À la une des échecs depuis 1959

Magnus Carlsen a brillamment remporté le Mémorial Gashimov à Shamkir. Le score impressionnant

de 7/9 face au gratin mondial n'est pas sans rappeler Bobby Fischer qui imposait un rythme infernal à

ses adversaires avant de défaire Boris Spassky en 1972 à Reykjavik.

S'il continue encore à gagner de nombreux tournois peut-être rejoindra-t-il, dans le panthéon des

échecs, ses illustres pairs. Lasker, par sa longévité, aura du mal à être détrôné car tout va de plus en

plus vite et il sera difficile de tenir encore 25 ans… mais qui sait ? Qui vivra verra...

On compare parfois Carlsen à Capablanca pour leur style épuré et l'exploitation de micro-avantages.

Kasparov aura décelé très vite le potentiel de Magnus et se mît à son service pendant un temps,

mais leurs styles sont à l'opposé l'un de l'autre. Garry était extrêmement confiant et redoutable sur

l'échiquier puisque, à mon avis, il fut le meilleur pour la préparation maison. Il sut comprendre très

vite - avant les autres - l'importance des bases de données et en fut récompensé. Par contre, dès qu'il

était dans des terra incognita, Kasparov rendait immédiatement 100 points Elo car son moteur

confiance était entamé.

En cela Kasparov et Carlsen sont très éloignés, car le Norvégien a une confiance énorme en ses

capacités… à juste titre !

Karpov et Carlsen me semblent les plus comparables. Si on s'attarde un peu sur ce qui peut les

rapprocher, il y a une combativité incroyable même dans des positions très équilibrées.

Leur inextinguible soif de victoire, leur confiance en eux, leur relatif manque de travail par rapport

aux autres, en particulier Kasparov ou Botvinnik qui étaient des stakhanovistes, leur donne une

proximité. La grande différence réside dans les capacités physiques de Carlsen que Karpov n'avait

pas. D'ailleurs il s'était effondré physiquement sur la fin du match marathon contre Korchnoi à

Baguio en 1978 avant de gagner la 32e partie et le match. Lors de son premier match contre

Kasparov, le prétexte de sa faiblesse physique avait été évoqué afin d'interrompre le championnat du

monde en février 1985.

Carlsen n'aura que 25 ans en novembre et il a déjà tout gagné !

Kasparov et Karpov était tellement forts qu'ils se sont entraînés mutuellement et ont combattu, l'un

pour rester au sommet et l'autre pour essayer de l’y rejoindre.

Karpov a voulu démontrer qu'il était un grand champion en gagnant un maximum de tournoi car son

titre octroyé devait intérieurement avoir un goût amer.

Carlsen n'a, pour le moment, pas de réels poursuivants ni de frustration visible qui peuvent servir de

moteur aux êtres humains afin de maintenir le cap. Le seul grief qu'il pourrait avoir à l'égard de lui-

même est d'avoir refusé de participer au cycle du championnat du monde avant 2013.

Il est extrêmement difficile de maintenir une motivation à son zénith en permanence.

Même si nous savons que rien n'est comparable avec les champions d’antan, il reste à Carlsen 25 ans

pour égaler la longévité de Lasker, 4 ans celle de Capablanca, 1 année pour Fischer, 6 ans pour

Kasparov en tant que détenteur du titre avec la FIDE, ou 13 ans en tant que numéro 1 mondial.

Pour rejoindre Karpov il lui reste 14 ans puisqu'il fut champion du monde FIDE de 1975 à 1985 et

ensuite de 1993 à 1999.

Voilà peut-être des objectifs qui peuvent motiver le numéro 1 mondial...

Bonne lecture à toutes et à tous.

Bachar Kouatly