Le tournoi de Paris 1878

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Joseph Henry Blackburne, Szymon Winawer et Johannes Hermann Zukertort

En bref

Le 31 juillet Zukertort remporta le 1er prix, deux vases de Sèvres d’une valeur de 5800 Fr et 1000 Fr en espèces. Un vase de Sèvres de 1800 Fr et 500 Fr en espèces pour l’autre finaliste Winawer. Par Georges Bertola.
Exposition universelle de Paris 1878

La 3e exposition universelle de Paris est inaugurée le premier mai. La IIIe République a succédé au Second Empire sous la présidence du Maréchal Mac-Mahon. Pour l’occasion fut construit le Palais du Trocadéro et l’exposition accueillera plus de 16 millions de visiteurs impressionnés par l’immense et spectaculaire galerie des Machines. Paris est déjà la « grande ville du luxe et de l’élégance raffinée ».

Le deuxième grand tournoi d’échecs sur sol français se déroule en parallèle au Palais de l’Industrie inauguré par Napoléon III lors de la première exposition de 1855.

Palais de l’Industrie

Il débute le 18 juin présenté dans la Stratégie comme : « Cette lutte est sans comparaison la plus complète et la plus brillante qui ait encore lieu dans le monde échiquéen. » Le président du comité d’organisation était le général de brigade et sénateur, le Marquis d’Andigné, et les principaux responsables le secrétaire Camille Morel et son frère Hercule.

Le Marquis d’Andigné

Plusieurs améliorations avaient été introduites comme le remarquait Steinitz (1836-1900) dans « The Field » : « Les règlements du Congrès International d’Echecs Parisien constituent une grande amélioration sur ceux des précédents tournois du continent. Le mode de jouer du Congrès de Paris de 1867, où les parties gagnées furent seulement comptées, tandis que les parties remises eurent la même valeur que les parties perdues dans le total de chaque concurrent, aussi bien que le système compliqué et peu satisfaisant des matchs adopté au tournoi de Vienne, ont été justement abandonnés. L’augmentation de la limite du temps à 15 coups par heure aura aussi l’approbation de la grande majorité des joueurs ; d’autre part, la règle qui établit que quatre parties seulement doivent être jouées par semaine protège les concurrents contre tout excès de fatigue. En somme, le programme est très libéral et a été rédigé avec le plus grand égard pour ce qui est juste. »

Le livre du tournoi de Paris 1878

Voici quelques points instructifs du règlement :

- Les parties devront commencer à midi très précis. A partir de quatre heures, chaque joueur peut réclamer un repos d’une heure. A neuf heures, nouveau repos d’une heure ; on recommencera à dix heures au plus tard, jusqu’à minuit. Lors des interruptions des séances, celui qui aura à jouer le dernier devra remettre son coup écrit et signé sous enveloppe à un membre de comité.

- Tout retard de moins de deux heures sera compté au concurrent comme s’il jouait. Au-delà de deux heures, il sera considéré comme abandonnant la partie.

- Il est bien entendu que chaque concurrent s’engage sur l’honneur à jouer de toute sa force et à ne faire ni analyse, ni consultation pendant l’interruption des séances.

Steinitz malgré ses éloges dédaignera l’invitation même si sa présence en tant que journaliste est signalée lors de la cérémonie d’ouverture. Un autre grand absent est Louis Paulsen (1833-1891) qui n’a pu obtenir un congé assez long pour se libérer.

Emil Schallopp
Les participants du tournoi de Paris 1878. Assis de gauche à droite : Anderssen, Zukertort, Bird, Steinitz (présent comme journaliste) Clerc. Debout de gauche à droite : Englisch, Gifford, Rosenthal, Winawer et Mason.

Sont présents : Adolf Anderssen (1818-1879) et Carl Pitschel (1829-1883) pour L’Allemagne, Bertold Englisch (1851-1897) pour l’Autriche, Henri Edward Bird (1830-1908), Joseph Henry Blackburne (1841-1924), Henri William B. Gifford (1847-1924) et Johannes Hermann Zukertort (1842.1888) pour l’Angleterre, Albert Clerc (1830-1918) et Samuel Rosenthal (1837-1902) pour la France, Szymon Winawer (1838-1919) pour la Russie et, pour la première fois deux représentants des Etats-Unis, George Henry MacKenzie (1837-1891) et James Mason (1849-1905), participent à un tournoi européen.

Les deux joueurs représentants la France

Albert Clerc
Samuel Rosenthal

Très rapidement le héros du tournoi de 1867, Winawer, s’imposa comme un favori potentiel. Il débuta avec deux victoires contre l’Anglais Bird. « Ce dernier souffrait d’une violente attaque de goutte et on est presque obligé de le transporter. » précisait « La Stratégie ».

Szymon Winawer
Henri Edward Bird

Winawer,Szymon - Bird,Henry Edward, Paris (1), 18.06.1878

1.e4 e5 2.f3 c6 3.b5 d4 4.xd4 exd4 5.0–0 h5

« Cette attaque est l’invention de M. Bird, qui en a donné une analyse dans son ouvrage Chess Opening ». La Stratégie

6.d3

Il est intéressant de constater que Morozevich tenta de raviver cette variante, la partie se poursuivit avec 6.c3!? c5 7.cxd4 xd4 8.c3 c6 9.c4 f6 10.e2 b6 11.e5 += Leko-Morozevich (Moscou 2002) 11...e4!?

6...c5 7.h3?!

Fragilise l’aile roi, le coup de développement 7.Cd2 est sans doute plus précis.

7...c6 8.c4 d5 9.exd5 cxd5 10.b5+ f8!?

