Perd du matériel. Toutefois, 22…d7 23.h4! gagne après 23…xh4 (23…d2 24.e7+ h8 25.fxg7 xg7 26.f6 mat ; ou 23…e3+ 24.xe3!) 24.e7+ h8 25.fxg7+ xg7 26.f5+. 22…d8 n'aurait pas non plus beaucoup de valeur car les Blancs pourraient simplement gagner le pion Dame, si rien de mieux n'était possible. 

23.e7+ xe7 24.fxe7 xe7 25.f1

Reshevsky – Griffith, 25.f1

Malgré les échanges ; les Blancs ont toujours une forte attaque.

25…e8

Si 25…f6 26.exf6 gxf6 (26…xf6 27.g5!) 27.g5! gagne.    

26.d5! d8

Permet une manœuvre simplificatrice décisive. Sur les autres coups, cependant, la poussée e6 gagnerait très rapidement.

27.xf7 xf7 28.xd8+ f8 29.xf8+ xf8

Reshevsky – Griffith, 29...xf8

La majorité de pions sur l’aile-Dame est décisive. 30.f2 Abandon. 1-0

En 1920, Reshevsky émigra avec sa famille aux Etats-Unis et, pendant deux ans, il poursuivit ce genre de pérégrinations qui fascinaient les foules et permirent à sa famille de vivre dans une relative aisance. Edward Lasker (1885-1981) avait payé 1600 dollars pour 4 séances de simultanées et une partie à la pendule et fut complètement épaté par la prestation du jeune prodige. Il lui fallut près de 70 coups pour remporter le duel. Furieux, le jeune Sammy s’exclama : « Ceci est la dernière partie que vous pourrez gagner contre moi ! »

Une scolarisation forcée

Toutefois, ce genre de spectacle fut assimilé à de l’exploitation du travail d’un enfant et, en 1924, un tuteur imposa une scolarisation conforme à celle de tout enfant de son âge. Pour la première fois de sa vie, Reshevsky fut contraint de s’asseoir sur les bancs d’école.

De Gromer à Fischer

En France à la même époque, le jeune Aristide Gromer (1908-1966) fit forte impression en donnant des simultanées à l’âge de 13 ans. Il remporta trois titres de champion de France, sans toutefois s’imposer sur le plan international. Parmi les champions du monde qualifiés d’enfants prodiges citons Capablanca (1888-1942), Spassky (né en 1937) et Fischer (1943-2008) sacré grand-maître à 15 ans, le record à l’époque, mais tous baignaient dans une atmosphère et des lieux propices au développement de leur talent aux échecs.

Arturo Pomar Salamanca, le prodige de Majorque

Un cas particulier fut le jeune espagnol Arturo Pomar (1931-2016) qui joua son premier championnat d’Espagne à 10 ans et reçut des leçons particulières du champion du monde Alekhine. Malgré des débuts très prometteurs, Pomar n’atteindra jamais le niveau d’un candidat au titre mondial.

« Pomar, comme Capablanca, comme Reshevsky, inspiré par Morphy, joue aux échecs parce qu’existe en lui une prédisposition essentielle » in La Presse Espagnole 1945. Une affirmation qui pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponse.

Henrique Mecking en 1964

Henrique Mecking (né en 1952)

Plus intéressant est le cas d’Henrique Mecking qui devint champion du Brésil à 13 ans. Il y avait déjà eu un précédent avec le prodige chilien Rodriguo Flores (1913-2007) qui fut 11 fois champion de son pays ! C’était son père (un ancien élève de la Sorbonne à Paris) qui lui avait appris le jeu et, à partir de 1924, Flores se fit remarquer et fut même invité à Buenos Aires pour assister au match Capablanca-Alekhine en 1927.

« En remportant le tournoi le plus important du Brésil, Mecking est devenu la révélation de l'année et un espoir sensationnel pour les échecs mondiaux. Nous espérons donc que dans l'avenir, il pourra également se démarquer sur le plan international. Le nouveau champion pratique un jeu de position subtil, très correct, qui nous rappelle le style du grand Capablanca. Il sait trouver des positions équilibrées avec des lignes claires, mettant l'adversaire en difficulté constante, sans montrer des lacunes dans son propre jeu. » De Witte

H. Mecking – E. Cotta, Ouverture Anglaise [A39] Rio de Janeiro 1965 – Championnat du Brésil (ronde 19)

1.g3 g6 2.g2 g7 3.c4 c5 4.c3 c6 5.f3 f6 6.0-0 0-0 7.d4

Mecking – Cotta, 7.d4

Une position symétrique où les Blancs peuvent lutter avantageusement pour l’initiative.

