En bref
Le classement Elo international est réactualisé officiellement tous les trois mois par la FIDE. Le premier paramètre pris en compte est le ratio objectif de victoires, de défaites et de nulles. Mais le Elo n'intègre pas la notion des couleurs. C'est l'une de ses rares faiblesses. Chacun sait qu'il est bien dur de gagner avec les Noirs.
Après chaque partie, ce calcul intègre cependant une correction de type Bonus/Malus, selon le classement affiché à l'instant T de la partie par les deux joueurs :
. Prime en cas de victoire (ou de nulle) contre un adversaire mieux classé.
. Pénalité après une défaite (ou une nulle) face à un joueur plus faible.
En conséquence, plus l'écart est grand entre les adversaires, plus le risque est important pour le joueur le mieux classé de perdre un nombre élevé de points. Ce modèle de calcul fait donc intervenir un paramètre psychologique.
Avec la pression du Elo, tous les duels n'ont pas la même valeur. La position de favori n'est pas toujours la plus facile.
Une invention signée Arpad Elo
Au fil d'une carrière, le plus difficile n'est pas toujours de grimper des échelons, mais de s'y maintenir. En outre, le niveau moyen global des compétiteurs s'accroissant, le Elo FIDE est en inflation constante.
Un joueur inactif perdra régulièrement des places au classement, sans perdre de points. Cet ingénieux modèle évolutif a été créé par le professeur Arpad Elo (1903-1992). Originaire de Hongrie, Elo émigra aux Etats-Unis en 1913. Sa famille s'installa à Cleveland. Le jeune physicien devint un joueur amateur brillant. Il présida l'American Chess Federation, l'ancêtre de la Fédération des Etats-Unis (USCF), qu'il contribua à fonder en 1939.
A cette époque, les joueurs étaient classés avec le système Ingo, qui faisait parfois « varier de façon surprenante » le rang des joueurs internationaux d'une saison à l'autre. Elo mit près de vingt ans à fiabiliser sa propre formule mathématique de substitution.
Une comparaison dans l'espace et le temps
Son système complexe fut adopté officiellement par la FIDE en 1970. L'une de ses qualités les plus singulières est de permettre à la fois une classification des joueurs dans l'espace (le cadre de référence étant universel), mais aussi dans le temps, suivant une méthode originale de comparaison.
En 1978, Arpad Elo publia un traité de vulgarisation de son système. Cet ouvrage contenait en annexe un classement des plus grands champions de l'histoire, depuis les années 1820.
Le plus ancien joueur classé est Alexandre Petrov (1794-1867), évalué à 2530. Le Russe fut le premier champion de son pays à imposer son nom sur la scène internationale. Petrov était surnommé « le Philidor du Nord » en hommage au champion et théoricien français François-André Danican Philidor (1726-1795), le génie du 18e siècle.
Au total, ce classement historique évalue et compare les performances de 476 joueurs, de Petrov à Karpov, qui était alors champion du Monde en titre.
Le Top 10 de Arpad Elo
L'Américain Robert James Fischer (né en 1943) avait été sacré 11e champion du Monde en 1972. Ce génie absolu se place naturellement en tête de ce Top 10. Il précède l'élégant métronome cubain José-Raul Capablanca (1888-1942), 3e champion du Monde officiel, surnommé par ses pairs « La Machine à jouer aux échecs ». On disait de ce joueur positionnel sublime que chacune de ses parties ressemblait à un temple grec.
Anatoly Karpov (photo ci-dessus) se classe à la 2e place ex aequo. Sacré 12e champion du Monde en 1975, le Russe est aujourd'hui encore en activité. Arpad Elo avait vu juste, car Karpov s'est distingué depuis 1978 en devenant le recordman absolu de victoires en tournois individuels (près de 160 titres !).
L'Américain Paul Morphy (1837-1884) est le seul joueur de ce classement prestigieux à n'avoir pas été sacré « officiellement » champion du Monde. Ce joueur éblouissant est cependant resté invaincu en match de 1857, jusqu'à sa mort en 1884.
Top 10 historique
1. Bobby Fischer (Etats-Unis) : 2780
2-3. Capablanca (Cuba) / Karpov (URSS) : 2725
4-5. Lasker (Allemagne) / Botvinnik (URSS) : 2720
6. Tal (URSS) : 2700
7-9. Morphy (Etats-Unis), Alekhine (URSS, puis France), Smyslov (URSS) : 2690
10. Petrossian (URSS) : 2680
De Steinitz à Kasparov : les grands absents
Ce Panthéon des 10 meilleurs performers de tous les temps recelait trois absences principales :
. Wilhelm Steinitz (1836-1900), premier détenteur du titre officiel de champion du Monde. Le Viennois avait été sacré après avoir battu Johannes Zukertort, en 1886, aux Etats-Unis.
. Max Euwe (1901-1981), éphémère champion du Monde de 1935 à 1937, après sa victoire surprise contre le Français Alexandre Alekhine (1892-1946).
. Boris Spassky (né en 1937), 10e champion du Monde, vaincu par Fischer en 1972, à Reykjavik.
De son côté, Garry Kasparov n'avait que 15 ans en 1978. Il ne fait aucun doute que l'ex-n°1 mondial occuperait aujourd'hui le premier rang de la hiérarchie. L'Ogre de Bakou est resté invaincu en match mondial de 1985 à 2000. Il a surtout été le premier joueur de l'histoire à franchir la barre mythique des 2800 points Elo.
Les rares postulants actuels pour accéder à ce Top 10 seraient Vladimir Kramnik, qui a franchi lui aussi le mur des 2800, après avoir ravi son titre à Kasparov, à Londres, en 2000.
L'Indien Anand, ex-champion du Monde FIDE, et le Bulgare Topalov, qui ont tous deux dépasser cette barre mythique, pourraient également revendiquer une place dans ce Top 10.