« Un coup essentiel pour la défense de M. Bird. » Westminster Chess Paper

11.a4

« Nécessaire, la menace était 11…Da5! » Schallopp

11...g5

Après 11...g5

« Après cela la combinaison projetée par les blancs sera très forte. Sans ce coup, les noirs auraient pu se défendre avec g6. » Schallopp

12.e1 e6 13.f4?!

Logique 13.Cd2.

13...b5?!

« Même cette contre-attaque ne va pas éviter aux noirs de sérieuses difficultés positionnelles après le sacrifice correct de la qualité au 16e coup. » Schallopp A considérer 13…g4!?

14.xb5 a5?! 15.c6 c8

Après 15...♖c8

16.xe6!

Un sacrifice de la qualité parfaitement justifié.

16...fxe6 17.d7 d8 18.xe6 e8 19.f5 g4 20.d2 c7 21.f1

Optant pour un coup défensif mais le matérialiste 21.hxg4! hxg4 22.xg4 e7 23.f1 d6 24.d2 eh7 (24...xc2? 25.c1+–) 25.e1 était à l’avantage blanc.

21...gxh3 22.gxh3 g7+

Les deux rois sont mal mais le fou blanc soutenu par le pion f5 est un excellent rempart pour s’opposer à l’action des pièces lourdes !

23.f2 f6

« Contre 23...e7 les blancs pouvaient poursuivre avantageusement avec 24.f4 h4+ 25.g3 , etc. » Schallopp

24.f3 d6 25.f4 c7 26.xd6+ xd6 27.e1 b8 28.b3 h4 29.g1

« Avec l’intention d’amener la dame sur e5 via f2–h2 » Schallopp

29...h7 30.f2 b4?! 31.e2 b6 32.f4 bb7

« La tour a perdu un tempo mais elle ne peut pas être transférée sur l’aile roi à cause de son rôle de protecteur de la case b8. » Schallopp

33.e5 hg7+

Si 33...bg7+ 34.f2 e8 35.xd5+–

34.h1 e7 35.a3 g5 36.xd4

Après 36.♕xd4

Avec 3 pions pour la qualité.

36...g7 37.f2 e7 38.c4 h5?

« Une dernière tentative. » Schallopp

Intéressant était 38...dxc4 et ici 39.bxc4 (39.dxc4 xe6! 40.xe6 b7+=) 39...h5! (39...xe6? 40.fxe6 b7+ 41.e4+–) 40.d4 b7 et tout est possible.

39.cxd5 f6

« 39...g3 ne va pas à cause de 40.f6! » Schallopp

40.c2 a1 41.c8+ g7 42.g8+ h6 43.xg5 xg5 44.g1+ f6 45.e3 g3+ 46.g2 xg1+

« L’échange des dames est forcé, la menace était 47.Cg4 suivi de 48.f6 ou 48.De3 » Schallopp

47.xg1 b7 48.d6 e2+ 49.h2 d4 50.g4+ g5 51.d7 b8 52.e5 f6 53.f7 g8

« 53.Cc6 ne sauvait pas la partie. » Schallopp

54.d8+ 1–0

Cette partie caractérise l’époque. L’attaque, axée sur la position des rois, est l’élément prédominant et les ressources du défenseur sont souvent sous-estimées dans les commentaires.

La Stratégie

Trois jours après le début du tournoi, le secrétaire Camille Morel prie au début de la ronde : « Les joueurs, qui pour raison de santé ou tout autre motif, craindraient de ne pouvoir aller jusqu’au bout, de se retirer, alors qu’ils peuvent le faire sans nuire à personne. En effet, d’après le règlement, les parties d’un joueur ne reste acquises au total général que s’il en joue plus de quatre. » Apparemment M. Bird se sent mieux et tous joueront jusqu’à la fin.

Winawer aligne les victoires avec 7 sur 7, son plus proche poursuivant est l’Anglais Blackburne, invaincu également avec 6 victoires et deux nulles. Voici une partie plus positionnelle, même si du point de vue structurelle les critiques de Steinitz sont pertinentes. Suit une finale très intéressante avec des commentaires de Steinitz d’un niveau inégalé pour l’époque dans le « Field ».

Johannes Zukertort
Joseph Henry Blackburne

Zukertort,Johannes - Blackburne,Joseph Henry, Paris (7), 09.07.1878

1.e4 e6 2.d4 d5 3.c3 f6 4.exd5 exd5 5.f3 d6 6.d3 0–0 7.0–0 c6 8.g5 e7?

Après 8...♘e7?

« Il est maintenant établi dans cette ouverture qu’une manœuvre similaire est saine pour le joueur en premier lorsque le cavalier de l’aile roi est cloué. Mais il est plus que douteux que la défense puisse s’aventurer sur ce terrain et permettre la destruction de l’aile roi, alors que les blancs ont déjà joué un fort coup d’attaque comme Cc3. » Steinitz

9.d2?!

« En essayant de fortifier leur attaque, les blancs manquent leur meilleure opportunité, M. Schwarz dans sa partie contre Blackburne, au tournoi de Vienne 1873, joua simplement 9.xf6 gxf6 10.h4 g6 11.h5 c6 12.e2 et gagna par la suite. » Steinitz

9...c6 10.fe1 g6 11.e2 c7 12.xf6 gxf6 13.h6 g4

« Une excellente réplique. Les noirs préparent 14…Tfe8 qui menace 15…Txe2 et 16.Ff4 » Steinitz

14.h4

« En lâchant un pion les blancs semblent avoir abandonné toute perspective de gain, avec pour conséquence l’échange des dames et de deux paires pièces mineures, très peu satisfaisant pour le joueur qui a le trait. Aventureux mais à essayer était 14.h3 xf3 15.gxf3 suivi de 16.Rh1 avec des possibilités d’attaque via la colonne h. Sans compter que la force du fou blanc qui presse sur h7, immobilise le cavalier ennemi pour la défense du roque. » Steinitz

14...xh2+ 15.f1 f4 16.xf4 xf4 17.xf4 xf4 18.f5 xf5 19.xf5 fe8 20.g3

« 20.d6 ne gagne pas à cause de 20...e6 21.xb7 b8 22.xe6 xe6 23.a5 xd4 24.d1 b5 = » Schallopp

20...g6 21.d6

Après 21.♘d6

21...e7?