7…cxd4 8.xd4 b6

Ce coup a l’inconvénient d’exposer la Dame noire à l’action des pièces mineures.

9.db5 a6 10.a4 a5 11.d2

Mecking – Cotta, 11.d2

11…d8 12.bc3 b8 13.c5 d6 14.cxd6 xd6 15.e3 xd1 16.axd1 f5 17.c5

Mecking – Cotta, 17.c5

Malgré la structure symétrique, les pièces blanches mieux coordonnées assurent l’initiative avec la menace en filigrane xa6.

17…fc8 18.h3 h5 19.g5 h7 20.f4 e5

Les Noirs jouent énergiquement pour la conquête du centre mais, en réalité, ils ont affaibli les cases noires d6 et f6.

21.c1 f6 22.e4 f8?! 23.e3

Méritait considération l’opportunité d’affaiblir l’aile-Roi avec 23.exf5!? xc5 24.fxg6 fxg6 25.e4 xe4 26.xe4 avec l’initiative et la meilleure structure.

23…xc5

Les Noirs cèdent la paire de Fous pour éviter de compromettre la structure de pions.

24.xc5 e6 25.d5! d7

Si 25…e8 26.b6 permettait aux Blancs de conforter leur domination positionnelle.

26.d6 a8 27.c7 a7 28.xe6 fxe6 29.f4!

Mecking – Cotta, 29.f4!

Exploite la désorganisation des pièces noires sur l’aile-Dame pour initier une attaque sur l’aile-Roi.

29…exf4 30.gxf4 e5 31.h4!

Libère la case h3 pour permettre au Fou de cases blanches d’intervenir dans l’attaque.

31…e8 32.f5!? f6?!

Les Noirs sacrifient un pion pour installer un Cavalier sur l’aile-Roi et ralentir l’attaque.

33.fxg6 g4 34.f7

Irruption de la Tour sur la 7e rangée selon les principes, mais 34.f5! qui gagnait un 2e pion n’était pas mal non plus.

34…d4?!

Plus résistant 34…e6 35.c5 a8 36.xb7 xg6 etc.

35.c5 e2+?!

L’illusion d’une contre-attaque, car libérer le passage pour la Tour blanche est sans espoir pour les Noirs.

36.f1 g3+? 37.e1 a8

Mecking – Cotta, 37...aa8

Un véritable écrasement positionnel ! 38.dd7 Abandon. 1-0

Le GMI argentin Oscar Panno déclara : « Mecking est un phénomène qui ne se rencontre que de temps en temps dans le monde des échecs. Il a largement surpassé tous les joueurs de son pays et est clairement un autodidacte. Il a le talent et la ténacité. Il doit étudier les ouvertures pour que ses qualités portent leurs fruits. Son désavantage est le manque de rivaux en Amérique latine. » Mecking réussit toutefois à devenir un candidat, avant que ses problèmes de santé ne l’obligent à mettre un terme à sa carrière.

Shakhriyar Mamedyarov

Les prodiges du 21e siècle vus par Mamedyarov

Depuis, les paramètres ont complètement changé. Internet et les ordinateurs ont facilité l’arrivée de prodiges sur le devant de la scène, chaque année, aux quatre coins de la planète. Pourtant, beaucoup d’entre eux ne rencontrent qu’un succès éphémère car la route qui conduit à la conquête du titre est très longue et parsemée d’embûches.

La précocité n’est pas le garant du succès, comme me l’a rappelé Shakhriyar Mamedyarov, en 2018 : « Lorsque j’avais 14 ou 15 ans, j’ai commencé à jouer dans les opens avec un Elo entre 2000 et 2100. Le génie aux échecs, pour moi, c’est différent. Aronian à l’âge de 18 ou 19 ans n’était pas dans le Top 100 du classement mondial. Trop de jeunes débutent très fort, mais ce n’est pas aussi simple et ce n'est pas trop important de remporter de grands succès si jeune. Ce qui est important, c’est de progresser en travaillant beaucoup, jouer souvent, essayer de trouver son style. »

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