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En remportant coup sur coup les deux titres de rapide et de blitz, Magnus Carlsen, après avoir refusé de défendre son titre « classique » face à Ian Nepomniachtchi, ne fait qu’accentuer le malaise qui règne au sommet de la hiérarchie mondiale.
Carlsen détrône en rapide le talentueux Ouzbek Nodirbek Abdusattorov qui avait remporté le titre à 17 ans en 2022 et s’avère être un grand espoir de la nouvelle génération. En blitz, Carlsen succède à Maxime Vachier-Lagrave, hors forme, qui vit une période de transition et semble avoir pris de nouvelles résolutions pour poursuivre sa carrière en changeant d’entraîneur.
Il devient évident que le vainqueur du match qui va opposer le Russe Ian Nepomniachtchi au Chinois Liren Ding, même si le duel est attendu sur le plan purement échiquéen, ne sera qu’un champion du monde FIDE !
Depuis que la FIDE s’est emparée de l’organisation du championnat du monde en 1948, tous les champions couronnés avaient une légitimité qu’ils devaient avant tout au titre mondial disputé en parties longues.
Le schisme provoqué par Kasparov en 1993, en jouant contre Short hors juridiction de la FIDE, a vu une succession de champions rester dans l’ombre ; Khalifman, Ponomariov, Kasimdzhanov, presqu’effacés dans la mémoire collective, et apparemment cette situation risque de se reproduire 30 ans plus tard.
Incontestablement Carlsen est un des plus grands couronnés par le titre mondial « classique » ! Il a tout gagné dans toutes les cadences et fait l’unanimité, comme avant lui, Fischer, Karpov ou Kasparov.
Faut-il remettre en question l’avenir du championnat du monde et des échecs « classiques » ? Je peux difficilement comprendre ce genre d’affirmation de la part de Magnus :
« Je pense que les échecs classiques vont progressivement disparaître au plus haut niveau. Il n’y a aucune raison que nous ne devions pas jouer des tournois principalement en ligne. »
Le succès, et ce qui sera bientôt l’héritage de Magnus, c’est au contraire justement ses résultats extraordinaires dans les tournois comme Wijk aan Zee, ses matchs pour le titre.
« Le titre de champion du monde de blitz est très important, il y a plus de rondes qu’en rapide et c'est encore plus difficile. Quant au championnat du monde classique, je l'ai gagné, mais le titre ne m'était pas assez précieux pour essayer de le conserver. »

Dévaloriser ce qui a fait sa gloire pour le réduire à une « vérité » vantant les ambitions de son nouveau patron, c’est éluder les intentions essentiellement commerciales de Chess.com.
Ce genre de propos est probablement la conséquence du rachat de « Play Magnus Group » par « Chess.com » dont Magnus est devenu « l’ambassadeur ».
Capablanca, au faîte de sa gloire, avait prédit la mort du jeu classique devant l’augmentation des parties nulles et avait proposé une nouvelle version du jeu en ajoutant des pièces.
En réalité, une part de responsabilité lui revenait à force de simplifier le jeu en échangeant à de nombreuses reprises les Dames lors du championnat du monde de 1927. Alekhine a démontré, au contraire, que l’on pouvait vaincre dans les complications.
J’espère que la nouvelle génération sera bientôt capable de démontrer à Magnus que, s’il ne veut plus s’investir dans la préparation d’un match « classique », c’est toujours le travail, l’énergie, l’ambition, la réflexion et le talent qui sont les principaux moteurs pour devenir champion du monde de ce jeu magnifique, quelle que soit la cadence.

Bonne lecture !

Georges Bertola