« 21…Te6 est à considérer. Les blancs regagnent le pion, non sans avoir permis à l’adversaire de bien placer sa tour. » Schallopp

22.xe7 xe7 23.e1 f8 24.xb7

« Dangereux. C’était le plus sûr moyen de se battre pour une nulle et retirer le cavalier sur d3 via c5. Les pions de l’aile dame vont tomber maintenant l’un après l’autre. » Steinitz

24...b8 25.c5 xb2 26.d7+ e8 27.xf6+ d8 28.xh7 xa2 29.g5 f6 30.e6+ e8 31.c3 a5 32.b1 a4 33.b8+ f7 34.d8+ g6 35.b7 f5 36.xc6 d6 37.b6 e4 38.e7+ g5 39.xd5 xf2+ 40.e1 a2 41.a6

« La finale a été habilement conduite par les deux camps. Ici nous aurions préféré voir le roi se diriger vers l’aile dame, pour être capable d’arrêter le pion a plus efficacement. Les blancs auraient eu aussi plus de chance en avançant leur pion sur c4. » Steinitz

41...f5 42.d1 xg3 43.c1 f4 44.b1 e2

Après 44...♖e2

45.xf4!?

« Pour avoir perdu un tempo comme indiqué dans le commentaire précédent, les blancs auraient pu ici annuler avec 45.g6+ qui perdait maintenant à cause de 45...xg6 46.xf4+ f5 47.xe2 xe2 48.b2 e4 49.a3 (Pourtant 49.c4!! permet de tenir la position. 49...xd4 50.a3 c3 51.b4 et les noirs n’ont plus de coups pour éviter de perdre le pion a, si 51...d3 52.c5 c2 53.c6 b2 54.c7 d5+ 55.xa4 xc7=) 49...xc3 50.b4 xd4–+ À ce moment, il n’y avait rien de mieux que de donner la pièce pour le pion f qui autrement ne pouvait plus être arrêté. » Steinitz

45...xf4 46.xa4 e4 47.d5?

Une possibilité qui offrait une résistance certaine était 47.a3 e3 48.c4+! xd4 49.h3! xc4 et avec le roi coupé, sans les pions, le gain est impossible.

47...e5?

« Ici les noirs pouvaient forcer le gain en jouant 47...e3! La position est extraordinairement singulière et les pions blancs sont en fait une couverture pour l’attaque noire. Ces derniers ne peuvent gagner avec tour et cavalier contre tour si les blancs n’ont pas de pion sur l’échiquier, mais dans la partie, selon toute probabilité, la suite auraient pu être 48.a3 d3 49.d6 xc3+ 50.a1 e1+ suivi du mat. » Steinitz

48.d6 xd6

« Les blancs se défendent avec beaucoup d’ingéniosité, si 48...xc3+ 49.c1 xa4 50.d7 etc. » Steinitz

49.c1 e5 50.a8 f4 51.c4 e3 52.e8

Plus logique 52.d8

52...d3 53.d8+ c3 54.d1 e3 55.f8 c5 56.f2 d3 57.c2+ d4 58.e2 f3 59.d2

59.c5! offrait encore des ressources.

59...f4

Après 59...♘f4

« Un coup splendide. Le jeu de M. Blackburne dans cette finale extrêmement subtile est au-dessus de toute critique. La manière dont il manoeuvre pour piéger son adversaire est d’une rare ingéniosité. Il doit avoir prévu, car il a eu de nombreuses opportunités de prendre le pion c, de parvenir à une position comme celle-ci. » Steinitz

60.e8?

« Il nous semble qu’on pouvait encore tirer une nulle avec 60.h2 et si 60...a3 61.h8 a2+ 62.e1 etc. » Steinitz

60...f2+ 61.d1 c3 0–1

« Il n’y a plus rien à opposer à 62…Cd3 qui menace à la fois 63…Tf1 et 63…Td2 mat. » Steinitz

Le départ de Zukertort fut laborieux, deux nulles contre Englisch avant de perdre son match contre l’Américain MacKensie avec une défaite et une nulle. Peu à peu, il revint au score. Voici une belle victoire contre son ex-compatriote, Rosenthal, qui jouait depuis plusieurs années sous les couleurs de la France.

Johannes Hermann Zukertort

Les commentaires de Steinitz révèlent ce qui était son point faible, déceler les variantes découlant des complications tactiques…

Zukertort,Johannes Hermann – Rosenthal,Samuel, Paris (8), 12.07.1878

1.e4 e5 2.f3 c6 3.b5 a6 4.a4 f6 5.c3 c5 6.xe5 xe5 7.d4 d6 8.dxe5 xe5 9.e2 c6

« Un bon coup utile, nécessaire pour assurer une retraite au fou qui donne un accès à la dame sur l’aile et décloue le pion d. » Schallopp

10.f4 b8!

Un retrait défensif subtil, pointé par Steinitz, qui trouvera sa justification au 12e coup.

11.e5 e4 12.e3

Si 12.d4 f5 13.e3 a7! 14.d3 a5+–+

12...d5

« Si les noirs avaient joué 12…d6 ils auraient obtenu une partie au moins égale. » Steinitz

12...d6? 13.d5! f5 14.xc6+ bxc6 15.xc6+ suivi de 16.Dxa8 +–

13.0–0 0–0 14.b3 e6

Après 14...♗e6

« Ce fou pouvait être joué à g4 car la réponse que semblait craindre les noirs 14...g4 15.c4 ne pouvait être jouée à cause de (Le fou ne pouvait être chassé par 15.h3? xe2 16.xe2 g3 qui gagnait la qualité. » Steinitz) 15...d4 qui ne peut être pris. » 16.xd4 xe2 17.xe4!? xf1 18.xf1 e7 19.c5 avec des compensations pour la qualité.

15.c3 c7 16.h1 g4

« C’est maintenant, évidemment un temps perdu. » Steinitz

17.e1 f6 18.g3 xg3+ 19.xg3 e6

« Beaucoup mieux 19…Ff5, à la fois pour s’opposer à l’attaque et préparer la contre-attaque. » Schallopp

20.c2 fxe5 21.fxe5 e7 22.g5 xf1+!? 23.xf1 f8?

Après 23...♖f8?

Meilleur 23…Dd7!?

24.xh7+! h8

« Le fou ne peut être pris à cause de 25.Dd3 qui protège la tour tout en attaquant la dame. » Steinitz

25.xf8+?

« Les blancs ne réussissent pas à tirer le meilleur parti de l’avantage, 25.f5 avec la menace 26.Dh3 forçait 25...xf5 26.xf5 avec avantage décisif. » Steinitz

25...xf8 26.d3 f7?

Le seul coup pour résister était 26…Rg8!

27.h3?

« Il n’y avait rien à obtenir de 27.Dh4 suivi de 28.Dh7 car la dame adverse pouvait s’interposer sur g8 en fin de variante. » Steinitz

Steinitz s’acharne un peu trop à dévaloriser le jeu de Zukertort car 27.h4+ était totalement gagnant après 27...g8 28.h7+! f8 29.b4+ e8 30.g6!+–

27...g8 28.f4 h5 29.f5? d1+?

Le simple 29...xf5 30.xf5 f7 offrait des chances égales.

30.h2 f7 31.h4 b6 32.f2 c7 33.d4 e1?

« Par ces faibles coups, M. Rosenthal perd ses meilleures chances de nullité ; Il devait jouer 33…De2 menaçant de prendre le pion b2 ou d’avancer le pion c. Le coup de la partie permet aux blancs de concentrer leurs forces. » Steinitz

34.g3 e2

« Il était probablement meilleur d’échanger les dames et de sacrifier le pion c pour obtenir le pion e. Les blancs avec deux pions contre un sur l’aile roi n’auraient pas pu gagner facilement la finale. » Steinitz

35.d3 d2

« Mais pas 35...xb2? à cause de 36.g4! +– » Schallopp

36.b4 b6 37.f3 c5?!

Après 37...c5?!

« Les noirs laissent encore échapper une occasion de nullité. Ils auraient dû attaquer le pion e par 37...g5 et si 38.f5 xf5 39.xf5 c5 40.bxc5 bxc5 41.xc5 xe5+ 42.g1 xc3 » Steinitz

38.f5!

« Ce coup est formidable. » Steinitz

38...g6 39.c8+ g7 40.xc7 f4+ 41.h1 cxd4 42.cxd4 d2 43.e6

« Bien joué ; il est essentiel de donner ce pion pour garder la diagonale et empêcher l’échec perpétuel. » Steinitz

« Un sacrifice superflu l’immédiat 43.xa6 xd4 (43...xb4 44.h2!) 44.e6 aurait dû être joué. Il n’est en fait pas question d’un échec perpétuel. » Schallopp

43...e1+ 44.h2 xe6 45.xa6 e4 46.a4 xd4 47.a5 bxa5 48.bxa5 f2 49.c8 d4? 50.a6 h6 51.b7

« Nécessaire pour plusieurs raisons mais en premier lieu pour empêcher le fou adverse de s’installer sur d5. » Steinitz

51...d3 52.f3 d2 53.xf7 d1

Après 53...d1♕

54.f8+

« Les blancs gagnent comme ils veulent, mais cela aurait augmenté le crédit de Zukertort de gagner plus subtilement avec 54.f4+ g7 55.c7+ f8 56.xd1 et les blancs restaient avec une pièce de plus et le pion a allait à Dame. » Steinitz

54...h7 55.e7+ h6 56.xd1 f4+ 57.g1 d4+ 58.h1 xd1+ 59.h2 d4 60.c7 1–0

Rosenthal commença à céder au découragement après ses deux défaites contre Zukertort. Dans les rondes précédentes, il n’avait pu s’imposer contre Englisch dans une partie de 140 coups, alors qu’il avait l’avantage et, contre son compatriote Clerc, alors qu’il était largement favori.

Voici la première défaite de Winawer dans le tournoi et à nouveau l’occasion pour Steinitz de décortiquer le jeu d’un potentiel prétendant.

La Statue de la Liberté à l'Exposition de Paris 1878

La tête de la statue de la Liberté, construite en France, fut exposée au Champ-de-Mars offerte par le peuple français pour célébrer le centenaire de la Déclaration d’Indépendance américaine. Œuvre de l’architecte Auguste Bartholdi et de l’ingénieur Gustave Eiffel. Elle sera inaugurée à New York le 28 octobre 1886.

George Henry Mackenzie

Mackenzie,George Henry – Winawer,Szymon, Paris (6), 05.07.1878

1.e4 e5 2.f3 c6 3.b5 a6 4.a4 f6 5.d4 exd4 6.0–0 e7 7.e5 e4 8.xd4 xd4

« Cet échange est désavantageux pour le joueur en second, qui favorise ainsi la dame ennemie à occuper une position dominante. 8…Cc5 immédiatement pose des problèmes difficiles. Les blancs n’ont rien de mieux que 9.Fxc6 mais après 9…dxc6 10.Ce6 proposant à nouveau l’échange ou encore 9.Fb3 Cxe5! qui permet de capturer le pion en toute sécurité. » Steinitz

Sur 8...c5 la théorie actuelle tient 9.f5!? comme prometteur. 9...0–0 (9...xa4 10.xg7+ f8 11.h6 g8 12.g4 avec attaque.) 10.g4 g6 11.xc6 dxc6 12.xe7+ xe7 13.g3 e8 14.e1 f5 15.c3 avec des chances égales.

9.xd4 c5 10.b3 xb3 11.axb3 0–0 12.f4

« Un très bon coup, des plus ennuyeux pour l’adversaire. » Steinitz

12...h8

Après 12...♔h8

« La position est identique à celle survenue dans la partie opposant MacKenzie à Zukertort du présent tournoi. Le dernier cité à joué 12...d5 13.exd6 xd6 14.xd6 xd6 15.xd6 cxd6 16.c4 il a eu un peu de difficultés pour tenir la nulle en raison de son pion isolé. Zukertort a toutefois montré, par la suite, que le coup de la partie qui semblait le plus jouable l’aurait encore embarrassé davantage et, il a pointé le genre d’attaque qui allait en découler. L’objectif, en bougeant le roi, est de jouer 13…f6 qui ne peut être joué maintenant au vu de 13.Dc4 Rh8 14.exf6 Txf6 15.Fxc7 etc. » Steinitz

13.c3 b6

« Winawer voit trop tard qu’il ne peut pas se libérer avec 13…f6 à cause de 14.Cd5 avec, dans la plupart des variantes, une double attaque du pion c7 ; n’était d’aucune utilité 13…c6 car les blancs étaient prêts à renforcer leur position avec 14.Ce4. »

14.ad1 a7

« Un signe d’impuissance ; maintenant il est difficile de dire ce que les noirs pourraient faire dans cette situation. » Steinitz

« Ici nous suggérons immédiatement 14...c5 avec la suite 15.d5 b8 16.a4 b7 17.xd7 h4 18.g3 h5 19.xc5 bxc5 20.d3 e4 21.c3 c4 avec des chances de nulles. » Schallopp — Une attaque hasardeuse qui ne conduit nulle part après 22.d4! et les cases blanches sont sous contrôle.

15.d5 c5 16.c3 a5

S’oppose à la poussée b4.

Si 16...c6 17.b4!? (17.e3 a5) 17...xf2+ 18.xf2 cxd5 19.e3 avec avantage blanc.

17.g3 h6?! 18.d3 b5?

Après 18...b5?

19.f6!

« Une belle conception. Le cavalier ne peut être capturé évidemment, suivrait alors 20. Dh4 et la tour est déjà prête à donner un second échec fatal sur g3. » Steinitz

19...e7 20.xh6!

« Tout cela est de la grande classe. Aucune pièce ne peut être prise en toute impunité. » Steinitz

20...xf6 21.exf6 xf6

Après 21...♕xf6

22.xg7+! xg7 23.h4+ g8

« Cela ne faisait pas de différence si l’on interposait la dame après 23...h7 24.f6+ g7 25.h3+ g8 26.g3 » Steinitz

24.g3 a6 25.xg7+ xg7 26.g3+ g6 27.xc7 e8 28.g3 c6 29.xa5 xc2 30.xb5 ee2 31.g5+ f8 32.h4 e6 33.h5 cc6 34.c1

« L’échange d’une paire de tours est décisive. Les deux pièces restantes ne peuvent lutter contre l’avance des pions soutenus par la dame. » Steinitz

Après 34.♖c1

34...b7 35.xc6 xc6

Si 35...e1+ 36.g2 xc6+ 37.f3 e2+ 38.f1+–

36.f4 e4 37.f5 e5 38.h6 1–0

L’Américain George Henry MacKenzie, d’origine écossaise, s’était établi aux Etats-Unis en 1863 et, engagé dans l’armée nordiste, il devint capitaine lors de la guerre de sécession. A Paris, il réussit à obtenir le 4e prix (1000 Francs) avec un jeu brillant, devançant notamment Bird et Anderssen. Le sacrifice de dame dans la partie suivante fut particulièrement remarqué.

James Mason

Mackenzie,George Henry – Mason,James, Paris (9), 15.07.1878

1.e4 e6 2.d4 d5 3.c3 f6 4.exd5 exd5 5.f3 d6 6.d3 0–0 7.0–0 c6 8.g5 e7?

« A rejeter absolument. Correct est 8…Fe6. » Schallopp

9.xf6 gxf6 10.h4 g7?

« La seule possibilité pour contrer l’attaque est de donner un pion après 10...g6 11.h5 f5 » Schallopp

11.h5 h8 12.f4 c6 13.f3 g6 14.af1 c7 15.e2 d7 16.g3 ag8?

Après 16...♖ag8?

17.h6+!! xh6 18.hf5+ xf5 19.xf5+ h5 20.g4+ xg4 21.g3+ h5 22.e2# 1–0

James Mason (1849-1905), d’origine irlandaise, jouait aussi sous les couleurs américaines. Il avait émigré en 1861 mais, à l’issue du tournoi, il retourna vivre en Angleterre.

MacKenzie dut par contre s’incliner contre le professeur Anderssen qui fêta son 60e anniversaire pendant le tournoi.

Adolf Anderssen devant l'échiquier

Anderssen,Adolf - Mackenzie,George Henry, Paris (3), 24.06.1878

1.a3

« M. Anderssen paraît avoir adopté cette ouverture qu’il avait inventée il y a vingt ans, lors de son match contre Paul Morphy. » La Stratégie

1...d5 2.e3 c5 3.b5+ d7

« Les noirs craignaient de devoir doubler leurs pions sur la colonne c, après avoir interposé le cavalier, à notre avis à tort. Le fait d’avoir déjà joué a3 est un élément en faveur du joueur en second et nuit au pouvoir de l’attaque blanche. » Steinitz

4.xd7+ xd7

« Nous aurions préféré 4…Dxd7 se réservant la case c6 pour le cavalier. » Steinitz

5.f4 e6 6.f3 d6 7.0–0 gf6 8.c3 c8 9.e2 f8

« Les noirs devaient roquer. Le cavalier n’est pas mieux sur g6 que d7 pour contrôler la case e5 ; permet également, après 9…Cf8, aux blancs de se développer avantageusement. » Schallopp

Après 9...♘f8

10.c4 a6 11.cxd5 exd5 12.b3 g6

« En imitant les blancs dans la concentration de leurs pièces sur l’aile roi, les noirs oublient que la différence est que les pions blancs sont déjà plus avancés pour une attaque. » Steinitz

13.b2 e7 14.g3 0–0 15.e5?

« Nous considérons cela comme une faute, d’autant plus inutile qu’hasardeuse, alors que les blancs avaient un moyen beaucoup plus sûr d’attaquer avec 15.Cf5 suivi par 16.Dc2 ou même la poussée g4. » Steinitz

15...c7?

« Nous ne sommes pas, et de loin, convaincus que l’offre d’un pion était correcte et nous pensons que les noirs auraient dû l’accepter. Herr Anderssen a admis qu’après 15…Fxe5 16.fxe5 Cxe5 17.Cf5 il n’avait rien ; mais il maintint qu’il aurait obtenu une forte attaque après 17.Tf5. Nous nous démarquons de ce point de vue. Voici la variante 15...xe5 16.fxe5 xe5 17.f5 ed7 18.f3 (La vérité est peut-être plus nuancée et Schallopp proposa dans le livre du tournoi 18.h5!? e6 (Un renforcement est 18...xh5!? 19.xh5 g6 20.h6 d4 et l’affaiblissement des cases noires offre quelques contre-chances aux blancs.) 19.xg7 xg7 20.g4+ avec attaque.) 18...e6 avec l’idée 19…Ce4 qui permet aux noirs de se libérer et si 19.d3 d4! menaçant le pion b avec une bonne partie. Dans tous les cas, la position noire était clairement meilleure que celle qui arrivera dans quelques coups. » Steinitz

16.g4 xg4 17.xg4 ce8?! 18.f5 f6 19.f3 e4 20.af1 d4 21.g3 f7?! 22.h4 f8 23.h5 g8 24.f3

Après 24.♕f3

« Les blancs ont réussi à construire une attaque formidable avec ingéniosité et finesse ; mais ici nous pensons qu’ils auraient pu emporter la décision en leur faveur dans un style plus subtil et plus sûr en sacrifiant la qualité, qui aurait conduit à la variante suivante 24.xg6 hxg6 25.xg6 fe7 26.h5 7e6 27.h6 f8 28.f3 suivi de 29.Th3 avec une attaque irrésistible. » Steinitz

24...xf4

« Un sacrifice désespéré ; mais il n’y avait rien à opposer face à la menace 25.h5 suivi de 26.Ch6. » Steinitz

25.xe4

« Herr Anderssen préfère une claire et simple position, avec un petit avantage, qu’un gain matériel ; mais nous avons des doutes sur la manière adoptée pour assurer le gain. Il aurait été préférable de prendre le fou au vu des deux variantes suivantes : 25.exf4 xf4 26.d3 e5 27.e2+–; Ou 25.h3 e5 26.d6 xd6 27.xe4 » Steinitz

25...xg3 26.exd4 cxd4 27.xd4 e5 28.xe5 xe5 29.c4 c7!

« Un coup faible. Il fallait proposer immédiatement l’échange des cavaliers avec 29...e7 et si 30.d4 e4 la position a tout d’une nulle. » Steinitz — 31.xf7+!! Schallopp. 31...xf7 32.d6+ est une claire réfutation.

30.d4 h6

« Ceci affaiblit davantage la position de l’aile roi. Un meilleur plan était 30…Dd7 avec l’intention d’échanger les cavaliers avec 31…Ce7. » Steinitz

31.h5 f8 32.e1 h7 33.e8

« Les blancs menacent 34.Dxc7 Txc7 35.Txf8. La manière dont Anderssen va contraindre son adversaire à échanger et consolider ses pions est admirable. » Steinitz

33...xc4 34.bxc4 g8 35.e7+ h7 36.d5 g6 37.hxg6+ xg6 38.d6 e5 39.d5

« Voilà Anderssen, celui de 1851. Si 39…Cxc4? 40.d7! » Steinitz

39...g6 40.c5 d7 41.f4+ g7

« Si 41...f5 42.e7 e5 43.d3 » Schallopp

42.c8

« 42.e6+ h7 43.d8 gagnait aussi. » Steinitz

42...f5 43.c7 f6 44.f2 e5 45.e3 c6 46.d3

Après 46.♔d3

« Tout cela est splendide et précis. Anderssen empêche 46…Txc7 à cause de 47.dxc7 Ce7 48.Cd5! ce qui n’allait pas avec le roi sur e3 car les noirs pouvaient prendre le cavalier avec échec. » Steinitz

46...d8

46...xc7 47.dxc7 e7 48.d5+!+–

47.c4 e5 48.g3 b6 49.e7+ f6 50.d5+ g7 51.xb6 f6 52.d7+ g5 53.d5 1–0

Le ballon captif

L’une des grandes attractions de l’Exposition Universelle de 1878 fut celle réalisée par Henri Giffard, un ingénieur qui avait mis au point un ballon captif installé aux Tuileries. Il permettait une ascension de 500 mètres au-dessus de Paris dans une nacelle soutenue par un ballon de 25000 m3. D’une capacité de 40 passagers, l’engin faisait une dizaine d’allers-retours par jour. Depuis cette époque les progrès technologiques et scientifiques ont été incontestablement plus spectaculaires que la théorie du jeu d’échecs.

Peinture Caillebotte Paris 1878

Alors que l’enjeu de cette exposition était de faire oublier aux Français le traumatisme causé par la défaite face aux Prussiens en 1870 et les meurtrissures du siège de la Commune. Toutefois, un banquet fut offert en l’honneur des soixante ans d’Anderssen le 6 juillet 1878 en présence de plus d’une trentaine d’invités. « La plus franche gaieté n’a cessé, un seul instant, de régner pendant cette fête, laquelle commencée à midi, n’a été terminée qu’à 6 heures du soir. » La Stratégie

La cheville ouvrière du tournoi Camille Morel porta l’un des nombreux toasts en l’honneur du légendaire prussien en ces termes : « Nous qui avons le bonheur de compter aujourd’hui M. Anderssen parmi nos hôtes nous lui savons un gré infini d’avoir consenti à rentrer dans l’arène, quand il aurait pu, fier de ses succès passés et dédaigneux des générations nouvelles, déposer le ceste et se retirer superbement sous sa tente. Grâces lui en soient rendues. »

Suivirent de nombreuses libations à la gloire du héros et quelques piques, en vers, pour le grand absent :

Steinitz l’heureux vainqueur, Steinitz qui se repose

A l’ombre des lauriers que sa main à cueillis

Et qui laisse couler ses jours couleur de rose

Dans la grande cité que la Tamise arrose

Croyant avoir payé sa dette à son pays!

Le tournoi se termina le 24 juillet ; Winawer et Zukertort sont ex aequo avec 16,5 points et devancent Blackburne distancé de 2 points. Puis suivirent Bird et MacKenzie 13 points et Anderssen 12,5 points etc.

Deux matchs de départage débutèrent le 27 juillet. Deux victoires pour Mackenzie face à Bird. Par contre, un match plus sérieux en 4 parties opposa les deux vainqueurs.

Deux nulles très disputées furent suivies par une victoire de Zukertort.

Johannes Zukertort
Szymon Winawer

Zukertort,Johannes – Winawer,Szymon, Paris playoff (3), 30.07.1878

1.e4 e5 2.f3 c6 3.b5 a6 4.a4 f6 5.c3 c5 6.0–0 b5 7.b3 d6 8.a4

8.d3 transposait dans ce qui est devenu aujourd’hui la célèbre et populaire variante d’Arkhangelsk.

8...b4

« S’écarte de la première partie du match ou 8…Tb8 fut joué et est suffisamment solide comme l’a démontré la suite de la partie. » Steinitz

9.e2 g4

Si 9...xe4? 10.d5!

10.d3 xf3 11.gxf3 d4 12.xd4 xd4 13.f4

Après 13.f4

« Les noirs ont simplifié la position et endommagé l’aile roi et, en même temps, ils empêchent le développement du fou adverse en menaçant le pion b2. S’ils peuvent trouver le temps de jouer Ch5, ils s’assurent pour le moins la nulle en bloquant les pions f doublés, ou plus encore. Dans cette situation, les blancs abandonnent un pion, ce qui nous paraît une erreur dans tous les cas, que ce soit à des fins défensives ou pour spéculer sur une attaque. » Steinitz

« Le bon coup était 13.e1 attaquant le pion b que les noirs pouvaient difficilement perdre pour une éventuelle attaque avec 13…Ch5. Si, d’un autre côté, les noirs défendent le pion avec 13...a5 les blancs conservent un léger avantage. Par exemple 14.c3 bxc3 15.bxc3 a7 16.f4 g4 17.g2 le seul coup mais assez bon. 17...h4 18.h3 suivi à la première occasion par f3 et nous préférons le jeu blanc. » Steinitz; Intéressant est 13.c3 bxc3 14.bxc3 xc3 15.xf7+! avec des chances égales.

13...exf4 14.xf4 xb2 15.b1 d4 16.f3 0–0 17.h1 d7 18.g2 c5 19.d5 b8 20.g5 d7 21.g1 e6

« Après la partie M. Zukertort a démontré que si les noirs avaient pris le pion avec le cavalier, il aurait gagné d’une très brillante manière, par exemple 21...xa4 22.e3 e5 23.xg7+ xg7 24.d4 c5 (Il y a une paille dans l’acier 24...fe8! permet de tenir la position après 25.xg7+ f8 26.xh7 e5! etc.) 25.xg7+ h8 26.g8+ xg8 27.g1+ et mat au coup suivant. » La Stratégie

22.b3 h8 23.d2 a5 24.bf1 g6 25.h6 g7 26.e3

Après 26.♗e3

26...f5?!

« Jusqu’ici Winawer avait encore l’avantage, même s’il n’avait pas renforcé sa domination par des mesures des plus adéquates, alors qu’il en avait eu l’occasion. Mais par cette dernière poussée de pion, il compromet sa partie. Le bon coup était 26...e7 pour empêcher la prise du cavalier qui en même temps attaquait la dame ; et la suite aurait probablement été 27.f4 d4 28.xd4+ (si 28.xe6 xe3–+) 28...xd4 29.f5 h4 et nous ne voyons pas de possibilités de poursuivre l’attaque, qui auraient compensé le pion de moins, pour les blancs. » Steinitz

27.h3 e8

« Le seul coup pour protéger le pion g menacé. Protéger avec 27…Tf6 auraient permis aux blancs de doubler les tours sur la colonne g en augmentant la pression sur le pion g et aussi de menacer exf5 et le pion ne pouvaient être repris sans perdre une pièce après Fou prend e6. » Steinitz

Une variante abstraite qui n’est pas une réalité sur l’échiquier par exemple 27...f6 28.g2?! e8!? 29.fg1? (29.exf5 f8!) 29...fxe4 30.xg6 xg6 31.xg6 c5 avec avantage noir.

28.g2 f4 29.a7 f3

« Winawer ne se rend pas compte des subtilités de la position et force seulement son adversaire à faire un bon coup. Son pion était mieux sur f4 et il devait, en jouant 29…Tb7, forcer l’échange d’un des dangereux fous blancs, avec la nulle dans la poche. » Steinitz

Ceci n’est pas une évidence comme le montre la variante 29...b7 30.xe6 xa7?! (meilleur 30...c3! 31.d7 f7 32.fg1 g7! suivi de 33.Txa7.) 31.d7! (31.fg1 f6 32.f5 g8 = La Stratégie) 31...d8 (31...f7 32.fg1!) 32.xg6+–

30.g4 b7 31.e3 f6 32.fg1 c5 33.h4 h5

« Le traitement du milieu de partie de Winawer ne correspond pas à sa conduite exceptionnelle des finales. En aucun cas, il n’aurait dû affaiblir ainsi son pion g, la clé de sa position. Il aurait dû retirer le fou sur f8, et s’appuyer sur Cd4, chaque fois que le fou ennemi s’installait sur b2 via c1. Bien sûr, il n’avait pas plus que la nulle puisque les blancs pouvaient se retrouver avec une finale de fous de couleurs opposées ; mais c’était ce qu’il pouvait espérer de mieux s’il avait pleinement évalué la force de l’attaque adverse. » Steinitz

34.c1?! e7

« Si 34...d4 35.xg6! xb3 36.xh5+ g8 37.h8+ f7 38.xf6++– Schallopp

35.xe6?! exe6?

« Les noirs s’accrochent à leur pion avec une obstination fatale. C’est l’autre tour qui devait prendre, avec encore une bonne partie, même si les blancs récupéraient le pion. » Steinitz

36.b2 f7?

Après 36...♖f7?

« Ne décelant pas la conception brillante de l’adversaire. L’unique chance maintenant était de sacrifier immédiatement la qualité avec 36…Te5! N’était d’aucune utilité 36...f8 37.xh5+ gxh5 38.xg7+ g8 39.f6+ f7 40.xh5+ xf6 41.g5+ f7 42.g7# » Steinitz

37.xg6!

« La conclusion est magnifique, dans le plus pur style de Zukertort. » Steinitz

37...xg6 38.xh5+ g8 39.h8+ xh8 40.xh8# 1–0

La grille du tournoi de Paris 1878

Le 31 juillet Zukertort remporta le 1er prix, deux vases de Sèvres d’une valeur de 5800 Francs et 1000 Francs en espèces. Un vase de Sèvres de 1800 Francs et 500 Francs. en espèces pour l’autre finaliste Winawer. Zukertort, à court d’argent, se mit en quête d’un acheteur pendant plusieurs jours et fut contraint de céder ses vases à un prix inférieur.

Vase de Sèvres 1878

Notons aussi, qu’à l’issue du tournoi, M. Kolisch prit l’initiative d’une souscription pour rapatrier un membre du tournoi qui n’avait pas eu de prix et dont la situation était très précaire. Le Marquis d’Andigné convia les participants à un banquet au Cercle International des Echecs en compagnie de nombreuses personnalités issues de l’aristocratie avec à leur tête le Duc de la Rochefoucauld mais quatre joueurs (Clerc, Anderssen, Pitschel, Englisch) avaient déjà quitté Paris. (Rapporté par Steinitz)

La Régence 1874

Parmi les nombreuses personnalités de l’époque, citons :

Tout à gauche debout Arnous de Rivière et Paul Journoud (Le Sphinx), assis à droite du 2ème échiquier Jean Préti (La Stratégie), à sa droite son fils Numa Préti, observé par Kolisch debout. Tout à gauche assis avec la main levée, Rosenthal.

Aussitôt le tournoi terminé, M. Kieffer, propriétaire du Café de la Régence tenta de mettre sur pied un tournoi comportant au moins six concurrents mais seuls Bird, Blackburne et Mason étaient disponibles et le projet resta sans suite ! Cette année 2018 marque aussi le 300e anniversaire de l’ouverture du Café de la Régence !

Wilhelm Steinitz (14 mai 1836 à Prague, Empire d'Autriche - 12 août 1900 à New York)

Le premier champion de l’histoire fait partie du carré d’as qui, par leurs écrits, ont apporté beaucoup aux joueurs d’échecs pour améliorer la compréhension du jeu. Parmi les champions du monde Steinitz et, après lui, Alekhine, Botvinnik et Kasparov sont incontestablement les plus prolifiques et les plus intéressants.

Article de Wilhelm Steinitz dans le Field du 15 juin 1878
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